Saint-Etienne Métropole maintient un investissement record pour 2023
Malgré l’inflation, Saint-Etienne Métropole projette un investissement historique de 152 M€ en 2023. La collectivité est bien sûr, elle aussi, touchée par une hausse très significative de ses coûts de fonctionnement. Mais pas dans des proportions justifiant, à ce stade de renoncer à l’application du pacte financier et fiscal de 2021, argue l’exécutif. Jeudi, le Débat d’orientation budgétaire (Dob) a cependant bien porté son nom : de nombreux élus au sein du conseil communautaire estiment qu’il faut plus que jamais adapter ses plans…
Il n’y a pas que le prix de l’énergie qui nous met dans le jus des incertitudes. Le retard pris sur la concrétisation du CPER, le Contrat de plan État Région d’Auvergne-Rhône-Alpes, est aussi à intégrer dans la gaine des contributeurs. Capital pour mettre en œuvre les investissements structurants de Saint-Etienne Métropole sur ce mandat comme les autres, l’opus 2021-2027 n’est toujours pas signé pour les agglomérations de la région. Il devrait pourtant l’être depuis longtemps et même déjà appliqué. Rien que pour la plus grande intercommunalité ligérienne, c’est une subvention totale de l’Etat et de la Région d’environ 220 M€ (dont 60 transitant par le Département) qui serait en jeu. Soit l’équivalent de plus d’un quart des 800 M€, minimums, d’investissements cumulés sur le mandat qui ont été annoncés en septembre 2021.
Pour rappel, Saint-Etienne Métropole avait alors présenté son pacte financier et fiscal, « approuvé à l’unanimité des maires », rappelle souvent l’exécutif, qui actait une augmentation de la fiscalité pour les particuliers et les entreprises dans l’objectif, donc, d’aider à doubler les investissements par rapport au mandat 2014-2020. Depuis, Métropole de Lyon d’un côté, Conseil régional et préfecture de région de l’autre, se renvoient la balle sur la responsabilité de cet insaisissable retard des CPER d’Aura. Plutôt angoissant quand on se rend compte que l’on est quasiment à mi-mandat même si la situation, et donc les négociations, semblait s’être enfin débloquée cet automne. Mais le télescopage avec la publication de Médiapart le 30 novembre des « propos » de Gaël Perdriau sur Laurent Wauquiez, extraits d’un enregistrement d’une conversation avec Gilles Artigues a suscité un supplément d’états d’âmes quant au sort potentiellement réservé à Saint-Etienne Métropole.
Les finances tanguent, le cap maintenu
En assemblée plénière, l’exécutif régional s’est depuis voulu rassurant vis-à-vis des Ligériens. Interrogé jeudi dernier par If Saint-Etienne à ce sujet, Hervé Reynaud, maire de Saint-Chamond qui a pris, en tant que 1er vice-président, le relais de Gaël Perdriau depuis son fameux retrait total, nous a déclaré que les choses avançaient sérieusement avec Laurent Wauquiez et ses équipes qu’il venait d’ailleurs de rencontrer et qu’il allait revoir dès lendemain pour une synthèse annonciatrice de beaux lendemains. Le montant de la somme initialement espérée pourrait être dépassé… Il vaut mieux. Car sans CPER, Saint-Etienne Métropole ne pourra sûrement pas tenir le rythme. Celui qu’elle s’est fixé et maintenu, au moins pour 2023, dans ses projections budgétaires votées jeudi dernier. Cela malgré « la prise en compte de nombreux éléments impactant », détaillés par le vice-président au budget Christian Julien. Éléments que l’on n’aurait pas ou qu’on n’osait pas imaginer à la rentrée 2021, « à la sortie » du déjà « impactissime » Covid.
Après 110 M€ investis en 2022, ce qui était déjà du jamais vu, 2023 verra plus de 152 M€ mis sur la table du budget principal*. Pas d’annonce fracassante au programme : hors études, l’effroyable montant qu’il faudra mettre à terme dans le Musée d’art moderne – 30 M€ pour le minimum vital sur les réserves selon l’exécutif, 140 à 170 M€ pour un véritable nouveau musée si l’Etat le retient et en devient le principal financeur – qui a ulcéré tant d’élus métropolitains, opposants ou non, n’y apparait pas encore. Les projets Cité 2025 et de la nouvelle patinoire (les plus décriés, nous y reviendrons) sont de la partie dans un package baptisé « attractivité » autour des grands équipements communautaires pour 50,8 M€ de travaux. Tout comme le campus Tréfilerie, le plateau des halles au Marais, l’extension de la zone Molina, la participation à la Politique de la Ville, les travaux sur Geoffroy-Guichard (Coupe du monde de rugby et JO obligent) ou encore sur le patrimoine Le Corbusier et la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez.
L’épargne nette chute de… 41 % !
Au chapitre développement du territoire, 68,5 M€ sont accumulés par le plan local d’urbanisme, le réaménagement de l’entrée est de Rive-de-Gier, la Zac des berges du Gier, les initiatives autour de l’agriculture, de l’alimentation, du plan de relance métropolitain, l’habitat, le renouvellement urbain et la dispendieuse (230 M€ prévus sur le mandat !) voirie d’un réseau métropolitain qui a essuyé ces dernières années une forte croissance en raison des transferts de compétences. Restent – hormis 1,5 M€ en matériel divers de fonctionnement – 31,5 M€ qui seront mis dans un pot commun de projets baptisé « développement durable ». ZFE, corridors écologiques, plan vélo, murs antibruit, contrats rivières, barrages, lancement de la gestion des biodéchets et, surtout, la forte extension du centre de tri intercommunal à Firminy le composent. L’ensemble aurait sans doute été moins élevé sans l’inflation galopante qui touche forcément la moindre particule de ciment à faire sécher.
Notre capacité de désendettement reste confortable, loin du danger identifié, lui, à une douzaine d’années.
Christian Julien, vice-président aux finances
En attendant que le CPER alimente enfin les caisses à partir des budgets suivants, ces 152 M€ cumulés en 2023 sont à 65 % financés par un recours à l’emprunt, soit 99 M€. « Notre capacité de désendettement reste confortable, loin du danger identifié à une douzaine d’années », tient immédiatement à nuancer Christian Julien. Il était de 7,4 ans pour 338,3 M€ d’encours sur le budget principal au 1er janvier 2023 (+ 19 M€ en 2022), donc avant le nouvel emprunt projeté… Cependant, 25 % des investissements prévus trouvent leurs ressources dans des recettes de subvention, de FCTVA, de cessions (soit 38 M€). Reste 10 %, soit 15,1 M€ via l’épargne nette. Celle-ci dont le montant est central pour, justement, avoir la capacité d’obtenir des prêts par ailleurs de plus en plus chers, est en chute libre par rapport à l’an passé où elle s’élevait à 25,6 M€. Un recul spectaculaire à la fois parce que l’épargne brute perd 7 M€ et parce que le remboursement du capital de la dette prend 3,5 M€. Et c’est là sans doute la donnée la plus significative de la situation, résultant des fameux « éléments impactant ».
Les charges de personnel explosent
Il y a bien sûr la hausse des coûts énergétiques moins spectaculaire à Saint-Etienne Métropole qu’à Saint-Etienne intra-muros, le volume de leurs patrimoines bâtis respectifs n’étant pas comparable. Mais aux 5 M€ à transférer dans le budget transports en raison de la hausse du coût des carburants, s’ajoutent tout de même 5,2 M€ supplémentaires à payer en fluides sur le budget principal 2023. Autre augmentation significative : les charges de personnel. Comme au niveau communal, il y a la nécessité d’assumer localement le point d’indice relevé et la mise en place du Rifseep (+1,5 M€) décidés par l’Etat sans oublier les avancements grade/échelons (+ 1 M€). Des recrutements, aussi, dans le cadre de l’extension des services métropolitains, ont été décidés, soit + 2 M€ (dont 50 % en CDD). Mais si les charges de personnel explosent, c’est avant tout en raison de la mutualisation d’environ 360 postes venant des communes, de Saint-Etienne essentiellement, sur des services d’intérêt communautaire : culture, marketing, communication, contrôle de gestion, commande publique…
La masse salariale devrait ainsi progresser brusquement entre les deux budgets primitifs 2022 et 2023 de 25,6 M€ ! De quoi donner des sueurs froides à certains maires et élus. Aux premiers rangs desquels, naturellement, Gérard Tardy, maire de Lorette. Il les a bien sûr exprimées au micro, en assemblée jeudi. « L’an passé, nous étions 902, nous sommes 1 264 aujourd’hui ! 362 agents qui sont passés à Saint-Etienne Métropole d’un coup d’un seul. Une remontée d’effectif que la Ville de Saint-Etienne a trouvé la bonne occasion de donner à Saint-Etienne Métropole. On enlèvera dans sa dotation de compensations de la Ville de Saint-Etienne le produit de ces salaires. D’accord, mais c’est pour la première année seulement. Car ensuite, vous verrez que cela reviendra à Saint-Etienne Métropole », pronostique Gérard Tardy.
La mutualisation de 360 postes en question
Ce que dément formellement Christian Julien, au-delà de confirmer que la refacturation à la Ville de Saint-Etienne correspondra (18,1 M€ retirés de ses dotations métropolitaines, l’évolution nette est donc de 7,5 M€) aux salaires transmis. Délégués pour un an, plutôt, selon ses explications : « Cela fait l’objet d’une convention annuelle qui sera discutée et revue à chaque fois à son terme. Il ne s’agit pas d’intégration définitive dans le cadre de transfert de compétences. Et c’est de toute façon l’application d’une recommandation de la Chambre régionale des comptes qui doit donner lieu à des économies. » Maire de Sorbiers, Marie-Christine Thivant a aussi exprimé ses doutes, quant au bienfondé mais aussi la visibilité des postes mutualisés – leur nombre exact, leur nature – soupçonnant que le procédé soulage avant tout la Ville de Saint-Etienne alors qu’il devrait profiter à « toutes les communes » avec l’embuche supplémentaire, pour une municipalité de son calibre qu’est de subir la concurrence intercommunale en termes de recrutement et d’avancement. Remarque qui obtenait plus d’un hochement de tête dans l’assemblée.
Eric Berlivet, maire de Roche-le-Molière, faisait part d’inquiétudes analogues fustigeant une mutualisation qui « devrait profiter à tous parce que nous avons tous les mêmes problèmes ». Surtout qu’il estime facile de la part de la Ville centre de communiquer sur une non-augmentation de sa fiscalité quand ceux de Métropole ont augmenté. A propos de fiscalité d’ailleurs, si la Gemapi ne bouge pas, après la taxe foncière et la CVAE pour les seules entreprises, la Teom, taxe d’enlèvement des ordures ménagères va, elle, augmenter. « Elle passe de 8 à 8,30 % mais reste la plus basse des métropoles françaises, souligne Christian Julien. Nous l’avons recalée sur l’exact recouvrement de nos dépenses, de légères différences par le passé avaient donné lieu à un contentieux. Ce ne sera plus le cas. » Bilan général du fonctionnement au sein du budget principal : en dépenses prévues, 289,8 M€, intérêts de la dette compris (12,5 M€) contre 262,4 M€ budget primitif (BP) en 2022. En recettes prévues : 335 M€ (dont encore 0,7 M€ perdu en dotation étatique) contre 315 actés au BP 2022.
« Un délire de dépenses et d’investissements »
Plus encore que le fonctionnement, c’est le maintien en l’état du plan d’investissement tel que discuté (et approuvé alors par tous les maires dit l’exécutif) il y a bientôt 2 ans qui alarme, entre autres, Éric Berlivet et Marie-Christine Thivant. La seconde s’interrogeant sur la pertinence des choix au regard du contexte. Le premier n’hésitant pas à parler d’un « délire de dépenses et d’investissements. C’est un Dob après moi le déluge ! Loin de la philosophie du premier mandat » quand il était encore vice-président. Dans leur viseur commun : la construction de la patinoire ou encore de la Cité du design 2025. N’y a-t-il pas plus pertinent à faire ? Ne faut-il pas utiliser l’investissement ailleurs ? C’était l’angle de l’intervention de Jean Duverger, élu stéphanois d’opposition EELV : « Le vice-président Julien a insisté dans sa présentation sur la situation exceptionnelle qui nous est donnée de vivre. Certes, mais les circonstances actuelles, que sont les suites de la crise sanitaire de la Covid-19, la guerre en Ukraine, l’inflation forte induite, et la hausse exponentielle de l’énergie qui en résulte, ne sont que les révélateurs des limites d’un système économique et social à bout de souffle. »
C’est un Dob après moi le déluge ! Loin de la philosophie du premier mandat.
Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière.
Les écologistes alertent « depuis longtemps sur le parti pris d’un néolibéralisme qui ne vise qu’à maintenir la croissance économique à tout prix, les yeux fixés sur la hausse du PIB ». PIB « qui « mesure à peu près tout, sauf ce qui rend une vie digne d’être vécue » ». Ce faisant, « on insulte l’avenir. Il est de plus en plus évident qu’une croissance infinie dans un monde fini, ce n’est pas tenable. (…) Le plan de relance voulu par cette assemblée, en septembre 2021, dans un tout autre contexte, prévoit 1,2 Md€ d’investissements jusqu’en 2026, sans que soit prévu de conditions particulières pour le choix des investissements aidés. Les critères de respect de l’environnement, d’utilité sociale des équipements, d’économie d’énergie, ou la priorité donnée à la production d’énergies renouvelables sont absents. Va-t-on continuer à investir dans la construction d’une patinoire, dont les coûts de fonctionnement sont élevés, ou plutôt dans la maîtrise de l’approvisionnement en eau de la métropole ? »
Il faut rester poli avec l’avenir
Pour Jean Duverger, « on le voit, il y a des options à prendre pour ne pas insulter l’avenir. Les vieux schémas basés sur l’attractivité économique et les grands équipements sportifs ont du plomb dans l’aile, alors de grâce pas d’acharnement thérapeutique à leur égard ! », Aussi, « est-il essentiel de s’entêter à construire une nouvelle patinoire, ou de continuer à promouvoir le projet Cité 2025, alors que l’on a renfloué pour déjà 1 400 000 euros la Cité du Design ? » Pierrick Courbon, élu d’opposition PS stéphanois effectuait, à son tour, une intervention très proche de celles entendues juste avant. D’abord sur les inquiétudes à propos du fonctionnement en soulignant une opacité à propos la note qu’incombe la nouvelle Arena, évoquant, aussi, la subvention à la Cité du design « dont le montant n’est pas précisé à ce stade. Je nous adresse collectivement une question d’ici le BP, allons-nous continuer d’injecter de l’argent sans davantage de vigilance au regard des errements de gestion désormais connus de tous, et qui ont amené l’Etat à demander une profonde refonte des statuts ? »
Est-il essentiel de s’entêter à construire une nouvelle patinoire, ou de continuer à promouvoir le projet Cité 2025 ?
Jean Duverger, élu d’opposition EELV stéphanois
Les choix pris sur les investissements ne trouvent pas plus grâce à ses yeux. Lui « aussi » aime les beaux équipements, pouvoir profiter d’une belle patinoire attirant bien au-delà de Saint-Etienne mais ce n’est pas raisonnable au regard des priorités, estime-t-il. « Si on doit faire des choix, qu’on les fasse sur les projets les moins consensuels et les plus discutables. » Il y a, d’une part, le projet Cité 2025 à revoir profondément. De l’autre l’idée de carrément abandonner « le projet de patinoire, il est encore temps de le faire. Et ce ne serait pas se dédire que de le faire, ce serait au contraire une preuve d’intelligence collective. Rennes Métro, vient d’annoncer qu’elle va fermer cet été 3 mois sa patinoire. Sur ce projet, nous avons 20 ans de retard ! » Le dossier du Musée d’art moderne et l’annonce « indécente » s’ajoutait à son argumentaire.
Investir est la bonne recette se défend l’exécutif
Pour Pierrick Courbon, ces économies évidentes doivent être orientées sur un fonds de concours spécifique, « une sorte de « fonds vert métropolitain » à destination des communes, destiné à les aider à accélérer et massifier les travaux d’amélioration énergétique des bâtiments municipaux. » Au nom de l’exécutif, Christophe Faverjon, vice-président à l’enseignement supérieur, défendait ces prévisions budgétaires, d’ailleurs calées sur des données macro-économiques, les prévisions sur laquelle se base la loi de finances, elle aussi désormais caractérisées par une précarité aussi chronique que coriace. Le maire PC d’Unieux fustigeait, au passage, l’attitude de l’Etat, le fait qu’il ne soit pas massivement au rendez-vous, son manque de sérieux vis-à-vis des collectivités, de la situation alors que des leviers évidents existent : la taxation des dividendes massives issues des marges faites par la taxe (les fameux « superprofits »).
A notre échelle, « il est important désormais, comme nous le faisons, de stabiliser les bases fiscales pour ne pas pénaliser les ménages ». Et si Sem n’est pas dans le rouge, c’est parce que selon lui, justement, l’exécutif sait rester vigilant, prudent dans sa construction budgétaire et le restera. Pour Christophe Faverjon, le contexte invite au contraire à investir le plus possible, pour développer un service public le plus utile possible et enfin maintenir à flot l’économie, les carnets de commande des entreprises afin d’éviter qu’une crise économique profonde ne s’installe. Bref bâtir du dur pour ne pas tomber dans le dur. Et si le CPER tardait à venir ou décevait considérablement sur les montants espérés ? Et si les problématiques d’inflation persistaient oui mais encore plus, s’aggravaient ? Alors, dès 2024, « oui, il faudrait revoir notre Plan pluriannuel d’investissement à la baisse », nous concédait jeudi l’exécutif en préambule de l’assemblée. 21 élus de Métropole (2 abstentions) ne veulent pas attendre pour voir et ont voté contre ce Dob 2023.
*Eau potable, assainissement, transports, ZI et réseaux de chaleur font l’objet de budgets spécifiques et séparés.
Et pendant ce temps là, les assos crèvent la gueule ouverte notamment la SPA de Saint-Etienne qui aurait bien besoin d’un nouveau local et de moyens financiers dignes de ce nom…