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Pendant ce temps, les Sénatoriales approchent

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L'hémicycle du Sénat français en septembre 2009. Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Attribution: Romain Vincens
L'hémicycle du Sénat français en septembre 2009. Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Attribution: Romain Vincens

Sous les radars d’une actualité nationale et locale très intense, de toute façon rarement sur le devant de la scène, l’élection sénatoriale aura lieu dans la Loire, comme dans une quarantaine d’autres département, fin septembre. Quatre sièges à pourvoir mais une seule liste officiellement lancée dans la course et médiatiquement présentée. Elle est de droite avec, à sa tête, le maire LR de Saint-Chamond Hervé Reynaud. Les adversaires autour ? RAS ou presque à ce stade, à gauche, comme à droite. Ce qui, en réalité, n’a rien de surprenant…   

« Partir si tôt, oui, ça interroge. Personnellement, je n’ai jamais vu ça… » Sénatrice PC sortante de la Loire, Cécile Cukierman, interrogée par If Saint-Etienne début mars, sur la prochaine échéance électorale et ses propres intentions, ne souhaitait pas développer le sujet. Trop tôt, beaucoup trop tôt, a fortiori, en plein lutte contre la réforme des retraites : « A ce stade, sincèrement, je ne sais même pas si je vais me représenter. Ce n’est pas le sujet. » La droite ligérienne, du moins celle pilotée par les LR n’a, elle, pas attendue : on ne pourra pas reprocher aux nouveaux venus1 dans l’univers sénatorial que sont les élus composant sa liste d’adopter d’emblée un « train » de sénateur. Dès début décembre, le maire LR de Saint-Chamond, Hervé Reynaud, par ailleurs président de l’Association des maires de la Loire, annonçait au Coteau sa candidature à la tête d’une liste de droite avec, en seconde place, Clotilde Robin, 1ère adjointe LR au maire de Roanne et vice-présidente du Département.

L’hémicycle du Sénat français en septembre 2009. Creative Commons / Romain Vincens

En 3e position : Olivier Joly, maire de Saint-Just-Saint-Rambert, et 1er vice-président de Loire Forez agglomération. Dès décembre, le députés LR de la Loire mais aussi le président du Département Georges Ziegler ou encore Yves Nicolin, maire de Roanne, tous deux LR aussi, faisaient part de leur appui. Depuis, « Ensemble pour la Loire » a été complétée et officiellement présentée à Saint-Chamond début février : à Valérie Peysselon, maire de Vérin et conseillère départementale revient la 4e place. Véronique Chaverot, maire de Violay, vice-présidente de Forez-est et du Département sera l’un des deux suppléants aux côtés de… Marc Lapallus, maire de Cuinzier et président de l’Association des maires ruraux de la Loire (AMFR 42), soit 292 communes sur les 323 du département.

Quelle concurrence à droite ?

Rappelons que le Sénat est la chambre représentant les collectivités locales. Ses élus sont élus par des élus : plus de 1 800 dans la Loire, en très grande partie issus des conseils municipaux. Le ralliement de Marc Lapallus permet ainsi à « Ensemble pour la Loire » de réduire le risque de concurrence venant de son bord (les candidatures peuvent encore tomber d’ici début septembre). Comme ce fut largement le cas en 2017 avec en, plus de la liste essentiellement LR menée par le sortant Bernard Bonne (l’ex président du Département républicain ne se représente pas en 2023) arrivée 1ère des élections, celle plus ou moins centriste de Jean-François Barnier et enfin, celle entièrement LR, arrivée elle 4e (sur 8) menée par Bernard Fournier. Lui aussi sortant et sénateur depuis 1997, l’ex conseiller départemental du Haut Forez et maire de Saint-Nizier-de-Fornas a été pris de court par la candidature et la liste d’Hervé Reynaud.

Il avait fait part dans Le Progrès le 13 décembre de son « écœurement », assurant n’avoir même pas été informé, disait-il, par ses collègues de la tenue de la conférence de presse début décembre. « Il connaissait nos intentions dès le début de l’automne, nous lui avions dit, se défend Hervé Reynaud. De toute façon, il semble qu’il ne repartira pas. » Trahison et/ou mis devant le fait accompli ou pas, Bernard Fournier ne s’est officiellement pas exprimé depuis. Il n’a d’ailleurs pas souhaité s’entretenir avec nous à ce sujet malgré nos sollicitations. Mais la concurrence ne peut-elle pas venir aussi du centre droit ? Contacté, Lionel Boucher, président de l’UDI Loire, reconnait, lui, avoir été un peu déçu par le fait que « des cousins politiques partent ainsi et établissent une liste sans en discuter avec nous, sans centristes. Cependant, j’ai appris à connaître Hervé Reynaud bien davantage depuis qu’il a pris le relais de Gaël Perdriau à Métropole et nous percevons son action de manière très positive. »

Saint-Chamond devra se trouver un nouveau maire

Alors, le centriste s’interroge : « Faut-il privilégier de bons représentants pour la Loire déjà lancés ou notre famille politique ? Nous continuons à en discuter avec Hervé Marseille, notre président national : la présence ou non d’une liste UDI-centriste dans la Loire n’est pas encore tranchée. » Ce qui n’est vraiment pas loin d’être tranché dès maintenant, en revanche, c’est que le Département va perdre son 1er vice-président et que Saint-Chamond aura cet automne un nouveau maire. Etant donné la configuration très particulière de ces élections, leur passif, le paysage politique global, on voit très très mal le n°1 de ce qui sera, a minima, la principale liste de droite ne pas être élu. Car plus de cumul possible : s’il va au Sénat, il lui faudra un successeur parmi ses adjoints comme maire du conseil municipal.

Véronique Chaverot, Marc Lapallus, Clotilde Robin, Hervé Reynaud, Valérie Peysselon et Olivier Joly composent la liste de droite Ensemble pour la Loire. ©If Média/Xavier Alix

Et c’est justement à l’esprit d’équipe que le 1er vice-président de Saint-Etienne Métropole fait appel quand lui demande si cette décision – qui paraît plutôt étrange au regard de la franche montée en puissance politique ces dernières années d’Hervé Reynaud dans la Loire – ne risque pas de provoquer la déception de ses administrés : « Nous sommes à mi-mandat. L’impulsion est faite, les projets annoncés en campagne électorale avancent, ils sont pour la plupart et les plus importants enclenchés. Il y a les gens qu’il faut pour finir sans moi. J’en parle localement depuis le début du mandat je ne sens pas de problèmes particuliers au sein de la population saint-chamonaise à ce sujet mais, au contraire, une demande forte d’aller faire entendre nos voix locales au niveau national. »

L’atout des maires ruraux de la Loire

Partir en campagne dès le début de l’hiver, prendre le temps de « faire les choses à fond » en allant à la rencontre d’un maximum d’élus locaux d’ici la fin de l’été, cela malgré des agendas plus que surchargés, avoir des représentants de tous les territoires ligériens (Roannais, Forez, Sud Loire, Pilat) et, enfin, l’AMRF 42 à ses côtés : l’objectif est clair. Il s’agit de donner une notoriété aux candidats de la liste, marteler le message qu’Ensemble pour la Loire et ses nouveaux noms ne correspond pas à une vile OPA d’urbains. La liste se veut représentante de toutes les composantes territoriales et leurs problématiques. « J’ajoute en ce qui concerne mon cas, qu’un territoire comme Saint-Chamond qui va loin dans la campagne au nord et au sud, c’est aussi une réalité rurale à gérer, argue Hervé Reynaud. Il y a renouvellement de génération mais nous sommes tous des élus d’expérience, prêts à faire entendre la voix, défendre les collectivités locales de la Loire. »

On y a va sûrement pas en préretraite : le Sénat n’est pas la maison de retraite de la République mais une assemblée au rôle actif où la Loire a besoin d’être bien représentée. 

Hervé Reynaud, tête de liste d’Ensemble pour la Loire

Et « on y a va sûrement pas en préretraite : le Sénat n’est pas la maison de retraite de la République mais une assemblée au rôle actif où la Loire a besoin d’être bien représentée. » Face au « jacobinisme ambiant », les élus des communes sont « les véritables soldats de la République », renchérit Olivier Joly pour qui « nous ne subirons pas mais agirons ». Avec cette « belle liste et ses fortes symboliques, sa représentation des collectivités de toutes tailles », Clotilde Robin y croit « très fort » et précise, elle aussi, que Bernard Fournier a été informé dès octobre : « Nous sommes restés bon amis, il n’y a pas de divergence profonde. » Marc Lapallus concède avoir hésité longtemps avant de se laisser séduire en toute fin d’année par une démarche et une composition de liste qu’il estime donc pertinentes. Décision validée « à l’unanimité », dit-il par les dirigeants de l’AMRF 42 au tournant de l’année.

Le poids de la municipalité stéphanoise

Voilà, a priori une éventuelle « menace » de division écartée pour la droite. Mais quel sera l’impact du contexte politico-judiciaire stéphanois ? Oui, encore lui… Dans quelle mesure Gaël Perdriau « lâché », à la suite de la publication par Mediapart de ses propos enregistrés sur Laurent Wauquiez par la plupart des élus LR ligériens de premier plan dont Hervé Reynaud, peut-il mettre à ces derniers des bâtons dans les roues ? En 2017, la Loire comptait 1 839 grands électeurs. Si députés, sénateurs eux-mêmes, conseillers départementaux et régionaux de la Loire en sont, l’écrasante majorité vient des élus des conseils municipaux – qui sont convoqués le vendredi 9 juin afin de les désigner par vote – en fonction des trois tranches de population.

Le palais du Luxembourg accueille à Paris l’hémicycle et le siège du Sénat. Image par Carole LR de Pixabay

Or, dans les villes de plus de 30 000 habitants, outre tous les conseillers municipaux en exercice votants de droit, des délégués supplémentaires doivent être désignés à raison d’un par tranche de 800 habitants. Ce qui signifie que le conseil municipal de Saint-Etienne où plus d’une trentaine d’élus (sur les 42 de la majorité) reste fidèle à Gaël Perdriau enverra par vote environ 180 délégués supplémentaires… Au point de jouer les trouble fêtes pour une droite qui a toutefois en main 7 des 9 autres villes de plus de 10 000 habitants de la Loire ? Pour le reste du paysage, beaucoup d’incertitudes encore. En 2017, les listes de droite et centre droit de la Loire avaient cumulé à elles seules 876 voix sur 1 794 exprimés. Le RN n’en avait obtenu que 65. Son chef de file dans la Loire, Michel Lucas, contacté par If Saint-Etienne annonce que le parti remettra bien son bleu de chauffe en septembre avec une liste de quatre candidats et deux suppléants tous encartés. Arrêtée, sa composition ne sera révélée « qu’en temps utile ».

A qui les 209 voix d’En Marche de 2017 ?

Et que deviendront les 209 voix obtenues par la liste d’En Marche en 2017, dans la foulée de la première élection d’Emmanuel Macron et d’un contexte politique totalement périmé 6 ans plus tard, à l’heure de Renaissance ? Impossible de connaître à ce stade en tout cas, les intentions du parti présidentiel – et si ses alliés comme Horizons seront bien à ses côtés – dans la Loire malgré nos sollicitations auprès du député Quentin Bataillon, désormais à sa tête dans le département. A gauche, en 2017, les listes menées par Cécile Cukierman (PC mais aux côtés de 4 divers gauche sur 6 candidats) et Jean-Claude Tissot (PS avec deux divers gauche dans son camp) avaient respectivement obtenu 327 et 289 voix. Largement suffisant pour envoyer les deux élus cités au Sénat, les membres du Sénat étant désignés à la proportionnelle dans la Loire.

S’il y a une union dans le cadre de la Nupes, on en sera. S’il faut y aller seuls, nous irons mais ce n’est pas encore tranché.

Olivier Longeon (EELV)

Un second mandat consécutif pour la première à la suite de l’excellent score réalisé en 2011 – un historique 54,15 % ! – par une liste d’union PS/PC menée par feu Jean-Claude Frécon. Mais en 2023, alors que vis-à-vis de LFI et de la Nupes le poids de ces deux partis traditionnels reste encore bien affirmé au sein des conseils municipaux, une union est-elle possible ? Europe Ecologie Les Verts (EELV) a cependant un peu progressé sur son nombre de grands électeurs à la suite des Municipales 2020. De quoi s’assoir un poil plus confortablement à la table des négociations. « Si nous comptons présenter une liste à nous (c’était le cas en 2011 avec le MRC pas en 2017) ? Notre attitude sera conforme aux décisions nationales, répond Olivier Longeon, leader du parti à Saint-Etienne. S’il y a une union dans le cadre de la Nupes, on en sera. S’il faut y aller seuls, nous irons mais ce n’est pas encore tranché et donc les candidats pas encore désignés. »

A gauche, ce n’est « pas d’actualité »

Du côté de Cécile Cukierman, l’élection sénatoriale n’est donc absolument pas d’actualité et ne le sera pas avant cet été, nous a-t-elle dit il y a un peu plus d’un mois. Et du côté du PS ? Les socialistes étant également dans le fauteuil, a priori, plus confortable, du sortant déjà bien connu des élus locaux via Jean-Claude Tissot. Et bien, idem selon les échanges que nous avons eu il y a un peu plus d’un mois pour le dernier avec son premier secrétaire départemental Johann Cesa. « C’est beaucoup trop tôt : en 2017, la liste Jean-Claude Tissot a été fixée le 9 juillet. Et pour nous aussi, les décisions nationales orienteront notre attitude locale sur d’éventuelles unions. Après, étant donné la particularité de ces élections, contrairement aux législatives, ce n’est pas forcément dans l’intérêt de la gauche de partir totalement groupé. »

Étant donné la particularité de ces élections, contrairement aux législatives, ce n’est pas forcément dans l’intérêt de la gauche de partir totalement groupé.

Johann Cesa, 1er secrétaire fédéral du PS Loire

Pour ce qui est de la liste Ensemble pour la Loire déjà en lice, « je note que la droite est parti très, très tôt pour pallier, avec ses candidats des villes, un déficit de notoriété, essayer d’obtenir une légitimité qui ne fait pour nos élus aucun doute, une évidence même par leurs actions de terrain. Nous regrettons aussi que l’AMF et l’AMRF soient considérés par certains comme devant jouer un rôle de lobby dans le cadre d’élections alors que l’intérêt de ces organisations est transpartisane. » Du côté de LFI Loire, nous n’avons pas réussi à obtenir d’échanges au sujet des sénatoriales. Mais le temps ne manque pas pour bondir et rebondir. Pour le premier tour de scrutin, les déclarations de candidature sont reçues auprès des services du représentant de l’Etat, à partir du lundi 4 septembre 3 et jusqu’au vendredi 8 septembre…

1 Hervé Reynaud étant cependant 5e de la liste de Bernard Bonne en 2017, en position de suppléant.  

Les particularités sénatoriales

Souvent raillé pour l’âge moyen de ses élus, un fonctionnement et un mode de désignation que certains jugent anti-démocratiques, le Sénat a pour intérêt d’être une garantie relative de contre-pouvoir au niveau législatif, selon le principe du « bicamérisme ».

Son rôle a d’ailleurs été relativement mis en lumière dans le cadre de la réforme des retraites tout en enfonçant un peu plus son image dans ce même contexte avec une majorité ayant maintenu, au contraire de ce qu’elle a voté pour le reste du pays, un de ces avantages mal vues qui sied à la fonction de sénateur. Et pas des moindres, celui de son très, très confortable régime spécial de retraites…

Rendez-vous le 24 septembre

Le Sénat français est composé de 348 sièges pourvus pour 6 ans mais renouvelés par moitié tous les trois ans. Les élections de 2023 visent ainsi à élire les 170 sénateurs correspondant à la « série 1 ». C’est le cas d’une quarantaine de départements dont la Loire. Pour les circonscriptions désignant trois sénateurs ou plus (il y en a quatre dans la Loire), il est fait recours au scrutin proportionnel plurinominal. Le collège électoral élisant les sénateurs est composé de 162 000 grands électeurs (1 839 en 2017) : les députés et les sénateurs de l’autre série, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et surtout les délégués des conseils municipaux. Ces derniers représentent environ 95 % des grands électeurs. 

Pour être élu sénateur, il faut être âgé d’au moins 24 ans (l’âge d’éligibilité a été modifié par la loi du 14 avril 2011. Jusqu’alors, il fallait être âgé de 30 ans) ;  avoir la qualité d’électeur, c’est à dire posséder la nationalité française et jouir de ses droits civiques ; ne pas être dans un cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévu par la loi. Les élections auront lieu le 24 septembre.

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    L'hémicycle du Sénat français en septembre 2009. Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Attribution: Romain Vincens
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