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Vocations perturbées

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Durant la crise de la Covid, les jeunes soignants ont souvent été confrontés à des situations auxquelles ils n’étaient pas du tout préparés. Quelques semaines après l’orage, ils reviennent sur leur expérience… Et confient leurs ressentis sur leur avenir.

16 mars 2020. À 21 ans à peine, Léna, étudiante stéphanoise en troisième année d’école de soins infirmiers à Lyon, est attendue à 7h30 tapantes sur son lieu de stage, en service « pédiatrie-néonat’ ». Une étape capitale pour elle, qui doit ainsi valider son année et son diplôme et expérimenter du même coup un domaine dans lequel elle aimerait pouvoir orienter sa carrière.

© Picsels

En réserve sanitaire

Il n’en sera pourtant rien. Au dernier moment, Covid-19 oblige, son stage est annulé. Son école lui propose alors d’intégrer la réserve sanitaire pour valider son diplôme et, quelques jours plus tard, la jeune fille est appelée pour effectuer des gardes de nuit dans un EHPAD sur un poste d’aide-soignante durant 15 jours. « Honnêtement, j’étais paniquée, avoue-t-elle aujourd’hui. On a beau être formé, on ne peut pas être prêt pour une telle expérience alors qu’on est encore à l’école et que l’on a qu’un tout petit bagage. Mais j’ai respiré un bon coup et j’y suis allée. La notion de solidarité et toutes les raisons qui m’ont poussée à faire ce métier ont alors pris énormément de sens pour moi. Aider les autres, apporter quelque chose d’important à la société, contribuer à son fonctionnement… »

Des idéaux à terre

Et Léna se retrouve vite dans le jus. L’heure n’est pas vraiment aux grandes explications, et elle doit rapidement gérer seule des situations délicates. Rassurer des personnes âgées apeurées, apaiser des familles qui, au bout du fil, s’inquiètent à chaque fois un peu plus. En quelques jours seulement, Léna se confronte au pire… Et elle mûrit d’un coup : « C’est un peu comme si j’étais devenue adulte. En très peu de temps, tous mes idéaux sur les métiers du soin sont tombés par terre. Tu cours de partout, la nuit, les patients sonnent sans arrêt, ils ont besoin de parler mais tu ne peux pas leur accorder ce temps-là. Alors, parfois tu te demandes à quoi tu sers. Aujourd’hui, je sais que je suis là où je dois être, là où j’ai envie d’être. Mais les soignants ne peuvent pas y arriver seuls. Il leur faut de l’aide, il leur faut des moyens et il faut surtout qu’une situation comme celle que l’on a vécue ne se reproduise plus jamais. »

© Picsels

« Je me dis que je suis lâche, mais j’envisage parfois de laisser tomber »

Alex, jeune infirmier en gériatrie

Si Léna n’est pas complètement découragée, d’autres jeunes professionnels ont, depuis le mois de mars, remis beaucoup de choses en question. Alex, 25 ans, est infirmier en gériatrie depuis près de deux ans. Un secteur qu’il avait alors choisi en connaissance de cause, mais qu’il pourrait prochainement abandonner : « J’ai toujours su qu’en maison de retraite, on flirtait parfois avec la maltraitance sans le vouloir, par manque de temps, par manque de bras… Mais cette fois-ci, ça a dépassé ce que je suis prêt à accepter. Je ne peux plus rentrer chez moi le soir et me dire que j’ai fait tout ce que je pouvais, alors que tout ce que je pouvais, c’est de toute manière bien en deçà de ce qu’il faudrait pour le patient. Quelques fois je me dis que je suis lâche, mais je songe véritablement à laisser tomber et à m’installer en libéral. Parce que mon moral ne suit plus et que ça m’envahit complètement, même quand je ne suis plus au travail ».

Des retombées qui pourraient être dévastatrices

Alors, si beaucoup espèrent que la crise qu’ils viennent de traverser suscitera des vocations parmi les jeunes, nul ne peut dire pour le moment si la fierté d’être soignant l’emportera sur les difficiles conditions d’exercice de la profession. Mais pour les plus chevronnés, les retombées du contexte actuel pourraient être assez dévastatrices. « On voit passer beaucoup de jeunes qui ne restent pas, explique Mireille, aide-soignante dans la Loire. Certains finissent leur journée en pleurs, d’autres ne restent que quelques semaines, quelques mois, quelques années tout au plus. Et puis, ils passent à autre chose et on ne peut pas leur en vouloir. Au contraire, on doit les aider à travailler mieux ! »

« Être infirmier, c’est être en mission »

Léna, infirmière fraîchement diplômée

Fraîchement diplômée, Léna, elle, veut mettre à distance l’épisode Covid. L’an prochain, elle va prendre le temps de réfléchir. « Tout a été bouleversé. Plus que jamais, je sais maintenant qu’être infirmière, c’est être en mission.  Mais, comme je ne sais pas encore trop quelle mission je voudrais accomplir durablement, je vais essayer de travailler en intérim quelques temps. Pour continuer à expérimenter des choses, et trouver ma place. »

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