Retraites : la genèse d’un mouvement d’ampleur à l’université Jean-Monnet ?
A ce stade, on est encore loin – très, très loin – du blocage complet et mémorable de l’université stéphanoise, en particulier du campus Tréfilerie, durant plus de 2 mois au printemps 2009. Celui-ci était alors lié à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). Cette fois-ci, c’est l’opposition à la réforme des retraites qui donne lieu à un début de mouvement parallèle et spécifique aux mobilisations générales. A l’initiative de certaines organisations étudiantes. Et depuis hier aussi, de syndicats du personnel mais avec un effet encore très marginal.
Il a fallu changer de plan. Initialement prévue à l’amphi J.01, mardi 31 janvier, la rentrée solennelle de la faculté de Droit, installée à 2 pas du plus vaste amphi du campus Tréfilerie, a dû s’exiler chez les scientifiques, pour se dérouler à l’amphithéâtre de Télécom à l’autre bout de la ville. Et pour cause, le même jour, impulsée par le syndicat des étudiants travailleurs OSE-CGT, une « occupation » et non pas un blocage, précisent ses protagonistes, est en place dans le « J.01 » comme nous vous l’avions indiqué il y a quelques jours. Il l’est depuis le premier vote d’une AG étudiante et le sera, à la suite d’une reconduction vendredi 3 février, au moins jusqu’au suivant, ce vendredi 10 février.
« Le 31 janvier, il y avait environ 70 étudiants qui ont voté à une grande majorité en faveur de l’occupation. Ces AG sont ouvertes à tous les étudiants, y compris, oui, s’ils ne sont pas en accord avec cette action. Le vote est ouvert, assure Judith Briat-Galazzo, étudiante secrétaire générale d’OSE-CGT. Nous les partisans de cette occupation, continuons tous à suivre parallèlement nos cours et pour beaucoup d’entre nous, à travailler, à côté, pour financer des études. Mais il y a une présence permanence au sein de l’amphi qui est donc occupé jour et nuit jusqu’à nouvel ordre pour être un espace de discussions. » Les occupants, selon Judith Briat-Galazzo, n’ont pas été sommés à ce stade, par la direction de l’université avec qui, dit-elle, « le dialogue continue » de libérer les lieux pour que les cours normalement programmés puissent s’y poursuivre.
Une université populaire installée à J.01
Sur place, ils ont décidé d’y organiser une « université populaire ». Le programme est dense et agrège bien d’autres débats que les retraites : formations sur la réforme certes mais aussi conférences sur d’autres projets législatifs comme la loi anti-squat, sur « lutter contre l’extrême droite » avec la présence du Comité antifa stéphanois qui veut contrer les activités, particulièrement autocollantes en ce moment, assure-t-il de l’organisation étudiante UNI qu’elle associe si ce n’est à une droite dure, à l’extrême droite. D’autres conférences ont concerné les « brigades de solidarité » créées durant le Covid, le conflit en Palestine par le mouvement « BDS » (pour « Boycott, désinvestissements et sanctions », c’est-à-dire d’Israël), « l’histoire des luttes à l’UJM ». S’ajoutent des projections de films (Pride, La Sociale, En Guerre, Debout les femmes), des « ateliers militants créatifs », des « rencontres avec des travailleurs-ses en lutte ».
Nous invitons tous les personnels à nous rejoindre dans la grève et dans ces actions. Des actions de mobilisations durant ces deux jours ont été décidés.
Motion intersyndicale des personnels et étudiants votée mardi
Il y a eu, aussi cette conférence vendredi dernier de l’économiste et sociologue, professeur émérite à l’université Paris-Nanterre, Bernard Friot, invité par la Nupes Loire à tenir une seconde conférence, dans la foulée à l’amicale Tardy à Saint-Etienne. « Des cours « normaux » de certaines filières et donc ouvertes à tous qui ne devraient pas s’y tenir s’y tiennent à l’initiative de professeurs membres du personnel de l’université », précise Judith Briat-Galazzo. L’université stéphanoise est en effet depuis hier le théâtre, d’actions syndicales spécifiques au sein du personnel s’ajoutant elle aussi, aux mobilisations générales nationales relayées localement par l’intersyndicale. En effet, hier soir, les organisations syndicales de personnel SNPTES-UNSA, FO ESR, CGT FERCSUP, SNESUP-FSU et SUD associés à des représentants des organisations syndicales étudiantes OSE-CGT et Sud-étudiants ont voté en AG une motion commune réaffirmant une « totale opposition au projet de réforme des retraites, dont nous demandons le retrait » et reconduisant la grève de mardi ces mercredi 8 et jeudi 9 février.
Grève, tracts et actions symboliques
Les syndicats invitent « tous les personnels à nous rejoindre dans la grève et dans ces actions. Des actions de mobilisations durant ces deux jours ont été décidées ». « Lors du vote, nous étions une trentaine de membres du personnel présents. On est bien sûr encore très loin d’un mouvement massif (l’université Jean-Monnet compte plus de 1 600 salariés pour plus de 20 000 étudiants, Ndlr). D’autant qu’il y a en plus les vacances scolaires de février qui arrivent, concède Sylvain Excoffon, représentant syndical FO à l’UJM contacté par If. Mais il faut bien un début à tout et on avait envie de faire quelque chose de plus que les grandes journées de mobilisation. » Les distributions de tracts et actions symboliques devraient s’enchaîner. Ce mercredi matin, c’était devant la Maison de l’université (son siège) ainsi qu’à la BU, théâtre dans son hall d’un allongement de manifestants simulant leur décès (ou « die-in » pour se conformer à l’anglo-chic universellement ambiant). Le choix de la BU pour commencer n’est pas un hasard : selon FO, l’extension de ses plages horaires et les salles utilisées pour cela s’est faite sans consultation de son personnel.
Contactée elle aussi par If cet après-midi, la direction de l’université nous a répondu un communiqué transmis par mail : « Depuis le 31 janvier dernier, l’université a pris acte de l’occupation par un groupe d’une vingtaine d’étudiant d’un l’amphithéâtre sur l’un de ses cinq campus (campus Tréfilerie). Face à cette situation, la Présidence est très attentive aux questions liées à la sécurité des biens et des personnes. Des consignes de sécurité spécifiques ont été données (mobilisation des équipes de médiation et d’une société de gardiennage pour assurer une présence de proximité jour et nuit). Cette occupation se décline aujourd’hui dans de bonnes conditions de dialogue. La présidence de l’établissement suit de manière très attentive la situation. En lien avec les doyens des composantes concernées, des mesures ont également été prises pour gérer les situations particulières liées au mouvement social en cours. »