Saint-Étienne
vendredi 26 avril 2024
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Saint-Etienne Métropole va fortement durcir le règlement sur la pub (1/2)

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Les orientations du Règlement local de publicité intercommunal (RLPI) seront au menu, demain, du Conseil métropolitain. A l’origine, la loi exigeait l’adoption du RLPI par chaque intercommunalité en juillet 2020. Elle a été repoussée à juillet 2022. A la suite des élections municipales, le document originel de Saint-Etienne Métropole a été retravaillé pour aller vers un durcissement des contraintes pesant sur les acteurs. If vous explique. Un premier volet axé sur les dispositifs d’affichage extérieur.

Certes, Saint-Etienne Métropole n’ira sûrement pas aussi loin que le Grand Lyon. Mais il y a quand même un point en commun entre l’intercommunalité présidée par le maire LR Gaël Perdriau et la grande voisine, désormais tenue par les écologistes : un durcissement de leur projet de Règlement local de publicité intercommunal (RLPI) après les Municipales 2020. Dans les deux cas, le travail avait été largement entamé sous la précédente mandature.

Il s’agissait en effet de se conformer à la législation découlant du Grenelle de l’environnement 2010 : adopter un RLPI en juillet 2020. Aussi, « nous avons lancé les travaux dès 2017, rappelle Gilles Thizy, vice-président de Saint-Etienne Métropole en charge de la cohésion territoriale et de la stratégie foncière. Jusque-là, seule une réglementation nationale, et d’éventuelles réglementations communales encadraient la publicité extérieure. » Onze communes sur les 53 en possèdent dont la principale Saint-Etienne depuis 1998. Mais aussi, par exemple Saint-Chamond, Andrézieux-Bouthéon et d’autres encore dans le Gier et l’Ondaine.

28 % des 1 600 « dispositifs » non conformes en 2018

« Il y a quatre ans, on fait une première fois le tour des communes. On a constaté une méconnaissance fréquente des élus à ce sujet. Certains maires n’avaient même pas conscience de l’existence d’un encadrement légal », confie Gilles Thizy, par ailleurs maire de Marcenod. Autre « surprise » : 28 % des 1 600 « dispositifs » – publicités et pré enseignes recensés sur Saint-Etienne Métropole – n’étaient pas conformes en 2018 aux règlements nationaux et communaux. « C’est toutefois dans la moyenne nationale.» Qu’est-ce qu’encadre un règlement national, communal et bientôt intercommunal de publicité ?

Par « dispositifs » on entend les publicités l’affichage sur le mobilier urbain ou les panneaux de tous types de formats, digitaux ou non, accrochés à un mur ou plantés dans le sol par un pied. Mais aussi les pré-enseignes, c’est-à-dire « toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce l’activité déterminée ». Encadrés aussi, du moins théoriquement, les enseignes. Pas seulement des commerces mais de chaque entreprise : « toute inscription, forme, ou image apposée sur un immeuble (ainsi que le terrain, Ndlr) relative à l’activité qui s’y exerce. » Ne sont pas concernées par le règlement en revanche, les signalisations d’informations locales, les chartes commerciales, la charte signalétique du Pilat ou encore les publicités sur véhicules, qu’il s’agisse des transports en commun ou du privé.

De nombreux dispositifs seront amenés à être démontés (pas forcément celui-ci !). ©If Media/Xavier Alix.

Prêt en 2018, le texte de Saint-Etienne Métropole a été durci

Il faut trouver un consensus, ce n’est pas évident. Certains diront que l’on est allé trop loin, d’autres pas assez.

Gilles Thizy, vice-président de Saint-Etienne Métropole

L’élaboration d’une réglementation a naturellement pris du temps : il a fallu se coordonner avec les services de l’Etat, consulter les communes mais aussi les acteurs économiques du secteur : c’est-à-dire les afficheurs ou et plus d’une dizaine d’associations commerçantes. Il y a enfin, les associations de défense du patrimoine ou encore environnementale. FNE Loire a été associée aux travaux ainsi que Paysage de France (basée à Grenoble), réputée très anti-pub par principe. Des premières orientations avaient découlé un premier diagnostic. « Nous étions prêts à l’automne 2018. Nous aurions pu voter dès la fin de l’année mais il y a eu les Gilets jaunes puis la perspective des élections et enfin la crise sanitaire… »

Bref, les pouvoirs publics considèrent que ce n’est pas le moment pour les commerces, artisans et toutes les entreprises françaises d’assumer les frais que va occasionner ces règlements. Et un report d’obligation à l’adoption est fixé à juillet 2022. Mais « en 2020, Saint-Etienne Métropole a vu l’arrivée d’une vingtaine de nouveaux maires sur 53. La perception de la problématique avait changé avec une sensibilité très accrue », observe Gilles Thizy. Le document est retravaillé avec tous les acteurs concernés. Et ses règles ont été durcies par rapport à sa version initiale.

Les voisins du Grand Lyon vont très loin

« Il faut trouver un consensus, ce n’est pas évident, souligne Gilles Thizy. Certains diront que l’on est allé trop loin, d’autres pas assez. Pour Paysage de France, il ne faudrait pas de pub du tout ! » Et pour les écologistes à la tête de la Métropole de Lyon pas beaucoup. Même s’ils se défendent d’être des anti-pubs forcenés. Là-bas aussi, le RLPI élaboré par l’ex-majorité Collomb, mise sous pression par les activistes anti-pub, était prêt avant les élections de 2020 avec le feu vert de 57 communes sur 59. Tout en reprenant en grande partie le travail de leurs prédécesseurs qui allait déjà loin (60 à 70 % des supports papiers éliminés), les écologistes annoncent que la plus grosse modification concernera une limitation à… deux m2 de tous les panneaux !

Un panneau digital à Saint-Etienne devant Tréfilerie. ©If Media/Xavier Alix.

Contre huit m2 maximum auparavant, éliminant déjà les fameux « quatre par trois », les 12 m2. En revanche, concernant le digital, Philippe Guelpa-Bonaro vice-président de la Métropole de Lyon au climat, à l’énergie (et à la réduction de la publicité), parlait d’éradication pure et simple à nos confrères d’OUR(S) durant l’été 2020 : « Ils consomment autant qu’un ménage de quatre personnes pendant un an. Nous n’en voulons plus du tout, ni dans les rues, ni dans le métro. » L’Union de la publicité extérieure (UPE) avait alors rétorqué que « ce n’est rien par rapport à la consommation électrique des écrans en France : moins de 0,1 %. Alors pourquoi focaliser le débat là-dessus ? Nous devrions être le seul secteur économique exclu de la transformation numérique, elle qui profite avant tout aux petits annonceurs ? »

Ce sera huit m2 maximum sur Saint-Etienne Métropole

Oui, globalement, il y aura une baisse significative des dispositifs.

Gilles Thizy, vice-président de Saint-Etienne Métropole

Les afficheurs ajoutent que leurs écrans consomment toujours moins. Un effort parmi d’autres qu’ils appliqueraient à leur activité. Certains grincent des dents quand ils évoquent, en parallèle, le fait que les élus écologistes ne se privent pas d’utiliser à foison les outils numériques et les stockages de données allant sur des serveurs énergivores. A noter que le maire EELV de Grenoble, Éric Piolle, a, lui, finalement maintenu quelques dizaines de panneaux numériques. Saint-Etienne Métropole n’ira sans doute pas si loin que le Grand Lyon. Mais malgré nos nombreuses relances, nous n’avons pas réussi à savoir le devenir du digital sur son territoire. En revanche, pour ce qui est de la taille de l’affichage, ce sera huit m2 maximum. Et les double dispositifs sur même support seront interdits.

Côté densité, un seul dispositif par mur sera possible. Sur un axe de circulation, aucun dispositif ne sera possible le long d’une unité foncière de moins de 20 m, un seul pour une unité de 20 à 100 m et enfin, un tous les 40 pour une unité foncière supérieure à une longueur de 100 m. « Cette mesure-là est plus contraignante que le règlement national, note Gilles Thizy. Cela va impacter les grands axes structurants, là où bien sûr circulent le plus de véhicules et de personnes. Mais oui, globalement, il y aura une baisse significative des dispositifs. Cependant, nous avons pris soin de fixer, en consultation avec les afficheurs, une taille de huit m2 car ce sont des formats qui existent déjà. » Les afficheurs vont donc devoir démonter, éliminer et, au mieux, remplacer de nombreux panneaux. Il faudra parfois qu’ils s’entendent entre eux pour savoir qui garde quoi et où…

Les afficheurs auront deux ans pour s’adapter

Quant au mobilier urbain, aux dispositifs de taille moyenne bien plus modestes, il est déjà très contraint par les règlements existants, en particulier dans les zones patrimoniales qui ont tendance à recouvrir de plus en plus l’ensemble des centres villes, voire au-delà. Moins de bouleversements sont à prévoir même « s’il y aura un tour de vis quand même. Des éléments, des emplacements à adapter, à revoir, précise Gilles Thizy. Là cependant, la souplesse est davantage de notre côté. Sans RLPI, le national les interdirait. »

Cinq réunions publiques ont été organisées dans chaque zone du territoire de Saint-Etienne Métropole de fin septembre à début octobre pour présenter ces orientations. Ce 2 décembre, ce sont les orientations qui seront mises sur la table du conseil communautaire de Saint-Etienne Métropole. Mais le processus administratif – avec une enquête publique à venir notamment – sera encore long avant de les voir appliquer à la suite d’un vote qui ne devrait pas intervenir avant fin 2022. Après quoi, les afficheurs auront deux ans pour s’adapter. Ce sera six ans pour les commerçants sur leurs enseignes. Nous reviendrons sur ce volet dans un second article.

« C’est tout un pan d’économie qui va s’écrouler »

Qu’en pensent les premiers ? Hervé Barralon dirige depuis 2011 Horizon, le plus ancien acteur 100 % local du secteur où il est entré en 1999. Basée à Saint-Priest-en-Jarez, la structure a été créée en 1984, compte sept salariés et travaille principalement sur la Loire et la Haute-Loire. Horizon possède à la fois des dispositifs d’affichage et de signalétiques dans un parc totalisant un millier de faces allant de deux à 12 m2. Très peu sont digitaux. La perspective de devoir dépenser intervient dans un contexte déjà très difficile pour le secteur de l’affichage laminé par le contexte sanitaire. « Nous étions à 3 M€ de chiffre d’affaires en 2019. Nous sommes tombés à 2,6/2,7 en 2020. Mais on a du mal à se remettre : le bilan de 2021 sera sans doute encore moins bon entre 2,4 et 2,5 M€ », souligne Hervé Barralon.

A ses yeux, la réglementation française déjà très drastique vis-à-vis de la publicité extérieur « est suffisante. Poser un nouveau panneau, c’est comme demander un permis de construire. Je suis d’ailleurs très étonné par ces 28 % annoncés non conformes. Je vous garantis que nous, nous sommes dans les clous. La règlementation existante a depuis longtemps éliminé le sauvage, l’anarchique et tant mieux. Le ménage a été encore plus fait avec les règlements communaux. Alors pourquoi aller plus loin ? Entre des huit et des 12 m2, je ne pense pas que le gain sur l’impact visuel sera très fort. »

Un panneau de la société Horizon, acteur stéphanois du secteur. Capture d’écran de son site.

130 ans pour compenser le surplus de CO2

Horizon, qui rappelle que les imprimeurs souvent en souffrance aussi, seront contraints de s’adapter, va devoir investir 650 000 € dans le remplacement de 300 12 m2 par des huit m2. Sans compter que l’entreprise ne pourra pas conserver une bonne partie de ses dispositifs puisque leur densité sera réduite. « C’est tout un pan de l’économie qui va s’écrouler. Comment vont réagir les annonceurs ? Et avec nous, il y a aussi des fournisseurs, des sous-traitants pour poser les affiches, etc. On nous fragilise tous un peu plus pour des gains visuels et environnementaux très contestables. » Le dirigeant d’Horizon met en avant l’étude commandée par un acteur national, Exterion.

On nous fragilise tous un peu plus pour des gains visuels et environnementaux très contestables.

Hervé Barralon, dirigeant d’Horizon

L’afficheur a confié au cabinet Riposte Verte le calcul des émissions que générerait le remplacement des 30 000 panneaux fixes de 12 m² de France (dont environ 3 700 panneaux en Auvergne-Rhône-Alpes) par des huit m² fixes. Une étude menée en collaboration avec le Syndicat national de la publicité extérieure (SNPE). D’après l’étude du cabinet « certifié Ademe et ABC (Association Bilan Carbone) bilans Carbone », il faudra 130 ans « pour compenser le surplus de gaz à effet de serre généré par cette disposition ». Le gain annuel de 639 t de CO2 obtenu par une surface moindre d’affichage ne ferait pas le poids face aux « 90 751 t émises par les opérations de remplacement » la première année. Soit l’équivalent de « 90 000 vols allers/retours Paris-New York en avion » !

Des pertes de revenus pour les particuliers et… la collectivité

« Avant 2020, nous étions prêts. Nous savions déjà qu’il faudrait remplacer les 12 m2 par des huit m2 et nous avions anticipé dans un esprit conciliant même si cela ne nous faisait pas plaisir. Mais entre-temps, il y a eu les élections. Les contextes bordelais, grenoblois, lyonnais avec une grande agressivité sur le concept même de publicité, ont fait tâche d’huile partout, jusqu’ici puisque les intentions se sont durcies », analyse Hervé Barralon

Il y a enfin d’autres conséquences : la perte de revenus pour les particuliers ayant un panneau sur leur propriété. Mais aussi pour la collectivité elle-même ! La TLPE, la taxe locale sur les publicités extérieurs, levier fiscal local, va fatalement en pâtir étant donné qu’il y aura moins à taxer. Le comble serait qu’elle soit alors relevée, comme l’auraient suggéré certains maires de Saint-Etienne Métropole. Enfin, si les commerces et petites entreprises locales, une grande part des annonceurs, devaient renoncer à un affichage moins accessible, ils se rabattraient logiquement sur le web. Ce serait alors bénéfique aux Gafa pour zéro TLPE et un peu plus de CO2

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