Saint-Etienne : ce ne sera pas 1,5 M€ de moins pour les associations mais 2,3 M€ selon l’opposition
2,3 M€ de moins : c’est la réduction en subventions directes aux associations finalement inscrite dans le budget primitif de la Ville de Saint-Etienne, qui sera voté lundi, selon les élus des deux groupes d’opposition. En janvier lors des premiers débats sur le sujet, il était question d’1,5 M€. Alors que l’opposition conteste la décision et s’interroge sur les critères de répartition de ces coupes, un collectif d’associations stéphanoises ajoutera à sa pétition, une manifestation lundi en fin d’après-midi devant l’hôtel de ville. Une de plus…
« Le sujet sera abordé en séance publique du conseil municipal. » Pas d’autre réaction sur le sujet de la part de la majorité qui préfère attendre le débat public de lundi à la suite de nos sollicitations depuis le milieu de la semaine. Elle ne confirme donc pas les 800 000 € de coupes supplémentaires par rapport à ce qui était envisagé depuis décembre dernier. Dans une lettre envoyée en fin d’année dernière aux centaines d’associations stéphanoises qu’elle subventionne, la mairie de Saint-Etienne leur annonçait son obligation, « à contrecœur », d’économiser 1,5 M€ sur 13 M€ de subventions directes aux associations. Des décisions nationales sur les salaires appliquées au niveau local et surtout l’inflation ont fait exploser ses coûts de fonctionnement, comme nous l’expliquions dans notre compte rendu en deux temps du dernier conseil consacré au Débat d’orientation budgétaire (Dob).
Assumant sa volonté de ne pas augmenter les taux de la fiscalité communale, elle assurait qu’elle n’avait malheureusement pas d’autre choix que d’appliquer des décisions douloureuses comme celle-ci. Ce n’est pas la seule : des services municipaux ferment (serres, école de voile ou encore piscine de Villebœuf). Il s’agit d’équilibrer son budget de fonctionnement comme l’exige la loi : pas d’emprunts possible hors investissements. La majorité soulignait cependant qu’aux 13 M€ donnés en numéraires aux associations s’ajoutent 7,3 M€ d’aides indirectes : logistique, loyers, fluides, etc. Le maire Gaël Perdriau défendant aussi le fait que « lors du Covid, nous avons maintenu les subventions des associations malgré la réduction ou l’absence d’activités de la plupart afin qu’elles ne disparaissent pas ou ne soient pas en difficulté. Pour certaines d’entre elles, cela a même dû gonfler leur trésorerie puisqu’il n’y avait pas, sinon moins d’activités. Nous les avons soutenues dans la difficulté. Maintenant c’est notre tour, nous leur demandons donc cet effort pour nous aider ».
Y a-t-il d’autres solutions ?
Un « Dob » n’est pas un Budget primitif (BP) qui, lui, fixe réellement le budget de l’année qui a commencé. Et si des modifications majeures sont rares, des éléments peuvent évoluer, même en 2 mois. C’est apparemment le cas ici, puisque, selon les groupes d’opposition Le Temps de l’Ecologie et Saint-Etienne Demain, avec qui nous avons discuté séparément, la coupe totale en 2023 inscrite dans le BP par rapport aux 13 M€ de 2022 ne serait pas d’1,5 M€ mais de 2,3 M€. Pas de confirmation donc de la majorité. Les deux groupes d’opposition (ainsi que celui des élus communistes) avaient déjà fait part entre autres le 30 janvier en conseil municipal de leur désapprobation des décisions d’économie, estimant que d’autres solutions étaient possibles : bien en amont pour limiter l’explosion des dépenses. Et en aval aussi en mettant de côté certains investissements par exemple, Le Temps de l’Ecologie considérant même qu’il était plus pertinent d’augmenter la fiscalité communale.
Il faut arrêter avec ce dogme sur la non-augmentation de la fiscalité à Saint-Etienne au regard d’une situation qui a beaucoup évolué.
Olivier Longeon, élu d’opposition Le Temps de l’écologie
Mercredi, lors d’une conférence de presse organisée pour les médias locaux, Olivier Longeon, du groupe Le Temps de l’Ecologie, l’a répété : « Il faut arrêter avec ce dogme sur la non-augmentation au regard d’une situation qui a beaucoup évolué. Une augmentation de la taxe foncière toucherait les propriétaires et je ne dis pas qu’ils roulent tous sur l’or. Mais on peut imaginer l’effort plus supportable que la perte de services pour toute la population, y compris ces propriétairesn qui va découler de ces décisions sur les associations et sur les services. » Comme le soulignait aussi, le groupe Saint-Etienne Demain, les critères de réduction des associations, rencontrées (ou qui doivent être rencontrées) une par une par les élus concernés selon leur délégation pour détailler leur sort, ne sont pas données, redit Julie Tokhi du Temps de l’écologie aussi. La variabilité de la réduction serait, selon elle, extrême : en fait, elle ne peut pas être plus forte puisque selon l’opposition et ses discussions avec de nombreuses associations, elle pourrait aller de 0… à 100 % (pour une moyenne de – 11,5 % à partir d’1,5 M€) !
Quels critères de diminution ?
L’opposition suspecte des décisions plus subjectives, voire politiques qu’objectives quand il s’agit de trancher sur qui aura moins et combien. « Il n’y a pas de tableau, rien, pas de logique exposée. Quand on leur parle critères, ils évoquent les associations de collectes caritatives. Mais pour collecter, il faut un budget de fonctionnement. Il y aussi, vaguement, la jouissance des locaux municipaux. Mais certaines associations, comme celles des anciens combattants qui en ont ne subissent aucune baisse ! Selon nos informations qui remontent ici et là, on constate des différentiels énormes : 0 % de baisse pour des associations s’occupant du handicap, – 28,5 % pour une association comme Chrysalide, – 50 % pour une autre qui travaille sur les addictions comme l’alcoolisme… » Un fonctionnement jugé opaque que Le Temps de l’écologie dénonce à une échelle globale.
Depuis fin août, à la suite des publications de Mediapart, le groupe a demandé à la majorité le détail et le cheminement des délibérations officielles sur les fameuses France Lettonie et Agap puis sur carrément 309 associations ainsi que les conseils consultatifs créées par la majorité dans toutes sortes de domaines – jeunesse, Education populaire, santé sports etc. – et que l’opposition considère comme trop opaques sur leur composition, compte-rendu et fonctionnement pour leur faire confiance sur leur avis censés éclairer les décisions finales. Il y a enfin, comme Saint-Etienne Demain, des demandes sur le cabinet du maire. Sans réponse, le groupe a donc saisi la Cada cet automne et effectué un travail de fourmi titanesque pour reconstituer au moins en partie ces cheminements à partir de ce qu’elle avait déjà accès. La Cada a donné raison à ses demandes en décembre. Gaël Perdriau s’était défendu en séance publique sur le sujet en assurant que ses services, du coup, travaillaient à la transmission des documents mais que les demandes étaient si répétées et massives de la part des oppositions, qu’il était compliqué d’y répondre plus rapidement.
Une manifestation d’associations lundi
Le sujet sera probablement à nouveau sur la table lundi. Ainsi qu’une énième manifestation devant l’hôtel de ville de Saint-Etienne (une de plus). Pas pour les retraites cette fois-ci mais en fin d’après-midi pour protester contre cette baisse de subventions à l’égard des associations à l’initiative de nombreuses amicales laïques stéphanoise, touchées elles aussi, et au-dessus d’elle de la Ligue de l’enseignement, leur fédération de tutelle. Les mêmes qui ont lancé en mars une pétition en ligne qui comme la manifestation, s’adresse à l’ensemble des associations de Saint-Etienne. Une pétition qui en était à 330 signatures à l’heure où nous écrivions ces lignes. « Une trentaine d’autres peut déjà s’ajouter car nous recueillons aussi des signatures physiques parallèlement », assure ce directeur d’une amicale laïque qui tient à rester anonyme.
Il ne faut pas mélanger politique et vie associative. Et ce n’est sûrement pas ce que nous voulons faire, nous en manifestant.
Un directeur d’amicale laïque stéphanoise anonyme
Il espère voir lundi, « le plus de représentants associatifs possible aussi. Peu importe qui perd quoi : il faut que le monde associatif local ne craigne pas de s’exprimer et se montre solidaire, en bloc. Même s’il peut y avoir des pressions, des craintes de représailles ou que l’on cherche en ce moment à savoir qui exactement a lancé la pétition. Il ne faut pas mélanger politique et vie associative. Et ce n’est sûrement pas ce que nous voulons faire, nous : il s’agit de défendre le monde associatif et son action essentielle pour la société, c’est tout. Le Covid ? Oui, c’est vrai, la municipalité nous a maintenu les subventions, il faut le reconnaître. Mais on continuait d’avoir des charges et tout le monde ne s’est pas constitué une trésorerie confortable loin de là. Quelque soient les cas, les trésoreries dans le contexte actuelle et avec la succession de crise fondent toutes à vue d’œil ». Pour ce directeur, pas de doute, la réduction des subventions va porter un coup fatal à une foule de petites associations.
Quel impact ?
« Et pour de plus grosses comme les amicales laïques par exemple, nous mettre dans de grandes difficultés avec des réductions de service à la population et des licenciements, argue-t-il. Il y a des échanges aussi de bons services entre associations qui permettent des offres gratuites au public. On ne pourra pas tout faire payer. S’il faut licencier, il faudra payer des indemnités on ne sait pas comment. Il y a un gros manque de visibilité alors comment envisager les recrutements temporaires pour les vacances, les étés ? Apparemment, c’est voté lundi mais beaucoup d’associations n’ont pas eu leur entretien officiel avec les élus. Un coup, lors de rencontres moins formelles, on vous dit ce sera tant de moins, la fois suivante, ce sera tant de moins… » Ce directeur argue encore « du danger qui pèse ainsi sur le ferment de la société vis-à-vis du vivre ensemble. Les associations, quelque soit leur domaine, permettent des activités mais aussi d’échanger, se rencontrer, se comprendre ».
Pour parfaire le tableau, devraient se joindre à leur mobilisation lundi à 17 h 30, des enseignants et personnels d’écoles publiques dont les projets de sorties pédagogiques se voient eux aussi privés du soutien financier municipal habituel. Besoins d’économies obligent… ou pas selon les avis.