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samedi 5 octobre 2024
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« RER métropolitains » : le Sud Loire peut-il croire en sa propre étoile ?

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Rebaptisé par un plus adéquat mais moins vendeur, « Serm » – pour Service express régional métropolitain – le projet national de « RER métropolitains », ainsi annoncé à l’origine par Emmanuel Macron, a retenu le droit à candidater à la labellisation de Saint-Etienne Métropole (SEM) aux côtés de 23 autres. Il s’agit du sud Loire en réalité, sur la base de l’étoile ferroviaire stéphanoise même si sa principale intercommunalité en est la locomotive et l’interlocutrice officielle de l’Etat. Pour son vice-président aux transports, Luc François, aucun doute : cette sélection est fondamentale, il y en aura un avant et un après Serm quant à la mobilité. Mais côté financement, cela reste flou.  

La gare de Châteaucreux à Saint-Etienne, plaque tournante de l’étoile ferroviaire sud Loire. ©If Saint-Etienne / Xavier Alix

Actuellement en salle attente, comme tant d’autres, le projet national des Serm, alias « RER métropolitains », restera-t-il à quai avec le nouveau gouvernement ? Survivra-t-il au débat toujours plus prégnant sur le déficit public ? « Nous sommes maintenant dans l’attente de la conférence des financeurs qui devait théoriquement se tenir au début de l’été. Puis ce 20 septembre… Mais, effectivement, nous ne savons pas si elle aura lieu prochainement comme espéré malgré le changement de gouvernement. A noter que le nouveau ministre des Transports, François Durovray est attendu sur ce sujet par le Gart à l’occasion de la tenue du Salon Européen de la Mobilité à Strasbourg début octobre », nous indiquait il y a dix jours Luc François, vice-président aux Transports à Saint-Etienne Métropole. Pour le reste, d’autant qu’une loi spécifique au sujet a été votée, le maire de Grand-Croix assume son enthousiasme :

« C’est une victoire énorme pour le territoire d’avoir été sélectionné, je parle des deux tiers sud de la Loire et avec, l’est de la Haute-Loire, pas que de Saint-Etienne Métropole puisque tout est envisagé à cette échelle. On va dire que je m’enflamme trop mais moi j’y crois : c’est historique. Pour la mobilité au sein des métropoles, il y aura un avant un après la logique Serm. » Un travail énorme d’un an et demi a été effectué aux côtés de services ligériens d’Etat et pas pour rien, défend Luc François : « C’est d’autant plus satisfaisant que tout le monde pronostiquait que nous ne serions pas de cette vague de sélection (de la première fin juin pour 15 dossiers avant une seconde fin juillet pour 9, Ndlr). C’est une très belle surprise ». Elle est tombée fin juin, dans une indifférence relative, pas aidée par un contexte médiatique ardemment pris par les Législatives allié au manque de clarté sur la communication du projet. L’enjeu, dans l’immédiat, pour les 15 métropoles de la première vague donc, c’est une enveloppe à se partager qui selon le communication gouvernementale – celle de juin – totalisait alors 767 M€…

« Un train tous les quarts d’heure en heure de pointe »

Ce n’est évidemment pas avec quelques dizaines de millions d’euros par grande agglomération que l’on révolutionne à cette échelle l’accès aux transports communs, l’efficacité, la mobilité en général, ferroviaire en particulier. Les projets bordelais et toulousains, retenus aussi, les plus avancés car préalables à l’annonce initiale d’Emmanuel Macron, et déjà en partie dans la concrétisation, impliquent, à eux seuls, des investissements se comptant en milliards d’euros ! Alors qu’espérer d’être du « club » de moins en moins restreint – il était question de 10 métropoles lors de l’annonce initiale présidentielle de novembre 2022 – des Serm ? Soulignons déjà, malgré « l’élément de langage », calculé ou pas au départ, qu’un Serm ne consiste pas à un copié/collé dans chaque grande métropole des « RER » franciliens épousant la logique centralisatrice de Paris en Ile-de-France et propre à ses seuls contexte, géographie et organisation urbaine locale en cercle. La ligne TER entre Saint-Etienne et Lyon est d’ailleurs la seule, en France, à déjà s’approcher sérieusement de ce modèle-là.

Cela implique de développer la capacité ferroviaire à transporter davantage et plus vite les voyageurs oui mais aussi l’intermodalité entre les modes de transports, l’accès aux gares, la billettique, la signalétique, etc.

Luc François, vice-président aux Transports à Saint-Etienne Métropole

Le « label » « Serm » a pour objectif de se donner les moyens « d’améliorer la desserte entre une ville centre et sa zone périurbaine en renforçant l’offre ferroviaire, et en la complétant par d’autres modes, dont les services de transport routier à haut niveau de service et les réseaux cyclables », dit l’Etat. « En gros, il s’agit de parvenir à proposer dans chaque gare du territoire, la possibilité au minimum, d’y prendre un train tous les quarts d’heure en heure de pointe et toutes les 30 min sinon. Cela à l’horizon 2030. Mais chaque projet est différent et adapté à son territoire, précise Luc François. Cela implique de développer la capacité ferroviaire à transporter davantage et plus vite les voyageurs oui mais aussi l’intermodalité indispensable entre les modes de transports, l’accès aux gares, la billettique, la signalétique, etc. Cet objectif, c’était déjà le nôtre, étape par étape, sur le long terme. Mais cette labélisation doit permettre d’aller beaucoup, beaucoup plus vite. »

Le CPER mobilités est-il impacté ou non ?

Quant à l’enveloppe annoncée, « elle ne servira pas à de nouvelles infrastructures, ce serait évidemment très insuffisant (l’Etat a évoqué un cumul « de 10 Md€ de travaux sur ces premières Serm », on peut lire parfois ailleurs de 15 à 20 Md€, Ndlr). Elle vise à financer des expertises de grande ampleur et rapides », indique l’élu ligérien. Viendra-t-elle siphonner les fonds dévolus au volet mobilités du CPER 2021-2027 ? Ce pan du Contrat plan Etat Région toujours en grande partie (malgré la première signature sur un protocole) perdu dans des négociations interminables entre préfecture de Région et Région, au détriment justement des quatre métropoles d’Aura. « D’après ce qui a été dit, et les informations jusque-là à notre disposition, si nous travaillons ce sujet avec la Région qui sera des conventions, non, c’était bien censé être spécifique et distinct du CPER ou encore vis-à-vis de l’Etat de la démarche Mobi’Lyse », assure Luc François.

Pourtant, dans sa fiche web de présentation grand public des Serm, l’Etat dit avoir « déjà investi près de 30 M€ au titre du plan de relance en 2021-2022 pour accélérer la préfiguration de projets ; et il prévoit d’y consacrer près de 900 M€ dès 2023 (parue le 9 février 2024, la note a été mise à jour le 12 août) dans le cadre des CPER 2023-2027, afin de financer des études et premières opérations de travaux. » Faut-il comprendre que ces 900 M€, viennent en plus, pour contribuer aux infrastructures ? « La conférence des financeurs devait justement éclairer ces éléments, rappelle Luc François. J’ai d’ailleurs d’autres chiffres : dans le cadre du Serm, 1,8 Md€ serait à verser là dans le cadre du Plan Etat / Région et relatif au plan de 100 Md€ pour le ferroviaire d’Elisabeth Borne et là, ciblé sur l’infrastructure… » Il y a des méandres financiers aussi mouvants que confus sinon peu évidents à suivre… Reste que le soutien financier de l’Etat via le Serm, CPER impacté ou non, doit permettre d’abord de solliciter la Société des Grands Projets (SGP, ex Société du Grand Paris), un « EPIC » – établissement public à caractère industriel et commercial -, par conventionnement joint à la Région. Et cela pour obtenir « une super assistance à maîtrise d’ouvrage » et donc mener à bien techniquement le projet.

L’enjeu dépasse Saint-Etienne Métropole

Derrière, sous le couvert de son « tampon », apparaît la perspective de prêts à taux très réduits et remboursables sur une longue période : manne davantage conforme aux exigences financières. « Nous concernant, le gros avantage, c’est que nous n’avons pas des investissements massifs à effectuer sur de l’infrastructure, contrairement à Lyon par exemple. Ce qui a peut-être aidé à compenser les premiers retours sur notre candidature. On nous disait : « par rapport à Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, vous êtes trop en retard pour être retenus » », analyse Luc François qui dit être aller détailler et défendre le dossier stéphanois à Matignon, Hervé Reynaud à ses côtés, il y a un an environ, rencontrant les conseils d’Elisabeth Borne ou encore Clément Beaune, ex-ministre des Transports. Autre atout : en matière de mobilité, des outils de coopération et d’organisation entre intercommunalités sont déjà là en sud Loire.

On ne peut pas envisager passer un cap sur la mobilité en travaillant chacun de notre côté. Nos territoires sont très connectés et s’impactent les uns les autres.

Luc François

Aussi, le projet n’est en fait pas celui de Saint-Etienne Métropole seule, même si elle en est cheffe de fil et interlocutrice officielle mais de plusieurs comme Loire Forez, Forez Est, les monts du Pilat, voire la Jeune Loire, côté altiligérien. « En gros, on retrouve les mêmes acteurs que pour l’Enquête déplacements mobilité. La Jeune Loire n’est cependant pas encore avec nous, cela dépend d’une discussion entre services d’Etat des deux départements mais c’est en bonne voie. » Car à l’image de la gestion des déchets, « on ne peut pas envisager passer un cap sur la mobilité en travaillant chacun de notre côté. Nos territoires sont très connectés et s’impactent les uns les autres en termes de mobilité. Tous sont concernés par l’étoile ferroviaire stéphanoise à trois branches qui part vers la Haute-Loire à l’ouest, à l’est vers Lyon, au nord vers Montbrison et Roanne, que l’on peut considérer comme une 4e branche. Nous avons notre propre étoile, nous travaillons à son optimisation depuis 2020. »

Vers l’équivalent d’un « Sytral Sud Loire » ?

Le Serm stéphanois se distingue donc bien de celui lyonnais, basé sur sa propre étoile. Et même si des ponts – financiers justement – devraient être établis entre les deux, cela n’allait pas forcément de soi il y a encore quelques mois. « La réflexion sur un dépôt de dossier distinct a abouti début 2024 après avoir consulté des élus, des experts qui, à 90 %, nous conseillaient de partir séparés pour pouvoir avancer à la vitesse que nous souhaitons. » Et sans doute ne pas se faire manger pour finir un simple appendice, sorte de bonus au dossier du grand voisin… Il faut dire, aussi, que l’enquête décennale mobilité à l’échelle Sud Loire, la même envisagée pour celle du Serm, l’a montré : 93 % des 2 389 000 déplacements quotidiens extrapolés des habitants du périmètre se font à l’intérieur de ce même périmètre, 97 % à l’échelle de Saint-Etienne Métropole. « Nous imaginions des voyages plus nombreux entre cette dernière et Lyon : il y en a seulement 27 000 par jour », précisait la collectivité au moment de présenter l’enquête en juillet 2023.

Il y a bien un enjeu, une centralité stéphanoise quant aux déplacements dont le motif « emploi » en semaine n’arrive que second avec pour 21 %. Et maintenant ? Luc François espère signer la convention d’études avec la SGP et la Région cet automne que la conférence des financeurs ait eu lieu ou pas. « Nous allons pouvoir lister ce qui nous manque pour être une Serm et agir là-dessus en priorité. En termes d’investissement, pour nous on dépassera assurément les 100 M€ sur les infrastructures mais on est loin des besoins identifiés ailleurs. Il s’agit de penser parcours voyageur, c’est déjà notre rôle en tant qu’autorités organisatrices de transports, et l’optimiser :il doit être fluide, ne pas donner lieu à une attente trop longue. »

« Pour prendre un exemple concret, ajoute Luc François, les estimations sur une gare comme celle de La Fouillouse qui compte de nos jours 800 voyageurs jour, 400 le matin, 400 le soir montrent qu’elle pourrait en compter 2 500 avec un train tous les quarts d’heure en heure de pointe. » Ce qui signifie des centaines, si ce n’est plus, autosolisme oblige, de voitures en moins sur la route. Enfin, dans l’avenir, « il faudra aussi s’accorder pour une nouvelle gouvernance entre nous et songer, peut-être, à une collaboration via une sorte de Sytral (le syndicat des transports de la Région lyonnaise, Ndlr) Sud Loire. Nous n’en sommes pas encore là mais il faudra y réfléchir… Il faudra de toute façon faire converger nos services à la population. » Il y aurait alors, indéniablement, un avant et un après Serm.

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