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jeudi 5 décembre 2024
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Yves Nicolin : « J’ai toujours voulu que mes mandats ne soient pas des mandats où l’on gère à la petite semaine » (partie 1/3)

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Maire de Roanne et président de Roannais Agglomération, Yves Nicolin a débuté son troisième mandat en tant qu’édile de la sous-préfecture ligérienne. Nous l’avons rencontré pour évoquer les grands projets de cette nouvelle mandature, pour parler d’immobilier, de communication, des élections présidentielles et de son parti Les Républicains, de l’opposition… Entretien en trois parties. Propos recueillis par Julie Tadduni et Nicolas Bros.

Yves Nicolin a été réélu maire de Roanne en 2020 © JT / IF Saint-Etienne

Qu’est-ce qui a changé pour vous et pour la ville entre votre dernier mandat et l’actuel ?

Je dirais, si on met entre parenthèse la crise sanitaire, pas grand-chose. C’est devenu plus compliqué financièrement, parce qu’on a eu un coup de poignard dans le dos qui nous a été offert généreusement par François Hollande et Manuel Valls, puisque nous avons eu des baisses de dotations qui ont été colossales. Pour la Ville de Roanne, c’est 3,5 millions d’euros de moins. Pour l’agglomération, c’est 3 millions. Soit l’équivalent de 200 employés municipaux. Nous avons donc dû faire des économies, nous séparer de personnels, réduire notre masse salariale, mais pas dans ces proportions. Il a fallu revoir de fond en comble notre politique en matière de dépenses de fonctionnement, puisque dans une collectivité comme la nôtre, que ce soit la ville ou l’agglomération, la grosse part des dépenses sont celles de fonctionnement. Au sein de celles-ci, la plus grosse part correspond aux dépenses de personnel. Nous en avons besoin ! Il nous faut du personnel dans les écoles, pour nettoyer la voirie, pour préparer les projets… On ne peut pas faire disparaître tout le monde, on ne ferait plus rien. Nous avons besoin de ces compétences, mais d’un autre côté, nous avons dû les gérer avec encore plus de rigueur que ce que nous faisions jusqu’à présent. Tout en trouvant des solutions en matière de dépenses de fonctionnement qui sont différentes, comme pour nos systèmes de chauffage, d’énergie, de dépenses courantes ou concernant les petits investissements. Tout est vraiment regardé à la loupe et c’est effectivement beaucoup plus compliqué.

À côté de cela, nous avons la chance d’avoir une ville qui est très peu endettée, parmi les moins endettées de France sur les villes de taille équivalente. La moyenne y est d’un endettement de 1 100 euros par habitant, à Roanne c’est autour de 200 euros par habitant. On va donc profiter de cet avantage pour pouvoir s’endetter sur ce mandat, pas de façon outrancière bien sûr, mais de façon à pouvoir payer les investissements dont nous avons besoin. Si on n’avait pas eu cette baisse de dotations, on aurait pu maintenir un niveau d’endettement « ras les pâquerettes ». J’ai toujours voulu que les mandats dont j’avais la charge ne soient pas des mandats où l’on gère à la petite semaine. Ce que je veux, c’est une ville qui se modernise. Roanne a été extrêmement dynamique dans les années 60-70, elle a perdu beaucoup de son activité, et là nous sommes en passe de retrouver le lustre que nous avions dans ces années. Mais ça ne s’est pas fait tout seul. Il a fallu beaucoup moderniser cette ville, la transformer, et ce n’est pas fini. Il faut continuer et cela nécessite des investissements qui sont lourds. Il faut reconnaître que nous n’aurions pas pu mener le précédent mandat ou programmer nos investissements sur ce mandat, sans avoir un soutien tel que nous l’avons au niveau du Département et de la Région. Laurent Wauquiez a mené une politique d’économies très forte sur les dépenses de fonctionnement pour justement les réinjecter dans les communes, les aider à financer les investissements structurants, sinon il aurait fallu trois ou quatre mandats pour faire ce que l’on va faire en deux. C’est bon aussi pour la croissance et l’économie locale.

Nous avons la chance d’avoir une ville qui est très peu endettée, parmi les moins endettées de France sur les villes de taille équivalente.

La crise sanitaire a quand même marqué ce début de mandat. Est-ce qu’elle vous a poussé à annuler ou à revoir certains projets ?

Oui bien sûr. Elle nous a tous obligés à modifier des comportements, ne serait-ce que sur le plan sanitaire. L’une des principales compétences des villes est d’accueillir les élèves des écoles maternelles et primaires. Les locaux sont désormais nettoyés et désinfectés beaucoup plus fréquemment, nous avons du personnel qui a donc dû se former à de nouvelles méthodes… Il a fallu revoir tous les protocoles. Par exemple, hier soir j’assistais à un match de basket. Tant que les joueurs touchent le ballon ça va, mais dès qu’il passe dans le public, on change de ballon parce qu’il doit être désinfecté. Tout a été, dans la vie du quotidien, modifié par cette crise sanitaire. Des choses vont rester d’ailleurs. Et ce serait peut-être souhaitable que certains comportements perdurent, ne serait-ce que de se laver plus souvent les mains. Vous savez, je suis de parents dentistes qui se lavaient les mains cent fois par jour et nous avons pris cette habitude quand on était gamins. On rentrait de l’école et on se lavait les mains, pareil en passant à table, ensuite en sortant de table… C’était pas forcément la préoccupation numéro un dans toutes les familles.

Ensuite, nous organisons les manifestations de masse différemment, comme la Fête de la musique ou les festivités de Noël. C’est plus compliqué, c’est le pass sanitaire, le masque… Un autre élément est également entré en ligne de compte, c’est tout ce qui touche à la préservation de l’environnement. C’est une évolution qui s’est marquée plus rapidement. Désormais tout ce que nous construisons est à énergie positive. L’un des grands projets qui auraient dû se concrétiser sur le mandat précédemment, l’îlot Foch-Sully, mais qui malheureusement pour des raisons non seulement liées à la crise sanitaire mais aussi aux relations que nous avions avec les investisseurs, a pris du retard. Et à la limite, je pourrais presque dire tant mieux puisque la crise sanitaire nous a permis de voir une évolution dans les besoins affichés par les gens, notamment en matière de logement. Les logements que nous avions prévus de faire sur Foch-Sully 1 seront différents de ceux qui seront construits sur Foch-Sully 2. De nos jours, les gens veulent bien revenir en ville à l’exclusive condition qu’il y ait une terrasse. Surtout quand on construit du neuf, il faut maintenant prendre en compte ce genre de choses. Nous avons donc décidé de revoir tout le programme immobilier. Nous avions aussi prévu un centre commercial à moitié enterré et fermé. Nous nous sommes rendus compte que ces centres ont été désertés pendant la crise. Les gens préfèrent les choses aérées. On a donc fait reconfigurer le projet. Le projet Foch-Sully sera le premier du département avec une forêt urbaine, en pleine ville, pour aller dans le sens de la décarbonation.

C’est un projet à 100 millions d’euros ?

C’est trop tôt pour le dire, mais effectivement c’est un projet qui coûtera entre 80 et 100 millions. Il y aura une résidence senior de 130 logements qui sera financée par le privé, des commerces sur environ 8 000 mètres carrés, un parking public de plus de 300 places, des parkings privés pour environ 200 places pour des logements, 120 logements, des équipements publics… La part de la collectivité est plafonnée depuis le début à 25 millions d’euros, pour justement financer le parking qui restera public, les espaces publics sur un modèle type rue piétonne, etc. Et le reste étant pris en charge par des investisseurs, de façon à pouvoir boucler l’opération.

J’ai beau être étiqueté libéral, je mène des actions beaucoup plus sociales que ceux qui se prétendent socialistes. Faut pas croire que le social n’existe que dans le mot socialiste.

Dans les autres projets marquants, on retrouve la végétalisation des abords de l’Hôtel-de-Ville et de la rue Jean-Jaurès. C’est une enveloppe de 10 millions d’euros ?

C’est cela. Cette place avait été refaite par mon prédécesseur, Jean Auroux, mais il y a 30 ans. Les choses, naturellement, vieillissent. Et ce qui a été conçu il y a 30 ans, on ne le conçoit plus de la même manière aujourd’hui. À partir du moment où l’on décide de moderniser la place de l’Hôtel-de-Ville, de moderniser la rue Jean-Jaurès parce qu’on souhaite qu’elle reste un axe pénétrant de la ville qui permet d’accéder aux commerces, au centre-ville, il faut repenser cela avec de nouveaux concepts qui n’existaient pas à l’époque. Aujourd’hui la place est essentiellement un parking. Demain, elle sera essentiellement végétalisée. Il y aura certes une capacité de stationnement mais qui sera réduite et que l’on compensera à d’autres endroits où l’on développera du stationnement.

Vous avez mis en place cet été une aide au déménagement de 1 000 euros qui vise en premier les Lyonnais. Où en est-elle aujourd’hui ?

On a versé nos premiers chèques. Alors, ce n’était pas une opération de masse bien sûr, c’était une belle opération de com’ qui visait à faire prendre conscience qu’on pouvait très bien travailler et vivre chez nous, tout en continuant à travailler pour une société lyonnaise, parisienne, marseillaise ou luxembourgeoise. On a des gens en télétravail tout le temps, d’autres un ou deux jours par semaine, mais le fait d’être en télétravail deux jours par semaine, cela peut constituer un confort par exemple pour des Lyonnais qui peuvent habiter ici et travailler à Lyon trois jours par semaine. Cela génère moins de stress. Si vous avez les moyens d’habiter dans le centre de Lyon et de tout faire en métro, ça va. Ceux qui habitent en dehors et doivent se coltiner Fourvière matin et soir, c’est pire que Paris ! L’idée c’était d’éveiller la curiosité des Lyonnais, qu’ils se disent « pourquoi pas ? ». Certains ont franchi le pas sans demander le chèque de 1 000 euros, et puis on en a trois qui en ont bénéficié. À côté de ça, on a aussi des gens qui sont venus habiter et travailler ici, qui n’étaient pas concernés par cette opération de communication, qui viennent de Paris ou d’ailleurs.

Est-ce qu’il y a aussi des Roannais qui étaient partis et qui reviennent ?

Oui, notamment beaucoup de jeunes. Après, ils reviennent aussi pour une raison simple : on trouve plus de travail à Roanne aujourd’hui que lorsqu’ils sont partis. J’ai fait mes études jusqu’au bac à Roanne. Nous étions 24 en terminale. On est tous parti étudier à l’extérieur. À l’époque, nous n’étions que quatre à être revenus. Les autres ont fait souche ailleurs. On ne revient pas uniquement pour le travail, mais on a de plus en plus de jeunes qui ont envie de revenir ou de rester ici parce qu’ils sentent que le territoire s’est redynamisé, qu’il y a une qualité de vie aussi, et donc on a des trentenaires qui se réinterrogent et qui reviennent. Il y a eu un déclic avec le Covid aussi dans le sens où pas mal de gens ont quitté leur job pour se mettre à leur compte. On peut le faire où l’on veut.

Clairement. Il y a un avant et après Covid. Avant, le prix était un peu comme à Saint-Étienne, aux alentours de 900, 1 000 euros le mètre carré. Aujourd’hui on est plus à 1 400 euros le mètre carré.

Cette arrivée contribue-t-elle à augmenter le prix de l’immobilier à Roanne ? Le prix médian en centre-ville aurait augmenté de 16 % selon la Chambre des notaires.

Clairement. Il y a un avant et après Covid. Avant, le prix était un peu comme à Saint-Étienne, aux alentours de 900, 1 000 euros le mètre carré. Aujourd’hui on est plus à 1 400 euros le mètre carré. Quand on a lancé le programme Bords de Loire, les immeubles haut-de-gamme affichaient des prix entre 3 000 et 3 500 euros le mètre carré. Beaucoup de gens me disaient que c’était bien trop cher. Aujourd’hui tous les programmes neufs oscillent entre 2 800 et 3 000 euros le mètre carré. Et ils trouvent preneurs. La ville touche une partie des droits de mutation. C’est une recette qui a doublé en un an. Donc les prix montent et en plus on a davantage de volume. Lorsque j’ai vendu ma première maison, j’ai moi-même mis deux ans à trouver un acheteur. Aujourd’hui, la même maison se vend dans les huit jours, au prix demandé. Pour ceux qui ont de petits revenus c’est compliqué, pour ceux qui vendent c’est mieux.

L’opposition a reproché à l’Agglomération de s’être désengagée du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Pourquoi ce choix ?

J’ai instauré un système dans lequel nous avons des conseils municipaux une fois par mois. Alors que la loi m’oblige à en faire trois par an. Et il en est de même pour l’Agglomération. Donc nous avons quand même 24 rencontres dans l’année, qui sont des tribunes pour l’opposition. Ils cherchent des sujets à chaque conseil, pour exister. C’est leur problème. Mais pour le coup, sur ce sujet, ils ont fait chou blanc. Ils ont pris ce prétexte pour essayer de montrer que nous n’avions pas de fibre sociale. J’ai un principe dans la vie, c’est qu’on ne change pas les règles du jeu en cours de match. C’était une expérimentation voulue par l’État, qui a été votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale. Ce projet prévoyait des territoires expérimentaux. Nous n’avions pas été retenus dans les premières listes de ces territoires. Nous avons attendu quatre ans pour que le dispositif puisse enfin être étendu. Quand j’entends la majorité nous faire des reproches, je me dis nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. En clair, quand on veut faire des reproches, il ne faut pas en avoir à se faire soi-même. Là-dessus, la majorité a failli puisqu’elle aurait dû accélérer le mouvement. Comme il s’est passé quatre ans entre la première liste de communes et la deuxième, l’État a décidé de changer les règles. Auparavant, il nous apportait un concours. Désormais, il nous dit qu’il nous donne le concours mais qu’il faudra que l’on recrute deux personnes à temps plein pour s’occuper de ça… Moi je suis désolé, mais quand on me supprime des dotations et que je dois supprimer des emplois, je n’ai pas les moyens d’en créer des nouveaux si on ne me donne pas l’argent pour le faire. Donc, ayant changé les règles du jeu, on a dit stop !

Après c’est facile de dire qu’on se désengage, qu’on n’est pas social. Non, si les règles de départ étaient restées inchangées, on y allait. Donc il n’y a pas de sujet. S’ils reviennent en arrière avec des règles du jeu qui nous permettent de faire cette opération, nous la ferons. À côté de cela, on mène des tas d’actions. Sur la plupart de nos marchés de travaux il y a des clauses d’insertion par exemple, ce que ne faisaient pas les majorités précédentes. Donc, j’ai beau être étiqueté libéral, je mène des actions beaucoup plus sociales que ceux qui se prétendent socialistes. Faut pas croire que le social n’existe que dans le mot socialiste.

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