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Soignants en souffrance

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[Dossier du mois #1 – juillet 2020 – partie 1/4]
Depuis près de deux mois, les soignants de la Loire tentent de faire entendre leur colère et leur désarroi, au plus haut après l’épidémie de Covid-19 qu’ils ont dû traverser.

Le mardi 30 juin, à Saint-Etienne et ailleurs dans la Loire et en France, les personnels soignants main dans la main pour réclamer des moyens. Crédit : If Média

Ils veulent « du fric pour l’hôpital public », et, sortis d’une crise qui semble avoir laissé des traces indélébiles, ils ne lâcheront pas. Engagés dans les « Mardis de la Colère » depuis le déconfinement, soignants de tous bords avancent aujourd’hui main dans la main, pour tenter d’arracher de la part du gouvernement de « vraies » mesures en faveur de la santé, qui ont selon eux cruellement fait défaut lors du pic de l’épidémie de Covid 19 qu’ils viennent de traverser.

« 30 000 morts, ce n’est pas une crise bien gérée »

Béatrice Barbier, secrétaire départementale de la section santé/action sociale de la CGT42

« Aujourd’hui, tout le monde se félicite que le système de santé n’ait pas craqué. On nous dit que la crise a été « bien gérée », notamment grâce à l’investissement des soignants. Mais comment peut-on parler de crise « bien gérée », quand on en sort avec 30 000 morts ? D’autant que de nombre d’entre elles auraient pu être évitées, si le gouvernement avait écouté ce que l’on disait depuis des mois », s’emporte Béatrice Barbier, secrétaire départementale de la section santé/action sociale de la CGT de la Loire, et par ailleurs aide-soignante à l’hôpital de Firminy.

Manifestation de tous les personnels soignants, le 30 juin à Saint-Etienne. Crédit : If Média

Dans la Loire comme partout, les souvenirs sont rudes, la coupe déborde, et le fossé entre les personnels soignants et le monde politique, devenu extrêmement profond. « Il ne faut pas oublier que dans notre département, des services de réa’ ont été fermés ces dernières années, détaille à son tour Mireille Carrot, aide-soignante en maison de retraite. Et il ne faut pas oublier non plus que dans les EHPAD, les patients n’ont pas pu avoir accès à la réa. Nous, on n’oubliera pas ».  

Soigner les patients avec dignité

Alors, tous les mardis depuis le 11 mai, souvent rejoints par la population qui les soutient ou les applaudit sur leur passage, les soignants défilent, répétant à l’infini que « la santé n’est pas une marchandise ». Ce qu’ils veulent à présent, ce sont des moyens, des vrais. Pour pouvoir soigner les patients avec toute la dignité à laquelle chacun a droit, tout d’abord. « En EHPAD, aujourd’hui, tout est chronométré, poursuit Mireille Carrot. On n’a pas le temps, de s’occuper de nos patients comme on le devrait. Par exemple, on ne peut plus les accompagner au moment du coucher, qui est parfois très anxiogène pour eux. La réponse que l’on nous demande d’apporter à ces problèmes d’angoisse est systématiquement médicamenteuse. Ce n’est pas ça, prendre soin des gens, d’autant qu’il ne faudrait parfois que 5 minutes avec chaque patient pour que tous puissent s’endormir paisiblement. Ils ont souvent juste besoin d’une présence. Et ça, on ne peut pas. »

1 800€ brut pour une infirmière en début de carrière

Des moyens, ils en demandent également pour revaloriser leurs salaires, parmi les plus bas d’Europe. 1 800€ brut pour un infirmier ou une infirmière en début de carrière en soins généraux hospitaliers (soit moins de 1 500€ net) hors prime de garde et de week-end. 1 500€ brut pour un aide-soignant ou une aide-soignante, également en début de carrière (soit moins de 1 200€ net)… Alors que le salaire moyen en France s’élève à 2 250€ nets*. Par ricochet, les moyens attendus permettraient ainsi de réduire considérablement la souffrance au travail. « Très souvent aujourd’hui, je vois des soignants en pleurs. Ils ne peuvent juste plus continuer à vivre avec une culpabilité folle de ne pas pouvoir prendre soin de leurs patients comme ils le devraient, sans aucune reconnaissance de quelque sorte que ce soit », soupire Mireille. 

Les soignants ne veulent plus survivre. Crédit : If Média

« Le Ségur est une imposture, un simulacre de négociations »

Béatrice Barbier

A la suite de l’épidémie de Covid-19 à laquelle toute la profession a dû faire face, le gouvernement a ouvert fin mai le « Ségur de la santé ». Sorte de « grande concertation avec les acteurs du système de santé », il est destiné à  « tirer collectivement les leçons de l’épreuve traversée », et à  « bâtir les fondations d’un système de santé encore plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l’écoute de ses professionnels, des usagers et des territoires, avec des solutions fortes et concrètes ».

Des annonces insuffisantes

Mais il semble qu’il en faille bien davantage, pour redonner confiance aux personnels soignants : « Ce Ségur est une imposture. Edouard Philippe a d’ailleurs annoncé qu’il lançait ces négociations en lien avec la loi Ma Santé 2022. Or, ce que nous demandons, c’est précisément un changement de cap. Il s’agit donc d’un simulacre de négociations », souligne Béatrice Barbier. Ce mardi 7 juillet, Jean Castex a annoncé une rallonge d’un milliard d’euros pour les salaires, lors d’une réunion avec les partenaires sociaux. Ces derniers ont immédiatement fait savoir que cela restait à leurs yeux, trop insuffisant.

*INSEE 2015


Suite de notre dossier mercredi prochain, avec un volet dédié à l’évolution du système de santé français. 2005-2022, retour sur 15 ans de réformes.

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