Saint-Étienne
jeudi 18 avril 2024
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Patients cherchent médecin

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Malgré plusieurs initiatives locales et la mise en place de dispositifs incitatifs pour l’installation de jeunes praticiens, certains territoires de la Loire manquent aujourd’hui de médecins de ville.

Des hôpitaux surchargés, des soignants en détresse, des délais d’attente qui s’allongent… Dans l’ombre, des médecins de ville de moins en moins nombreux. En France, près de 6% de la population, soit 2% de plus qu’il y a 6 ans, habiteraient ce que l’on appelle un « désert médical ». Une augmentation telle que beaucoup, aujourd’hui, hésitent même à employer l’expression de peur de refroidir les médecins qui pourraient envisager de s’installer sur un territoire. Le « désert médical » fait peur et emporte tout sur son passage, dissimulant derrière lui tous les atouts potentiels d’une localité… Et notamment les solutions envisagées pour le combattre.

Trois zones sous-denses dans la Loire

Chez nous, il faut entrer dans le détail pour identifier les zones en tension. Selon la direction de la délégation départementale de l’ARS, l’offre libérale est aujourd’hui de 91 médecins pour 100 000 habitants dans la Loire, soit à peine en-dessous de la moyenne régionale, et au-dessus de la moyenne nationale. Mais à la loupe grossissante… La même direction reconnaît des disparités : « On s’aperçoit que plusieurs zones du département, comme certains quartiers de Saint-Étienne, Pélussin ou encore le Roannais souffrent d’une sous-densité en termes de médecins de ville. »

© Pixnio

« Le Roannais offre pourtant une vraie qualité de vie »

Lisa Otton, médecin généraliste à Roanne

Un manque de médecins généralistes ou spécialistes qui, contrairement à ce que suggère l’imaginaire collectif, ne concerne donc pas que les zones rurales. À Roanne, c’est ce qu’ont pu constater Lisa Otton et son conjoint lors de leur installation, il y a une dizaine d’années : « Nous sommes arrivés ici pour finir notre internat, et nous avons trouvé un territoire sur lequel il était urgent de faire quelque chose. Déficitaire en nombre de médecins, le Roannais offre pourtant une vraie qualité de vie. De bons produits, du lien social, de la vie. Il était donc indispensable de contribuer à l’installation de jeunes praticiens, en proposant un véritable réseau de personnels soignants ».

Des initiatives pour convaincre des médecins de s’installer

En 2011, Lisa et son compagnon montent ainsi l’association de médecine générale du Roannais (AMGR) et créent la Villa des internes l’année suivante. Suivie de très près par les autorités politiques comme par l’ARS, cette impulsion donne lieu à la création de plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires.  En parallèle, l’ARS débloque des fonds pour aider les jeunes médecins dans leur installation là où le manque se fait sentir. Objectif de ces multiples initiatives et dispositifs : permettre aux médecins de sortir de l’isolement de leur cabinet, d’exercer dans de bonnes conditions et, in fine, d’être si bien dans leurs baskets qu’ils décident de rester sur le territoire.

12 600 patients sans médecin traitant

« Tout cela nous a permis de remplacer les médecins qui partaient en retraite, se félicite Lisa Otton. Mais ça ne règle pas tout et à court terme on manque encore de solutions ». Dans le Roannais, 12 600 personnes n’auraient à ce jour pas de médecin traitant. Et la situation pourrait encore s’aggraver puisque plusieurs praticiens du coin rencontreraient actuellement des problèmes de santé et pourraient donc être amenés à arrêter prochainement leur activité. Pour l’anecdote, en fin d’année dernière, la maire de La Gresle a même ironiquement pris un arrêté pour interdire à ses administrés de mourir le week-end, après avoir dû attendre 2h30 pour qu’un médecin ne vienne constater le décès d’un résident de l’EHPAD du village un dimanche de décembre.

« Pour un médecin qui part en retraite, il en faut deux »

Un généraliste du Roannais

« L’ennui c’est qu’aujourd’hui lorsqu’un médecin part en retraite, il en faudrait deux pour le remplacer, avance François*, un médecin généraliste de la région. Les maisons de santé pluridisciplinaires sont des demi-solutions car, si elles permettent aux médecins de sortir de l’isolement, elles ne règlent ni la question de la formation des professionnels de santé, ni celle de l’attractivité du métier, ni celle de l’attractivité économique du territoire ».

En France, des zones sur-denses

Freins à l’installation de jeunes médecins sur certains secteurs, l’évolution des modes de vie et le vieillissement de la population semblent ainsi aujourd’hui très difficiles à surmonter. Car, alors que le Roannais souffre de sous-densité, d’autres régions sont quant à elles en sur-densité. « Pour qu’un médecin s’installe quelque part, il faut que son conjoint puisse trouver lui aussi un emploi. Si l’on conjugue ça avec le fait que les jeunes médecins n’ont plus envie d’une profession où ils bossent 80 heures par semaine, on comprend pourquoi, par exemple, le sud de la France est bien loti, quand d’autres zones en France peinent à trouver des praticiens. Sans compter le fait que le niveau de revenu des médecins de ville, par rapport au temps de travail et au niveau de diplôme qui sont les leurs, est de moins en moins attractif pour les jeunes » poursuit François.

Médecins salariés ?

Pour pallier cette baisse d’attractivité, certains plaident aujourd’hui pour le recrutement de médecins salariés dans les zones sous-médicalisées comme de nombreux jeunes professionnels le réclament. Sur ce modèle, le Conseil départemental de Saône-et-Loire a d’ailleurs embauché ces dernières années une quarantaine de médecins au statut de fonctionnaires territoriaux ainsi que des assistants médicaux pour remédier à la pénurie. Problème : ce genre d’initiative sonnerait pour encore bien des professionnels comme une remise en cause du principe même de la médecine libérale. Et, quand bien même une solution pour une meilleure répartition des médecins sur le territoire national serait trouvée, elle ne pourrait, selon les syndicats de soignants, empêcher la France de manquer de praticiens.

Numerus clausus

En cause : le tristement célèbre numerus clausus qui, des années durant, a drastiquement limité le nombre de nouveaux entrants dans la profession et dont les conséquences seront longues à compenser. D’autant que, comme le signale notamment la section Santé/Action sociale de la CGT, « son abrogation ne règlera pas la question de la formation, tant que les capacités d’accueil des étudiants seront déficitaires, dans les facultés comme dans les centres hospitaliers. »

*Le prénom a été changé pour respecter l’anonymat du généraliste.


🚨 La semaine prochaine, suite et fin de notre dossier sur les problématiques en matière de santé, avec un volet dédié à l’avenir de la médecine.

💉 Retrouvez la partie 1 « Soignants en souffrance » sur cette page et la partie 2 « Hôpital public : 25 ans de restructuration et puis… » sur cette page

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