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vendredi 19 avril 2024
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Subventions culturelles régionales : « Cela ressemble à des sanctions arbitraires »

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Lors de sa commission permanente, le 12 mai dernier, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a donné ses orientations concernant les subventions culturelles. Dans la Loire, la plupart des structures voient leurs subventions maintenues. Néanmoins, neuf sont toujours en attente d’une décision, et la Comédie de Saint-Etienne voit son budget lourdement amputé.

L’école de la Comédie de Saint-Etienne voit son budget annuel amputé de 60 000 euros.

En 2022, les acteurs culturels d’Auvergne-Rhône-Alpes avaient vu les subventions attribuées par la Région diminuer de quatre millions d’euros. En 2023, la tendance semble être encore à la baisse, bien que la totalité des organismes ne soient pas fixés sur leur sort. « Cette année, cela fait un million d’euros de moins, lance Johann Cesa, conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes. Certaines structures ont vu leurs subventions augmenter cette année, mais cela ne compense pas les baisses. Jusqu’ici, il y avait un principe qui faisait que les collectivités suivaient l’État. Or, là, ça marque une rupture. Ce n’est pas parce que l’État aide, que la Région va le faire. On parle de structures qui ont besoin de visibilité, mais qui sont désormais soumises au bon vouloir de Laurent Wauquiez ». Le conseiller régional craint en effet que le rééquilibrage invoqué par la Région ne cache en fait des choix beaucoup plus politiques…

Neuf décisions en attente

Dans notre département, sur 35 structures concernées, 21 voient leurs subventions 2022 maintenues. Quatre enregistrent même une hausse, c’est notamment le cas pour Le Château du Rozier à Feurs (+ 15 000 euros en 2023, pour atteindre 30 000 euros), les Bravos de la Nuit à Pélussin (+ 4 750 euros en 2023, pour atteindre les 17 500 euros), La Rue des Artistes à Saint-Chamond (+ 4 050 euros pour atteindre les 27 000 euros et revenir à l’enveloppe de 2021), Le Festival des 7 collines (+ 3 750 euros pour atteindre 25 000 euros et revenir à l’enveloppe de 2021). Toutefois, neuf décisions sont toujours en attente avant l’assemblée plénière qui se tiendra fin juin. Et pas des moindres puisqu’elles concernent notamment l’EPCC Cité du design et ses 300 000 euros de subventions en 2022. Rappelons que la structure avait déjà vu son enveloppe diminuer de 180 000 euros par rapport à 2021.

« Je ne sais pas s’il y a des arrière-pensées politiques, mais si c’est le cas, c’est très grave. »

Benoît Lambert, directeur de la Comédie de Saint-Etienne.

Un fond de polémique

A chaque décision concernant les subventions culturelles, sa polémique. En effet, lors d’une conférence de presse fin avril, la Région annonçait qu’elle supprimait en totalité la subvention de 149 000 euros qu’elle versait jusqu’alors au Théâtre nouvelle génération (TNG) de Lyon. Un choix qui arrive après la publication d’une tribune au vitriol de son directeur, Joris Mathieu, qui dénonce une « gouvernance par la culture de la peur ». « J’ai clairement posé la question à madame Rotkopf, la vice-présidente de la Région chargée de la Culture, si cette tribune était bien la cause de cette suppression, poursuit Johann Cesa. Elle a répondu que oui, qu’elle l’assumait. Honnêtement, je pensais qu’elle allait me faire une réponse politicienne, mais non, au contraire ». Au-delà des problématiques d’affinités, l’opposition demande à ce que la Région fasse preuve de davantage de transparence quant à l’attribution de subventions, financées par l’argent public.

60 000 euros de moins pour la Comédie

A Saint-Etienne, c’est pour le moment la Comédie qui voit ses subventions diminuer le plus drastiquement avec 60 000 euros de moins en 2023, après une première coupe de 17 000 euros en 2022. Une décision que Benoît Lambert, son directeur, peine à comprendre, d’autant qu’il n’en a pas été averti au préalable. « Cette baisse représente 23 % de ce que nous versait la région. C’est quelque chose d’assez inattendu. Après la première diminution, Chrystelle Laurent Rogowski (directrice du service de la culture et du patrimoine de la Région, ndlr) était venue, nous avions échangé et j’avais cru comprendre qu’il n’y avait pas de raisons de s’inquiéter. Je ne sais pas s’il y a des arrière-pensées politiques, mais si c’est le cas, c’est très grave. La dignité républicaine veut que l’on arrive à travailler ensemble pour le bien commun ». Depuis que le couperet est tombé, Benoit Lambert a sollicité la Région pour avoir des explications ou un rendez-vous, sans succès pour le moment.

« Nous aimerions davantage de transparence et c’est valable pour n’importe quelle subvention. »

Johann Cesa, conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes.

Un déficit annoncé

Le directeur explique que ces subventions servent avant tout à financer des tarifs d’entrée accessibles. Par ailleurs, l’argument du rééquilibrage territorial mis en avant par la Région ne tient pas selon lui. « C’est un argument fallacieux car la Comédie a toujours été nomade avec beaucoup de spectacles en itinérance, dans la Loire et la Haute-Loire. Opposer villes et campagnes, ça n’a pas de sens de nos jours. Les gens qui travaillent en ville habitent la campagne et inversement. Je trouve cela injuste, je ne comprends pas ». D’autant que pour les structures sur lesquelles la Région a statué, la décision arrive tard dans l’année, avec un exercice déjà bien entamé. Pour Benoît Lambert, cela va forcément se traduire par du déficit sur l’année 2023. «  On ne sait pas ce que l’on fait et qui ne plaît pas, comme nous n’avons pas d’explications. Sinon on pourrait le corriger. Cela ressemble à des sanctions arbitraires, on a ce sentiment ».

Nouvelles décisions fin juin

Aujourd’hui, le dialogue semble rompu avec certains acteurs du secteur. « La Ville aussi a baissé ses aides à la Comédie, mais il y a eu une annonce, une discussion, des échanges pour nous expliquer qu’il s’agissait d’une nécessité budgétaire, explique Benoît Lambert. C’est ce que l’on attend des partenaires publics, d’être dans le dialogue ». En attendant que les chiffres tombent sur les neuf structures manquantes dans la Loire, Johann Cesa a alerté la Région, dans un courrier, sur l’importance de son soutien aux acteurs culturels dans une période où l’inflation grimpe. Le sort des neuf structures restantes devrait être examiné lors d’une prochaine commission, avant l’Assemble plénière des 29 et 30 juin. « On aimerait juste comprendre d’ici là, lance le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes. Nous aimerions davantage de transparence et c’est valable pour n’importe quelle subvention, et des arguments qui aillent au-delà du choix assumé ». Contactés par la rédaction, les représentants de la Région n’ont pas donné suite. Via un communiqué de presse, elle assure renforcer son soutien à plus de 110 acteurs culturels du territoire.

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