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vendredi 29 mars 2024
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Coupes budgétaires (2/2) : comment Saint-Etienne se doit de digérer ?

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Si les allusions à l’affaire du chantage à la vidéo intime n’ont pas manqué, le 3e conseil municipal de Saint-Etienne depuis les parutions de Mediapart est le premier où elle n’a pas occupé une place centrale dans les échanges. Et pour cause : avec des détails, certes non exhaustifs, sur les coupes budgétaires données dans le cadre du Débat d’orientation budgétaire 2023 lundi, il y avait de quoi ferrailler dur, sans même parler du reste. Les décisions prises pour faire face au tsunami inflationniste sont inadaptées, injustes et précipitées estime – évidemment – l’opposition. C’est tout le contraire, rétorque – bien sûr – la majorité… Deuxième volet : le débat.

« Mensonges », « inconsistance » et « incompétence » : majorité et opposition ont en commun le champ lexical de leurs reproches respectifs. ©If Média/Xavier Alix

Physiquement, il se ressent. Comptablement, il est transparent. Le plan de sobriété étalonné cet automne par la Ville de Saint-Etienne a beau avoir fait reculer de 30 % sa consommation énergétique globale, l’économie financière induite a été « balayée » par la tempête inflationniste, a soufflé lundi en conseil municipal le maire Gaël Perdriau. Il faudra mettre 12 M€ de plus en 2023 et 2024, rien que sur l’électricité par rapport à 2022. Quant au gaz, le contrat actuel tient, lui, jusqu’au 31 décembre 2023. Mais une foule d’autres surcoûts sont dans les tuyaux faisant grimper la note supplémentaire à environ 20 M€ sur ce seul exercice ! Qui dit explosion des coûts de fonctionnement, dit quête de solutions. Ces coupes budgétaires qui filtraient depuis fin décembre, sorties dans nos colonnes début janvier, nous les avons rappelées, détaillées hier avec les précisions, certes encore incomplètes à ce stade – tout ne semble pas encore arbitré mais il faut s’attendre à d’autres douloureuses décisions en fonction d’une situation internationale instable comme jamais – fournis par la majorité.

A l’issue de la présentation par Nora Berroukeche, adjointe aux finances du Dob, Débat d’orientation budgétaire 2023, qui pose les bases et les premières discussions du budget 2023, l’opposition a exprimé son refus de l’ensemble des mesures déjà actées et à venir qui semblent la révolter. Élu du groupe Le Temps de l’Ecologie, Jean Duverger a ouvert le feu en premier : « Le rapport du Dob est très représentatif de votre acharnement à persévérer dans le déni. Le déni de l’urgence à devoir agir. Agir pour rechercher et mettre en œuvre des projets qui n’insultent pas l’avenir. Vous nous aviez conviés à participer au « budget vert ». Mais ce qui devait donner une cohérence à votre action ne transparaît pas dans le rapport qui nous est présenté. Espérons qu’il n’en sera pas de même pour le budget lui-même. Avant de poursuivre la réalisation d’investissements décidés dans un tout autre contexte, il faut se poser la question de leur pertinence. La réflexion sur l’élaboration d’un « budget vert » vous aurait aidés. »

De l’attractivité « autrement »

Pour l’élu écologiste, « persister dans les investissements » – aucun renoncement n’a en effet encore été annoncé, du moins pour… 2023 –, comme « un dogme intangible » pour « selon vous, conforter l’activité économique » est irresponsable. De même que de laisser le taux de fiscalité communal inchangé : en prévoyant plus du double du recours à l’emprunt envisagé il y a un an, « vous condamnez la ville à mettre à mal un autre de vos engagements, celui de contenir son taux d’endettement. » Comme le fera juste après lui, Pierrick Courbon, élu du groupe Saint-Etienne Demain, il appuyait sur le fait que les impôts de Métropole ont, eux, bien augmenté. Et qu’habiter à Saint-Etienne, c’est habiter à Métropole, considérant ainsi l’engagement sur la fiscalité non tenu. « D’autres villes ont pris d’autres options qui les mettent en meilleure position pour affronter ce que nous évoquions déjà dans nos interventions sur les orientations budgétaires de 2021 et de 2022. »

D’autres villes ont pris d’autres options qui les mettent en meilleure position pour affronter ce que nous évoquions déjà dans nos interventions sur les orientations budgétaires de 2021 et de 2022.

Jean Duverger, élu d’opposition Saint-Etienne Demain

Au lieu de ça, « en pilotant à vue, vous saisissez ce qui paraît être des opportunités, mais sans vision partagée, il n’y a pas de véritables opportunités ». Aussi pour Le Temps de l’écologie, les investissements à privilégier sont « ceux qui réduisent le recours aux énergies fossiles. Ceux qui permettent de diminuer nos émissions de CO2, de végétaliser la ville pour en diminuer l’artificialisation des sols. Ce sont des investissements qui font la part belle aux déplacements doux, comme le vélo et la marche à pied, combinés à un réseau de transport en commun rendu plus fluide par la diminution drastique de la voiture en ville. C’est ce qui permettra d’apaiser notre ville, de la rendre plus attractive. Attractive autrement qu’en privilégiant le seul développement économique sans prise en compte de notre environnement. »

Manichéisme, Thatchérisme et libre cours

La crise sanitaire, la guerre en Europe, l’inflation mettent en évidence aux yeux de Jean Duverger « notre trop grande vulnérabilité. Votre incapacité à prendre en compte l’impact des changements pourtant prévisibles nous place dans une situation difficile. Il était possible de prévoir ces difficultés, votre entêtement à rester camper sur de vieux schémas condamne la ville à réussir l’impossible ». Pierrick Courbon enchaînait en dénonçant l’étouffement du débat démocratique et constructif que devrait être plus que jamais ce Dob 2023 au regard de sa gravité. Mais pour l’opposant PS, « les décisions sont déjà prises » et « prises seuls » face à des difficultés économiques réelles qui ne sont certes pas du fait de la municipalité mais dont « vous ne pouvez pas dire non plus que l’on ne les avait pas vu venir. Depuis plusieurs mois, on sait que 2023 sera dur. (…) Face à nos interrogations, vous avez répondu que tout était sous contrôle, qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Voilà maintenant une série de mauvaises nouvelles qui tombent brusquement depuis décembre et ce n’est pas fini… (…) Au pire, c’est de l’incompétence, au mieux, une impréparation criante. Vous aviez-vous sans doute mieux à faire cet automne… »   

Au pire, c’est de l’incompétence, au mieux, une impréparation criante. Vous aviez-vous sans doute mieux à faire cet automne…

Pierrick Courbon, élu d’opposition de Saint-Etienne Demain

Estimant les chiffres autour de l’explosion des coûts présentés par la majorité opaques et contradictoires dans un contexte politique il faut dire néfaste – « et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » –, Pierrick Courbon voit dans ses décisions une occasion pour le maire de « se lâcher », de laisser libre cours « à ses arrière-pensées néolibérales. Dans des discours manichéens, pour ne pas dire thatchériens, vous dites « c’est ça ou les impôts », c’est capituler en rase campagne ». Doublé d’une soupe de mensonges en raison, par exemple, de « l’augmentation des impôts via la Métropole ». Supprimer les serres municipales ? Une opération de privatisation inutile, analyse-t-il : « Le coût du service a été présenté une fois à 400 000 puis à 600 000 € annuels. Invérifiable. Ce serait 50 000 nets avec le nouveau fonctionnement. Irréaliste et mensonger. A titre de comparaison, des villes de 7 000 habitants en dépensent plus de 30 000 ! Ce n’est pas réaliste ou alors on baisse drastiquement la qualité du fleurissement. »

« Où la foudre va tomber exactement ? »

Faisant le rapport avec marché accordé au privé dans le domaine des espaces verts, objet d’une délibération dans ce même conseil (« rien à voir, ce marché existait déjà avant nous », rétorquera plus tard la majorité), Saint-Etienne Demain se demande si cela n’est pas le premier étage d’une privatisation totale du service des espaces verts. « La principale économie, elle est sur le dos du personnel, mettant en œuvre cette fameuse élasticité que vous regrettez de ne pas voir dans la fonction publique territoriale. Que ferez-vous du terrain des serres ? Ne serait-ce pas l’occasion d’en faire un usage nourricier, d’agriculture urbaine ? Surprenant que le lien n’ait pas été fait ! » Quant à la baisse des subventions aux associations, « des adjoints ont dit être arrivés à épargner les associations de leur délégation. Alors, à un moment il fera nous dire où la foudre va tomber exactement. Sur quels critères ? Pourquoi, si je caricature, avoir sauver les associations durant le Covid pour leur faire la peau ensuite ? Quels autres efforts réclamerez-vous aux associations ? C’est bien un choix politique. D’autres collectivités du département, d’autres communes ont fait d’autres choix. Certaines communes les augmentent ! »

Sur l’école de voile, Pierrick Courbon ne voit pas en quoi l’argument de la crise énergétique touche un bâtiment privé de chauffage. Or, « on réduit un service à la population témoignant 8 000 à 8 500 journées enfants organisés ». Évoquée lundi par le maire qui dit avoir fait le choix de supprimer l’école de voile au regard d’une offre, au contraire, qu’il juge trop peu utilisée par les écoles, l’idée d’une prise de relais associative par l’UCPA aux côtés du CNSE n’est pas crédible pour Pierrick Courbon. Alors, insiste-t-il, « dans cette série de mauvaises nouvelles quels autres services vont fermer ? La piscine de Villebœuf dès 2023 comme cela est régulièrement évoqué ? » Pour ce qui est des investissements, « dans un contexte de défiance de nos partenaires (Département, Région, Etat, allusion aux conséquences de l’affaire du chantage, NDLR), « aucune remise en cause de projets contestés et contestables avec l’étalement de coups partis ou qui n’en finissent plus de partir. Où en est la révision du plan pluriannuel d’investissement (PPI), voire du plan de mandat ? » Pierrick Courbon concluait son intervention en qualifiant le maire de « fossoyeur des services publics ».

« Que feriez-vous, vous ? »

« La haine, c’est la colère des faibles », a asséné pour réplique le maire Gaël Perdriau considérant que les déclarations de l’opposition ne visent pas le débat mais de poursuivre l’acharnement personnel dont il ferait l’objet. Aussi, sa réponse fut une question : « Que feriez-vous, M. Courbon ? Quels seraient votre réponse politique, vos choix pour équilibrer les colonnes dépenses/recettes ? » L’interrogé : « Je vais simplement vous prendre à votre propre jeu et vous dire de répondre, vous, à l’appel d’un certain nombre d’élus et de Stéphanois et de démissionner.»  « Votre inconsistance montre votre incompétence, lançait alors, entre autres, Gaël Perdriau à son égard. Heureusement que les Stéphanois ne vous ont pas confié les clés de la Ville. Vous les prenez pour des imbéciles. » Reprocher à la Ville les investissements de la Métropole sur la patinoire, le Mamc+, c’est aux yeux du maire de l’incompétence et/ou du mensonge, de la mauvaise foi : une confusion entre les dépenses de fonctionnement d’une municipalité avec les investissements d’une intercommunalité.

Heureusement que les Stéphanois ne vous ont pas confié les clés de la Ville. Vous les prenez pour des imbéciles. 

Gaël Perdriau

Bref, des arguments fallacieux, estime le maire, pour « cacher l’inexistence de propositions », « tromper les gens ». Enfin, « il suffit de lire le procès-verbal du conseil municipal 27 juin pour démentir un manque de préoccupation vis-à-vis de la situation. Nous y travaillons depuis des mois ». Sur les subventions, « comparez ce qui est comparable : j’ai beaucoup de respects pour les communes voisines mais elles ne portent pas notre rôle de centralité ». Des propositions, l’écologiste Olivier Longeon levait la main, lui, pour dire qu’il en avait. Trois mêmes : « 1, augmenter les impôts comme à Grenoble. Si cette situation perdure vous le ferez de toute façon, comme tout le monde. 2, renoncer à des investissements, oui de Sem, comme la patinoire et utiliser l’argent pour aider toutes les communes à s’équiper pour baisser encore plus la facture énergétique avec un vaste plan d’isolation. 3, bâtir un plan de soutien intercommunal et mutualisé aux associations. »    

Clarté de position « appréciée », dit-il Gaël Perdriau sur les impôts, disant que des mesures significatives conformes à la n°2 sont largement, lancés, en cours et à lancer à la Métropole. La n°3 serait, selon lui, hors compétences…

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