Saint-Étienne
vendredi 19 avril 2024
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Le maintien de Gaël Perdriau menace-t-il les financements de la Région et au-delà ?

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Alors que le Contrat plan Etat/Région se discute avec les Départements et doit ensuite l’être avec Saint-Etienne Métropole, les dernières révélations de Mediapart risquent de menacer l’obtention des financements du conseil régional ou du Département – et au-delà de l’Etat – aux projets stéphanois, assurent plusieurs voix politiques. Cela, sans même parler des investisseurs privés. Mais est-ce aux Stéphanois de payer les pots cassés ? Nous avons posé la question à des élus locaux.

Faut-il s’attendre à un cadenassage des subventions accordées par l’Etat et la Région à Saint-Etienne ? Image d’illustration par Christoph Meinersmann de Pixabay.

« Selon des discussions avec des membres du cabinet, certes qui ne sont pas de se garde rapprochée, Laurent Wauquiez est bien sûr dans une colère noire et oui, forcément cela risque d’impacter l’accords de financements à Saint-Etienne et Saint-Etienne Métropole », assure ce conseiller régional de la Loire. Faisant référence à l’ouvrage consacré par l’ex-conseiller régional isérois LR (passé à En Marche en 2018), Philippe Langenieux-Villard sur Laurent Wauquiez, Le dangereux, cet élu est loin, très loin, d’être le premier à souhaiter rester anonyme depuis les premières révélations de Mediapart sur Gaël Perdriau. Il ajoute : « Ce ne serait pas la première fois que nous aurions à subir des pertes de financement liés à ce qui n’était alors que des « clashs » entre Perdriau et Wauquiez, mais déjà des règlements de compte… »

Cependant, depuis le début de l’affaire fin août, plus d’une voix venant d’opposants ou de son bord politique, qu’il s’agisse de la municipalité ou de la métropole, soulignent qu’en refusant de démissionner ou, a minima, de se mettre en retrait total de ses fonctions (sur le représentatif mais aussi le décisionnel) le temps que l’enquête arrive à sa conclusion, Gaël Perdriau menace les financements d’Etat, de la Région ou du Département, « perte de confiance » oblige… Il suffit de suivre quelques semaines durant l’actualité de collectivités comme la Ville et Métropole pour se rendre compte de l’omniprésence des financements croisés dans les projets (exemple type : l’Arena), voire parfois le fonctionnement de structures qui leur sont rattachées. Exemple parmi d’autres, mais pas des moindres, « l’importantissime » Contrat plan Etat Région (CPER) qui lie les deux cités aux Départements et intercommunalités sur la réalisation d’équipements majeurs dits « structurants ».

« Est-il encore crédible pour défendre les intérêts de notre ville ? »

Sa dernière mouture 2021/2027, était d’ailleurs bloquée jusqu’à la fin de l’été – rien à voir, a priori, avec Gaël Perdriau et sa métropole – alors qu’il se chiffre en milliards. Saint-Etienne Métropole ambitionnerait pour son territoire une somme d’environ 160 M€ (+ encore 60 M€ transitant par le Département) comme évoquée par l’intercommunalité à If elle-même cet été. Retardé par des embrouilles entre préfecture de région et région d’un côté et la Métropole de Lyon de l’autre, le CPER était censé enfin avancer cet automne, d’abord avec les Départements avant de faire entrer les intercommunalités dans la danse. Pas vraiment au meilleur moment pour les Stéphanois cloués à terre par le contexte…

Lors du conseil municipal de Saint-Etienne du 26 septembre. © If Media/Xavier Alix

Faisant un rapport direct avec, disent-ils, « les propos abjects visant le Président de Région » publiés par Mediapart mercredi, sept des neuf* conseillers adjoints de la majorité Perdriau qui avaient déjà davantage sourcillé que les autres vis-à-vis de la situation du maire en septembre (beaucoup trop « timidement » pour l’opposition), si on met de côté les élus UDI bien sûr à 100 % derrière Gilles Artigues, ont publié hier soir un communiqué commun marquant sans doute une rupture définitive. « Nous faisons appel au sens des responsabilités de Gaël Perdriau. Après toutes les révélations le concernant plus consternantes les unes que les autres est-il encore crédible pour défendre les intérêts de notre ville ? », questionnent les sept.

Le « sens des responsabilités »

Par « sens des responsabilités », vérification faite auprès d’eux, il faut bien entendre démission, ou a minima retrait total jusqu’aux conclusions de l’enquête. Dans leur argumentaire : « Saint-Etienne a besoin de tous ses partenaires que ce soit l’Etat, la Région ou le Département pour réaliser tous les projets pour lesquels les Stéphanois nous ont fait confiance en 2020. » Parmi ces signataires, l’adjointe à la sécurité Nicole Peycelon. L’élue a, parallèlement mais, là, en tant que conseillère régionale, signé le communiqué de 25 élus de la Loire privant Gaël Perdriau, non pas du soutien, mais de la neutralité relative ou au moins de la discrétion vis-à-vis de l’affaire de personnalités majeures du territoire. If l’a contactée pour savoir si en tant que membre de la majorité Wauquiez aussi, elle pensait que Saint-Etienne et la Métropole pourraient perdre des financements en raison de la dernière publication de Mediapart.

Gaël Perdriau est toujours à la tête des négociations. Or, la confiance avec la président de Région est rompue, sa crédibilité totalement évanouie. 

Nicole Peycelon, adjointe municipale stéphanoise et conseillère régionale de la majorité Wauquiez

« Il n’y a, à l’heure où je vous parle, aucun élément permettant de dire que tel ou tel financement risque d’être perdu pour notre territoire », précise-t-elle. Quant à l’application des compétences directes de la Région – la gestion des lycées par exemple –, « vous pouvez être assurés qu’à ce niveau comme pour les partenariats sur les budgets de fonctionnement des grands établissements (le cas particulier de la Cité du design mis à part, Ndlr), on poursuivra nos actions comme prévu, c’est évident. Le problème potentiel est plus sur l’aide aux grands projets des deux collectivités. » Le CPER notamment ? « Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que Gaël Perdriau est toujours à la tête des négociations : c’est lui qui est encore censé parler pour la Ville, la Métropole. Or, la confiance avec la président de Région est rompue, sa crédibilité totalement évanouie. »

« Un frein considérable aux discussions »

Mais est-ce à 400 000 Stéphanois et Métropolitains de payer les pots cassés de cette « obstination » ? « Non, bien sûr et nous le disons d’ailleurs à Laurent Wauquiez. Et je vois plus les conséquences comme un frein considérable aux discussions, aux échanges sur des sujets de long terme, de 5 à 10 ans, qui nécessitent une longue préparation, qu’une suppression pure et dure. C’est là ma crainte », tempère Nicole Peycelon. Avant d’ajouter : « Il y a aussi la crainte des milieux économiques qui ont peur de voir l’investissement public bloqué, mais aussi les investisseurs privés esquiver un à un le territoire comme on me l’a fait personnellement remonter…  » Contacté lui aussi par If à ce sujet, Olivier Longeon élu écologiste d’opposition à la fois à la Région et à la Ville de Saint-Etienne (donc aussi à la Métropole) estime « qu’il faut très rapidement sortir de cette situation malsaine créée par Gaël Perdriau ». 

Cette situation peut effectivement amener Laurent Wauquiez à des « sanctions » contre la Métropole et Saint-Etienne.

Olivier Longeon élu EELV d’opposition à la Région et à la Ville de Saint-Etienne

Il précise : « Je n’ai jamais entendu une rumeur correspondant aux propos qu’il a tenus sur Laurent Wauquiez, mais ils restent infamants et ignobles, même tenus en privé dans le bureau du maire ». Si Olivier Longeon tient à faire part de « sa solidarité » inconditionnelle à la personne victime de ces mots, comme il l’avait fait avec Gilles Artigues, « cette situation peut effectivement amener Laurent Wauquiez à des « sanctions » contre la Métropole et Saint-Etienne. Il faut faire la distinction à tous niveaux entre le comportement et les agissements personnels d’un homme et les intérêts publics de tous les habitants de Saint-Etienne et de la Métropole ». Comme une puce à l’oreille, Olivier Longeon évoque une conférence de presse de la Région, lundi, annonçant 10 M€ – hors champ de compétences – pour sécuriser des abords des écoles. Deux exemples d’écoles aux abords dangereux ont été cités dont Jules-Ferry, à Saint-Etienne…

Les Stéphanois, victimes collatérales ?

Ce qui fait immédiatement penser aux « fameux quartiers perdus de la République à Saint-Etienne », prononcés à l’automne 2017 par Laurent Wauquiez, argument avancé lundi parmi d’autres de la défense anticipée de Gaël Perdriau sur ses propos qu’il assure avoir dit « sans fondements, sous le coup de la colère » vis-à-vis du président de la Région, se sentant à l’époque, lui et ses collectivités, assure-t-il, la proie de ses « représailles ». Évoquant les risques de suppression de financement pour Saint-Etienne au dernier conseil municipal, l’élu d’opposition Pierrick Courbon rappelle que « Laurent Wauquiez n’est pas un gentil. Et il est tout à fait capable de refuser de l’argent à des collectivités parce qu’il les considère comme dirigées par des voyous. Il n’y a pas que la Région, il y a aussi l’Etat. Forcément, toutes les demandes qui viennent de Saint-Etienne sont affaiblies ».

Il n’y a pas que la Région, il y a aussi l’Etat. Forcément, toutes les demandes qui viennent de Saint-Etienne sont affaiblies.

Pierrick Courbon, élu PS d’opposition à la Ville de Saint-Etienne

Mais est-ce normal vis-à-vis des seuls habitants ? « Théoriquement, non bien sûr. Ils n’ont pas à être les victimes de dommages collatéraux. Cependant, pour nuancer, on peut aussi comprendre que des financeurs soient méfiants par rapport à un mode de gestion qui a perdu sa crédibilité : les projets présentés sont-ils le fruit d’un réel travail partagé, d’une préparation soignée ou d’une exigence autoritaire du maire ? » Qu’en pense, de son côté, le président du Département Georges Ziegler, lui aussi signataire de l’appel des 25 que des représentants de la gauche locale interprètent d’ailleurs, du moins certains LR jusque-là « neutres », comme une « commande politique » revenant à un « maintenant, vous êtes avec moi ou contre moi » ?

« Hors de question de sacrifier l’intérêt commun »

Répondant à notre sollicitation, Georges Ziegler se veut rassurant sur les financements du Département à la municipalité comme à la Métropole : « J’étais d’accord avec « les neuf » pour dire que la pertinence du projet de la majorité stéphanoise restait valable et je le suis encore. Distinguons l’homme, les deux collectivités et leurs habitants. Nos rapports seront forcément extrêmement difficiles mais il est hors de question de sacrifier l’intérêt commun. Notre apport à Saint-Etienne Métropole, dans le cadre du nouveau CPER, restera en légère augmentation, comme prévu : c’est-à-dire 30 M€ (contre 60 espérés, Ndlr) contre 27,5 auparavant. » Quant aux décisions de la Région : « Je n’ai pas à commenter. Chacun est maître chez soi. »

Nos rapports seront forcément extrêmement difficiles mais il est hors de question de sacrifier l’intérêt commun.

Georges Ziegler, président du Département de la Loire

Et maître de ses paroles aussi. Nous avons essayé de poser ces questions à Gaël Perdriau qui n’a pas donné suite, tout comme le service presse de Laurent Wauquiez à la Région. Contacté aussi, Hervé Reynaud, la maire de Saint-Chamond qui, depuis le « retrait » relatif de Gaël Perdriau à la Métropole négocie le CPER de Saint-Etienne Métropole dont il est 1er vice-président.

*Nicole Peycelon, Claude Liogier, Paul Corrieras, Jacques Phrommala, Alain Schneider, Jacques Guarinos, Jean Jamet mais cette fois-ci ni Patrick Michaud, ni Véronique Falzone.

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