Pascal Haury : « Nous souhaitons rester un terreau d’innovations »
Fraîchement élu président d’Aésio Santé, Pascal Haury revient sur la nouvelle structuration de son groupe depuis le début de l’année, l’impact de la crise sanitaire sur le monde mutualiste mais également sur les projets menés par Aésio dans la Loire.
Pourriez-vous nous rappeler comment est structuré le groupe Aésio ?
Chez Aésio, nous avons deux piliers. Le premier concerne le volet assurantiel, c’est Aésio Mutuelle. Il s’est constitué suite à la fusion de trois mutuelles au 1er janvier 2021, à savoir Eovi MCD, très connu dans notre région, Adréa Mutuelle, présente en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, la région de Nîmes et sur la Normandie, et enfin Apréva qui se concentre sur Nord-Pas-de-Calais. Cet ensemble coiffe 2,7 M de personnes protégées au sein d’Aésio Mutuelle et représente ainsi le 2e plus gros groupe mutualiste de France. C’est le pilier historique. De l’autre côté, se trouve Aésio Santé, le volet offreur de soins, accompagnement serviciel de nos adhérents et de la population. Cela correspond à une union de quatre entités juridiques. Tout d’abord la Mutualité française Loire Haute-Loire Puy-de-Dôme, dont je suis toujours président. Il représente environ 50 % du CA cumulé des quatre groupements. Ensuite, nous avons La Mutualité française Ardèche-Drôme, Aésio Santé Sud-Rhône-Alpes et Aésio Santé Méditerranée. Ces quatre entités comptabilisent 390 M€ de chiffre d’affaires, avec 5 100 collaborateurs et 200 établissements de santé sur le territoire. Aésio Santé est une union et non pas une fusion. Une convention d’affiliation lie ces groupements avec l’entité têtière et donc les rôles et responsabilités politiques et opérationnels sont clairement définis. L’idée étant d’avoir une organisation plus structurante et centralisée, tout en laissant de l’initiative dans les territoires et ne pas avoir un centralisme qui peut s’avérer parfois contre-productif à l’agilité, à la réponse aux appels à projets ou aux besoins de santé d’un territoire. C’est un savant équilibre pour nous positionner entre local et une stratégie centralisée.
Avec ce nouveau mandat de président d’Aésio Santé, quelles sont les missions que vous souhaitez porter ?
J’aimerais aussi rappeler que je suis également vice-président d’Aésio Mutuelle. Pour moi, il est important qu’il y ait un lien fort entre le volet assurantiel et celui d’offreur de soins. Tous les contrats de complémentaire santé se ressemblent aujourd’hui. Nous avons observé une banalisation de l’offre avec la notion de contrat responsable, la généralisation des contrats de complémentaire santé obligatoires dans les entreprises, les tutelles sont de plus en plus pressantes et présentes pour diriger l’offre de complémentaire santé… En tant que groupement mutualiste, tout cela ne nous est pas forcément très favorable. Les différenciations sont très importantes pour bien marquer auprès de nos adhérents que nous ne sommes pas un acteur comme les autres en matière de prise en charge globale de la santé. Notre participation dans l’offre de soins est pour moi un élément important, à mettre en exergue, voir un dialogue permanent entre les attentes d’Aésio Mutuelle assurant des adhérents avec des besoins et des envies, et nous, Aésio Santé, qui pouvons être présents en tant qu’acteurs du territoire mais aussi centres d’expérimentations ou d’expertise sur de nouveaux services. C’est dans cet échange permanent entre les deux structures que nous pouvons mieux accompagner nos adhérents.
Avec la crise sanitaire, le rôle de la santé mutualiste a-t-il évolué ? Est-ce que la Covid-19 changera des points à long terme pour vous ?
C’est un peu trop tôt pour le dire. La leçon que l’on peut commencer à tirer de cette crise sanitaire sans précédent c’est : autant le gouvernement a eu une position un peu dure vis-à-vis des acteurs assurantiels que nous sommes en créant la taxe Covid. On ne va pas le nier, avec le confinement il y a eu des différés de soins et donc tous les assureurs en complémentaire santé ont eu un peu moins de prestations à payer. Mais nous étions prêts à contribuer pour améliorer les prestations auprès de nos adhérents, voire leur accorder une ristourne par rapport aux prestations non versées. Mais on ne nous a pas laissé l’initiative en créant cette taxe censée compenser les économies que nous avions pu réaliser. Cela a crispé les relations avec le Gouvernement, faisant de nous des payeurs aveugles, encore une fois. Par contre, sur notre engagement en matière d’offre de soin, nous avons plutôt montré une image très positive au Gouvernement et de la population, car nous avons été des acteurs importants dans la prise en charge de cette crise sanitaire. Nous avons amélioré les relations avec l’offre publique présente dans nos territoires. La problématique constitue le flou qui demeure sur l’avenir des relations que nous avons pu nouer par exemple avec le CHU de Saint-Etienne. Est-ce que post-crise, allons-nous retourner vers une concurrence alors que nous sommes complémentaires… Je ne sais pas. J’espère que nous tirerons les leçons de cette crise en voyant que nous sommes des acteurs avec la même éthique. Notre position en tant qu’offreur de soins est assez particulière car nous ne sommes pas du public mais pas non plus du privé. Nous ne sommes pas lucratifs… Nous sommes du privé non-lucratif. Nous rentrons donc complétement dans le champ de l’économie social et solidaire. Mais nous sommes souvent les oubliés des mesures de soutien ou d’accompagnement financier.
Nous sommes souvent les oubliés des mesures de soutien ou d’accompagnement financier.
C’est peut-être davantage le cas dans vos relations avec l’État, mais peut-être moins avec les collectivités locales ?
Voilà, c’est ça. C’est plus facile avec les collectivités avec lesquelles nous œuvrons au quotidien. Nous sommes devenus un gros acteur sur le bassin ligérien en termes médico-social, donc nous avons de très bonnes relations avec le Conseil départemental, la Ville de Saint-Étienne ou Saint-Étienne Métropole. Tout cela du fait du poids que l’on pèse sur l’offre de prise en charge des personnes âgées, qui correspond un enjeu majeur pour les 20 prochaines années pour toutes les collectivités locales. Il faut être clair là-dessus. Nous travaillons intelligemment avec les collectivités locales mais avec l’Agence régionale de santé, nous avons davantage de difficultés même s’il ne faut pas décrier à tout crin. Mais par exemple, pour le Ségur de la Santé, nous avons dû faire du lobbying national pour obtenir les mêmes revalorisations salariales que le public… Souvent, on pense au domaine public mais le privé non-lucratif, on a tendance à l’oublier alors que même si on pèse moins que le public, nous restons avec une offre importante sur le territoire.
Y a-t-il des dossiers particuliers que vous aimeriez mener vis-à-vis de la Loire ?
Nous avons encore beaucoup de projets dans la Loire. Nous voulons étoffer notre offre à destination des personnes âgées, nous expérimentons des dispositifs d’accompagnement renforcés à domicile. Les personnes âgées souhaitent rester le plus longtemps à domicile. Donc nous expérimentons de nouvelles prises en charge, avec des financements associés, afin de voir comment cela est soutenable. Nous travaillons aussi avec l’École des Mines sur la » Box des Fragilités « . Ce n’est pas un système de téléalarme mais un véritable outil prédictif. Nous allons enter dans la phase de déploiement chez une centaine de volontaires. Via des capteurs, on va aller mesurer leur comportement et au bout de quelques semaines, via des algorithmes, nous arriverons à créer un « jumeau numérique ». Tout ceci afin de prédire l’évolution de la personne et ainsi anticiper une potentielle perte d’autonomie. Si on traite suffisamment cette perte d’autonomie, nous pouvons la ralentir. Nous souhaitons rester un terreau d’innovations pour les prises en charge de demain. À la clinique mutualiste de Saint-Étienne également, nous déployons des innovations régulièrement, tout en restant accessible. Cet établissement reste sur la place le seul à ne pas pratiquer de dépassement d’honoraires. C’est important à nos yeux.
Nous avons encore beaucoup de projets dans la Loire.
La « Box des Fragilités » pourrait être commercialisée quand environ ?
Nous y verrons plus clair à la fin du 1er semestre 2022. Je reste cependant prudent sur une date précise avec la crise sanitaire.
Lors de l’assemblée générale du groupe Aésio Santé, outre l’élection de Pascal Haury, les administrateurs ont également élu Christian Boidin, vice-président, Philippe Robert, vice-président, Madeleine Perroud, vice-présidente, Elisabeth Hansberger, trésorière générale, Alain Tison, trésorier général adjoint, Jean-Luc Pinède, secrétaire Général et Béatrice Augier, secrétaire générale adjointe.