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Prêt à publier une autre enquête sur Gaël Perdriau, Mediapart se dit « victime » de censure préalable

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Le journal d’investigation en ligne annonce ce lundi avoir été contraint par la Justice, sous peine de fortes amendes, de renoncer à publier une nouvelle enquête sur le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau, non pas un nouvel épisode du chantage présumé à la sextape. Mais sur ses « pratiques politiques » dont aurait été, entre autres, victime… Laurent Wauquiez. Une procédure dont le maire serait à l’origine selon Médiapart. Le site dénonce une censure liberticide et inédite.    

Capture écran mediapart
Cette nouvelle enquête s’appuierait sur les mêmes enregistrements diffusés le 12 septembre. ©Mediapart

« Aucun commentaire ». Contacté par If Saint-Etienne, l’avocat de Gaël Perdriau, Me Christophe Ingrain, ne dira rien. Pas même si la procédure, telle que décrite par le média d’investigation comme liberticide et « inédite » depuis le début de la IIIe République et la loi sur la liberté de la presse, s’est, de ce point de vue, bien déroulée ainsi et à la suite de sa sollicitation par la Justice. Idem du côté du service presse de la municipalité stéphanoise. Ce lundi en début d’après-midi, à une semaine d’un conseil municipal que devrait, aux dernières nouvelles en notre possession, présider le maire Gaël Perdriau, Mediapart a publié un long article signé par son directeur de la publication en personne, Edwy Plenel, complété d’une vidéo mise en ligne dans la foulée. On y apprend qu’Antton Rouget, principal journaliste derrière les révélations publiées fin août puis leurs répliques en série en septembre, travaillait sur une nouvelle enquête à propos de Gaël Perdriau.

Celle-ci est parallèle au chantage présumé à la sextape touchant Gilles Artigues sur lequel les investigations de la Justice sont toujours en cours. Cependant issue des enregistrements diffusés le 12 septembre des conversations à l’hôtel de ville entre Gilles Artigues, Gaël Perdriau et Pierre Gauttieri datés de 2016 et 2017, elle est axée sur « les pratiques politiques » du maire de Saint-Etienne. « Poursuivant son enquête, Antton Rouget a découvert des faits inédits qui, de nouveau, mettent en cause les pratiques du maire de Saint-Étienne, notamment dans le recours à la rumeur comme instrument politique, détaille Edwy Plenel dans son article. Mais, cette fois, leur victime est une personnalité notable de la droite, Laurent Wauquiez, président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dont l’ambition présidentielle est notoire. » 

« Une peine de 10 000 euros par extrait publié »

Laurent Wauquiez sur lequel Médiapart a justement publié des articles autour de repas onéreux aux frais de la Région à l’utilité publique douteuse. Pas de quoi le fâcher suffisamment pour le rendre définitivement muet face au journal puisque, précise Edwy Plenel, « plusieurs personnalités concernées par ces nouvelles révélations, au premier rang desquelles Laurent Wauquiez, ont été sollicitées et ont transmis leurs réactions. Contacté en début de semaine par Antton Rouget pour répondre sur ces faits nouveaux, Gaël Perdriau avait pour sa part demandé un délai supplémentaire jusqu’au vendredi 18 novembre à 13 heures, qui lui fut volontiers accordé. » Selon Mediapart, les réponses du président de Saint-Etienne Métropole son bien arrivées par courriel dans les temps. Mais trois heures après, un huissier se serait présenté à la rédaction pour « délivrer l’ordre de ne rien publier, obtenu par le même Gaël Perdriau auprès du président du tribunal judiciaire de Paris ».

Un acte judiciaire « sans précédent de mémoire de journaliste comme de juriste », assène Edwy Plenel qui enjoindrait « de ne pas publier sous astreinte de 10 000 euros par extrait publié », cela « sans qu’à un seul instant les arguments de Mediapart n’aient été sollicités. Mediapart n’était pas informé de cette procédure et l’ordonnance a été prise par un juge sans que notre journal n’ait pu défendre son travail et ses droits. Faisant ainsi fi du principe du contradictoire, cette décision de censure préalable est un acte arbitraire qui utilise, en la détournant, une procédure totalement étrangère au droit de la presse afin de porter atteinte à une liberté fondamentale, régie par la loi du 29 juillet 1881. »

Edwy Plenel : « Du jamais vu »

Il s’agirait d’une ordonnance rendue ce même 18 novembre par Violette Baty, vice-présidente, agissant en tant que magistrate déléguée par le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, faisant « droit dans l’urgence à une requête déposée le même jour par l’avocat de Gaël Perdriau, Me Christophe Ingrain. Elle nous enjoint de ne pas publier sous astreinte de 10 000 € par extrait publié. » Mediapart assure avoir rempli « toutes ses obligations, aussi bien professionnelles que légales : son intérêt public, sa base factuelle et matérielle, son respect du contradictoire. » Dans ses motivations, la requête de Gaël Perdriau, qui a été ainsi satisfaite, invoque, dit Mediapart, « fallacieusement, une atteinte à la vie privée dont nous aurions démontré, dans une audience publique, qu’elle n’existe aucunement ». Nous avons contacté, en début d’après-midi, le tribunal judiciaire de Paris pour qu’il nous confirme la procédure décrite par Mediapart mais ne sommes pas parvenus à nous entretenir avec un fonctionnaire ou un magistrat à ce sujet.

La procédure s’appuierait, dit Mediapart, sur deux articles du Code de procédure civile : l’article 493, qui concerne toutes les juridictions, selon lequel « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; l’article 875, qui relève des « dispositions particulières au tribunal de commerce » : « Le président peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. » Du jamais vu, « à notre connaissance, s’indigne Edwy Plenel, excepté les périodes d’éclipse démocratique dans notre pays depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté d’expression », ainsi « jetée aux orties ». Mediapart a sollicité son propre avocat pour mettre fin à cette « censure préalable ».

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