Saint-Etienne Métropole va fortement durcir le règlement sur la pub (2/2)
Les orientations du Règlement local de publicité intercommunal (RLPI) étaient au menu, jeudi dernier, du Conseil métropolitain. A l’origine, la loi exigeait l’adoption du RLPI par chaque intercommunalité en juillet 2020. Elle a été repoussée à juillet 2022. A la suite des élections municipales, le document originel de Saint-Etienne Métropole a été retravaillé pour aller vers un durcissement des contraintes pesant sur les acteurs. Après un premier volet axé sur les dispositifs d’affichage extérieur, If se penche sur les nouvelles contraintes pesant sur les enseignes.
Ce n’est pas faute d’avoir prévenu. Peut-être que les échanges avec les associations commerçantes et chambres consulaires (CCI et CMA) ont suffi à faire passer l’info et ses nombreuses subtilités. Reste qu’il y avait, de l’aveu de la collectivité elle-même, davantage de chaises vides qu’occupées aux cinq réunions publiques organisées par Saint-Etienne Métropole en octobre. Et la participation aux ateliers spécifiques aux commerçants fut très faible à l’exception du 4e le 11 octobre. Le durcissement du cadre déjà existant qu’induit la création du RLPI (Règlement local de publicité intercommunal) touche d’abord les professionnels de l’affichage publicitaire.
Mais tout un pan concerne aussi l’ensemble des commerces à l’échelle des 53 communes de Saint-Etienne Métropole. Ainsi que n’importe quelle entreprise à partir du moment où elle affiche ses couleurs, nom et slogan, d’une manière ou d’une autre, sur ses bâtiments. Et même son terrain. Il s’agit là du volet consacré aux enseignes, définies ainsi : « Toute inscription, forme, ou image apposée sur un immeuble relative à l’activité qui s’y exerce. » L’enjeu affiché est le même que pour les dispositifs : améliorer le cadre de vie et la mise en valeur patrimoniale, lutter contre les nuisances visuelles, favoriser l’attractivité, la visibilité et la qualité du message publicitaire, participer aux économies d’énergie.
Six ans pour se mettre en conformité
Sur le volet environnemental par exemple, exit les enseignes lumineuses sur les toitures. Quant aux lumières, il faudra désormais les éteindre de 22 h à 7 h du matin. « Nous allons, sur ce point, plus loin que la réglementation nationale : 1 h-6 h. Les associations environnementales consultées nous ont fait remarquer cette nécessité pour la biodiversité. Cependant, nous avons concédé des dérogations pour certaines activités. Comme, logiquement, les arrêts de transports en commun. Ou encore les bars et restaurants qui pourront éteindre leurs enseignes lumineuses à leur fermeture », explique Gilles Thizy, maire de Marcenod en charge du dossier. Le vice-président de Saint-Etienne Métropole à la cohésion territoriale et de la stratégie foncière a davantage ménagé chèvre et chou que ses heures de travail depuis 2017 afin d’aboutir à ce « consensus ».
Sur l’extinction des lumières la nuit, nous allons plus loin que la réglementation nationale.
Gilles Thizy, vice-président de Saint-Etienne Métropole
Les mesures de son RLPI sont légion. Mais elles n’entreront pas en vigueur avant fin 2028, au plus tôt, pour ce qui concerne les enseignes. Il y a le temps de la procédure administrative : une enquête publique notamment, accessible à tous, dans chaque commune. Elle suit le vote des orientations présentées jeudi en Conseil métropolitain. Après quoi, le vote d’adoption du RLPI n’interviendra – selon le calendrier théorique – qu’en octobre 2022. Et les intéressés auront ensuite 6 ans pour se mettre en conformité. Comme pour les dispositifs publicitaires, les règles intercommunales sur les enseignes peuvent varier en fonction d’un zonage territoriale : périmètres de protection environnementale ou patrimoniales (ZP1), centres anciens (ZP2), secteurs de centralités de communes (ZP3), zones d’activités (ZP5), reste du territoire aggloméré, c’est-à-dire le résidentiel (ZP6).
Centres anciens : trois enseignes par activité
A défaut de vous présenter un livret explicatif complet, nous pouvons citer quelques-unes de ces mesures principales. Pour les enseignes au sol, là où elles restent possibles, interdiction de dépasser 1 m2 par activité, y compris les lieux de stockage, sinon il faudra utiliser le format Totem. En cas d’activités multiples, un seul dispositif mutualisant sera autorisé. Enfin, il faudra dire adieu à ces oriflammes qui avaient tant fleuri ces dernières années (sauf ceux temporaires et liés à un événement institutionnel). Sur les toitures, outre l’interdiction du caractère lumineux évoqué plus haut, les hauteurs maximales des enseignes ne devront pas dépasser les 2 m de haut sur une surface unitaire maximale de 30 m2. Et elles ne seront possibles qu’en zones d’activités et le long des axes.
Dans les centres anciens, les enseignes au sol seront interdites. Sauf si une configuration en retrait de la voirie l’oblige mais pas plus de 2 m2. Rien sur les toitures, pas de numérique, pas de caissons lumineux, encore moins du clignotant déjà – du moins théoriquement – interdit à l’exception des pharmacies. Dans ces « centres anciens » encore, second zonage le plus restrictif (la zone patrimoniale va encore plus loin), seulement trois enseignes – dont, si besoin, une et une seule perpendiculaire – seront autorisées par activité. Là aussi un local de stockage compte. Une quatrième en cas de façade supérieur à 10 m. Par enseigne, il faut comprendre tout ce qui est relatif à son offre, jusqu’au menu de restaurant. Enfin, un lettrage découpé sera exigé sur les façades en pierres et immeubles « remarquables ».
Est-ce seulement contrôlable ?
Cette dernière notion, « les maires auront la possibilité de la désigner pour les bâtiments qu’ils souhaitent par arrêté », précise Gilles Thizy. Reste à savoir comment ce durcissement des mesures sera réellement contrôlé. Si les dossiers instruits auprès des services d’urbanisme les prendront désormais en compte, on voit mal Saint-Etienne Métropole créer sa brigade spécifique chargée de contrôler l’évolution de l’existant ou le neuf. Même si l’intercommunalité verra les pouvoirs de police lui remonter à partir de janvier 2024 (les communes qui le souhaitent pourront les conserver en parallèle). On n’imagine pas non plus décemment que les missions de la police nationale puissent s’alourdir d’une énième préoccupation.
Après avoir souffert des fermetures liées aux mobilisations sociales (et notamment des Gilets jaunes fin 2018-début 2019) puis du Covid, les commerçants devront donc assumer ce nouveau coût. Il n’y aura pas d’aide financière mobilisée à l’échelle de Saint-Etienne Métropole. En revanche, « certaines communes, à leur échelle, pourraient en mettre en œuvre », note Gilles Thizy. « Les commerçants et les entreprises auront 6 ans pour être en conformité. Cela laisse du temps pour lisser les frais, ajoute son président Gaël Perdriau. Il y a eu déjà des anticipations, les chambres consulaires effectuant des informations. Sur une période de 6 ans, les enseignes sur les façades sont de toute façon très régulièrement renouvelées. »
« Ce n’est pas insurmontable »
Pas d’inquiétude majeure donc ? Contacté par If Saint-Etienne, Sébastien Couturier, président de l’association de commerçants Côté Saint-Etienne, ex Sainté Shopping (230 adhérents), le confirme : « Nous voyons les choses avec philosophie. Les enseignes en façades chez nos adhérents, ça change déjà souvent. Investir 1 500 ou 2 000 euros dans les 6 ans qui viennent là-dessus, quand vous avez un magasin, ce n’est effectivement pas insurmontable. Surtout que vous faites souvent cette dépense régulièrement et forcément quand qu’il s’agit d’une reprise, d’une ouverture. Enfin, les franchisés auront, eux, leur réseau derrière. » Sébastien Couturier rappelle qu’au sein de son association, un salon de coiffure change de propriétaire tous les 8 ans, un restaurant tous les 5 ans, « 4 ans même place Jean-Jaurès ».
On a plus à y gagner qu’à y perdre pour l’attractivité. Que ce soit dans les centres ou les périphéries.
Sébastien Couturier, président de l’association de commerçants Côté Saint-Etienne
D’une manière globale, il estime que « plus de 70 % des contraintes que l’on trouve dans le RLPI, de toute façon déjà anticipé, existaient déjà. » Outre l’encadrement préalable au RLPI par les règlements nationaux, voire municipaux, « quand vous êtes dans un bâtiment classé, l’architecte de bâtiments de France pose déjà de nombreuses restrictions. Non, sincèrement, je pense que, visuellement, l’on a plus à y gagner qu’à y perdre pour l’attractivité. Que ce soit dans les centres ou les périphéries. » Le président de Côté Saint-Etienne se montre en revanche davantage sceptique sur la capacité des pouvoirs publics à gérer les récalcitrants : « Nous sommes déjà dans une situation où beaucoup de commerces se foutent des règles. Quand ils ont conscience de leur exitence. Alors, je pense que ça va continuer : il y a ceux qui appliqueront et ceux qui continueront à les ignorer. »
Les écologistes veulent bannir le numérique
Pour nous, écologistes, le règlement ne va pas encore assez loin.
Julie Tokhi, élue d’opposition (Le Temps de l’écologie)
Un aspect sur lequel les élus d’opposition écologistes, favorables au durcissement des règles sur la publicité à « défaut de la supprimer », elle et son « impact délétère (…) sur le bien-être mental de toutes et tous, en particulier des plus jeunes », ont interpellé jeudi l’exécutif par la voix de Julie Tokhi. « Prenons l’exemple de l’extinction nocturne. A l’heure actuelle, une simple promenade nocturne permet de se rendre compte du nombre considérable d’infractions à cette règle. Qu’est-il prévu pour faire respecter le règlement proposé aujourd’hui ? »
Enfin, si « le règlement proposé va plus loin que la réglementation nationale, il reste que pour nous, écologistes, il ne va pas encore assez loin ». En particulier concernant les publicités numériques*, insiste Julie Tokhi : « Elles ont littéralement envahi l’espace public en quelques années et même notre collectivité y a recours. Et pour cause : comme tout écran, elles attirent l’œil, hypnotisent (…) Nous demandons leur interdiction dans l’ensemble des centres villes, des zones d’activités, des axes et des entrées de ville. Ces dispositifs ne font pas que dénaturer le paysage visuel. Ils déconcentrent et représentent un réel danger, que ce soit en voiture, à deux-roues, à vélo ou à pied. Ils sont énergivores à l’utilisation mais surtout à la production. »
*A la publication du volet 1 de notre dossier, nous ignorions la règle concernant les panneaux numériques des afficheurs professionnels. Certains éléments ont été précisés jeudi : en centres anciens, pas plus de 2 m2 uniquement en mobilier urbain et dans les unités urbaines supérieurs à 10 000 habitants. Autorisés à 6 m2 maximum (2 hors unités urbaines de plus de 10 000 habitants) le long des axes majeurs et échangeurs urbains.
Attendre 2028 pour l »application de cette nouvelle-et salutaire- réglementation c’est , sans le dire, la renvoyer aux calendes grecques
De même ne pas prévoir un contrôle sérieux des mesures annoncées revient à instaurer le laxisme .
Les élus veulent-ils vraiment changer le désordre actuel ?