Majorité municipale de Saint-Etienne : « les neuf » ne feront pas cavalier seul
C’était il y a plus d’un mois : le 16 septembre, neuf élus de la majorité stéphanoise signaient un communiqué allant – un peu – plus loin que celui commun à 42 conseillers et adjoints publié quatre jours plus tôt. Si ce dernier condamnait « avec la plus grande fermeté les propos ignobles tenus dans les derniers enregistrements diffusés » par Mediapart, les « neuf », eux, jugeaient « indispensable » le départ de Pierre Gauttieri tout en regrettant le non retrait de Gaël Perdriau… Aujourd’hui, bien que « partiellement » satisfaits, ils se disent d’abord concentrés sur leur travail « dans l’intérêt des Stéphanois ».
Ont-ils été tentés de former un groupe indépendant, le sont-ils encore ? « Cette initiative n’est pas d’actualité. Aujourd’hui, nous n’en avons pas l’intention », répond à If Jacques Guarinos… Le conseiller municipal stéphanois délégué à l’évaluation des politiques publiques est l’un des « neuf ». Le 16 septembre, lui et quatre adjoints – Patrick Michaud, Nicole Peycelon, Claude Liogier, Paul Corrieras – ainsi que quatre autres conseillers – Jacques Phrommala, Alain Schneider, Véronique Falzone et Jean Jamet – se distinguaient en prenant un ton plus ferme que le communiqué commun à 42 élus* de la majorité publié quatre jours plus tôt. Dans ce dernier, ils disaient « condamner » « avec la plus grande fermeté les propos ignobles tenus dans les derniers enregistrements diffusés (ceux accablants de Gilles Artigues datant de 2016 et 2017 et diffusés le jour même par Mediapart, Ndlr), et sur lesquels la justice devra se prononcer. »
Rien de plus. Et sûrement pas de quoi atténuer les reproches de l’adjoint UDI Lionel Boucher, proche de Gilles Artigues et, à ce titre 100 % derrière lui, et sa plainte. Il avait d’ailleurs dénoncé le 2 septembre le « silence complice de collègues de la majorité ». Les neuf, eux, avaient pris un ton un peu plus ferme dans leur communiqué du 16 septembre : « Nous prenons acte de la déclaration de Monsieur le Maire de ne pas se mettre en retrait de ses fonctions, ce que nous regrettons mais la décision lui appartient. Pour nous en effet, sa mise en retrait aurait permis un retour à la sérénité dans la gestion des affaires de la ville, sans pour autant remettre en question la présomption d’innocence dont il doit bénéficier comme tout citoyen. Par ailleurs, nous considérons comme indispensable le départ de son directeur de cabinet ».
Gaël Perdriau sera au conseil municipal du 28 novembre
Depuis, Pierre Gauttieri fait l’objet d’une procédure de licenciement – selon certaines sources, son départ ne sera cependant pas effectif avant fin décembre, même s’il ne travaillerait plus derrière les murs de la mairie – mais pour un motif de « perte de confiance » et non « faute grave ». Ce qui lui donne droit à des indemnités de départ s’élevant à près de 100 000 €, les deux collectivités cumulées selon, entre autres, les propos du maire Éric Berlivet entendus à Saint-Etienne Métropole le 29 septembre et confirmés à If par d’autres sources. (Mise à jour de notre article à 21 h 30, Ndlr) Une somme cependant contestée et qualifiée de fantaisiste par la Ville, Gaël Perdriau ayant évoqué selon Le Progrès 13 000 euros devant le bureau de Métropole le 6 octobre2. Mais sans qu’il ne soit précisé s’il s’agissait bien du cumul Ville et Métropole. Quant au « retrait » de Gaël Perdriau, annoncé de manière ambigüe le 22 septembre au niveau de l’agglomération, il est devenu valable aussi, dans la foulée, pour la mairie.
Non sur la gestion des affaires mais sur ses apparitions publiques : conférences de presse, cérémonies officielles, représentation extérieure et assemblée communautaire mais pas… municipale. Car le maire présidera bien, à nouveau, le prochain conseil municipal stéphanois qui aura lieu le lundi 28 novembre, nous confirme ce vendredi son service presse. Cependant, au niveau de la mairie, « s’il a certes présidé le conseil municipal du 26 septembre, depuis on ne le voit effectivement plus dans les conférences de presse et les cérémonies », remarque auprès d’If, cette semaine Nicole Peycelon, elle, qui s’était montrée la plus véhémente au sein de la majorité fin août, hormis bien sûr de Lionel Boucher et Denis Chambe, en se déclarant dans les colonnes du Progrès, « scandalisée, outrée, consternée », à la suite des révélations de Mediapart. « Cela a contribué à apaiser l’atmosphère mais oui, je suis toujours remontée vis-à-vis de la situation et oui, nous n’avons été que partiellement satisfaits sur le retrait et le motif de licenciement de Pierre Gauttieri qui est beaucoup trop léger, c’est vrai, nous l’avons dit au maire. Cependant, moi et les huit autres signataires, restons sur notre position : la gestion publique de Saint-Etienne ne doit pas être bloquée, dans l’intérêt commun. N’ajoutons pas du trouble au trouble. »
« Nous avons exprimé notre opinion »
Co-signataire, Jacques Guarinos nous confirme la ligne : « Nous avons signé le communiqué commun parce que nous avons les mêmes idées au sujet de l’affaire révélée par Mediapart et des mesures que, selon nous, le maire devait prendre à la suite de ces révélations. Nous avons ressenti le besoin d’exprimer notre opinion et nous l’avons fait. Aujourd’hui, nous constatons que le directeur de cabinet a été remercié et que le maire a opéré un retrait, certes partiel. L’initiative était exclusivement liée à l’affaire et aux décisions qui, selon nous, devaient être prises à la suite des révélations. » Il ajoute : « Les raisons qui nous ont amenés, nous les neuf signataires du communiqué, à adhérer au projet de la majorité municipale sont toujours valables : nous partageons la vision et l’ambition de notre majorité pour Saint-Etienne et ses habitants, nous croyons à ce projet, nous le défendons et nous travaillons, comme nos autres collègues de la majorité, à sa mise en œuvre. »
Les raisons qui nous ont amenés, nous les neuf signataires du communiqué, à adhérer au projet de la majorité municipale sont toujours valables.
Jacques Guarinos, conseiller municipal co-signataire du communiqué des neuf
Pas de sécession au programme des neuf donc, malgré la satisfaction seulement partielle de leurs exigences. Pourtant, selon nos informations, celle-ci aurait bien été mise sur la table, au moins au départ, par l’un de signataires, Claude Liogier avant d’être rapidement isolé sur cette idée. Ce que l’actuel adjoint en charge de la circulation et de la mobilité, contacté ne nous confirme pas, n’ayant donné suite à notre demande d’entretien, que par une réponse via un courriel laconique : « J’ai eu un échange avec mes collègues et je suis sur la même ligne qu’eux concernant l’affaire et la position à tenir. » L’ancien adjoint à la sécurité du premier mandat de Gaël Perdriau, vice-président des LR de la Loire, avait envoyé un communiqué, solo, le 5 septembre pour exprimer « publiquement ma surprise et mon dégout devant des pratiques de barbouzes que je n’imaginais pas possible dans notre ville. (…) Je souhaite que toute la lumière soit faite rapidement sur ces faits et que les protagonistes soient sévèrement sanctionnés. »
Les « neuf » et les élus UDI veulent rester au travail
Selon les propos accordés à If fin août sous anonymat par un ex-élu de la majorité du premier mandat de Gaël Perdriau, Claude Liogier, plus d’une fois mis en difficulté par les positions du maire vis-à-vis des LR et ses fonctions de vice-président départemental du parti, aurait été « relégué » entre le 1er et le 2e mandat pour ne pas s’être toujours fidèlement rangé derrière sa ligne. Ce qui expliquerait, assure cet ex-élu, une fonction moindre après la deuxième élection… Le 29 septembre, lors de la séance conseil de Saint-Etienne Métropole, on l’a longuement vu s’entretenir au fond de la salle avec les UDI Denis Chambe et Lionel Boucher. « Effectivement. Vous savez, moi je continue à discuter avec tout le monde et ce n’est pas un problème, commente Lionel Boucher, sollicité par If. J’ignore tout, en revanche, d’éventuelles velléités sur la constitution de leur part d’un groupe indépendant. L’essentiel est de toute façon ailleurs. »
Croire ou dire encore que c’est « parole contre parole », qu’il y a un doute possible, c’est hallucinant.
Lionel Boucher, adjoint municipal UDI de Saint-Etienne
Lionel Boucher se veut moins sévère vis-à-vis des « neuf » que le conseil stéphanois d’opposition EELV Olivier Longeon qui déclarait le 29 septembre à Saint-Etienne Métropole : « Le groupe des écologistes ne salue plus la démarche de quelques membres de la majorité municipale stéphanoise car leur exigence, pour nous, s’est évaporée et trop facilement, ils se sont effacés. » L’élu UDI préfère, lui, concentrer le tir sur les autres membres de la majorité qu’il appelle encore à « se réveiller » : « Un élu a démissionné, un directeur a été viré et un mis en cause qui a, entre autres, dit « sur les réseaux, ce n’est plus un chantage, c’est une exécution », est toujours là… Croire ou dire encore que c’est parole contre parole, qu’il y a un doute possible, c’est hallucinant. » Pour autant, l’adjoint aux événements ne souhaite pas en venir à la démission des membres du conseil dont il fait partie pour mettre en minorité Gaël Perdriau. Lui aussi argue que le travail sur les politiques publiques doit se poursuivre.
Une éventuelle mise en examen changera-t-elle la donne ?
On l’a d’ailleurs vu, entre autres, à la présentation à la presse du Tournoi international de tennis féminin de Saint-Etienne 2022. « Je crois toujours au projet en soi, celui que nous avons présenté devant les urnes, explique-t-il. Ce serait injuste pour les adjoints et conseillers de partir, ce n’est pas à eux de démissionner parce qu’un Néron veut tout brûler avec lui. C’est dans la nature humaine, quand tout est perdu de faire ça… Peut-être que si tombent des mises en examen, l’ensemble de la majorité se réveillera enfin. »
Ce serait injuste pour les adjoints et conseillers de partir. Ce n’est pas à eux de démissionner parce qu’un Néron veut tout brûler avec lui.
Lionel Boucher
Et que feraient les neuf en cas d’une mise en examen par la Justice du maire ? « Il devrait alors prendre une autre décision. On peut penser en tout cas qu’il prendra une autre décision, répond prudemment Nicole Peycelon. Restons en-là, pour l’instant sur les hypothèses, ne mettons pas de l’huile avant même le feu. » Tout le monde ne veut pas être Néron, empirisme ou non.
1 En dehors de Gilles Artigues et Samy Kéfi-Jérôme bien sûr, seuls manquaient Denis Chambe et Lionel Boucher, très proches du premier en tant qu’UDI aussi.
2 La Ville met en avant le décret d’encadrement n°88 – 145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique.