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Saint-Etienne Métropole : le retrait 2.0 de Gaël Perdriau (2/2)

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Coup pour coup. Mot pour mot. Le départ de Gaël Perdriau en pleine assemblée, dans la foulée de son discours de défense, a donné lieu jeudi dernier à des échanges de feu nourris entre ses détracteurs et ses rares soutiens à prendre la parole. Suite de notre premier volet relatant ces prises de position au regard des derniers événements…

Les élus métropolitains lors du vote sur le vœu appelant à la démission de Gaël Perdriau. ©If Média/Xavier Alix

Électrique mais pas au courant. La transmission des commandes de la séance en cours, puis carrément de l’ensemble de ses pouvoirs le temps, indéterminé, du « retrait total », et enfin le brusque départ de Gaël Perdriau, Hervé Reynaud, maire de Saint-Chamond et 1er vice-président, dit les avoir découverts en direct. Comme toute l’assemblée d’ailleurs. De quoi donner lieu à des prises de bec successives de maires ou conseillers métropolitains exprimant oralement leurs regrets sur ce brusque départ. A commencer par le vice-président Christophe Faverjon qui réclame désormais sa démission et pour qui « cette mise en retrait n’est pas suffisante » : « Je regrette que Gaël Perdriau ait quitté avant d’avoir à entendre ce qui se dirait dans cette salle et le résultat du vote, qu’il n’ait pas dit ses intentions au 1er vice-président et n’ait pas été plus explicite sur sa proposition de retrait. »

Dans la seconde partie de sa longue intervention défensive, achevée quelques minutes plus tôt, l’intéressé avait d’ailleurs cité mot pour mot les propos du maire d’Unieux le 29 septembre lors de la précédente assemblée métropolitaine, souhaitant mettre en évidence ce que Gaël Perdriau considère comme une évolution incohérente. « Je ne retire pas un mot de ma déclaration du 29 septembre, répond Christophe Faverjon. Nous ne sommes pas un tribunal et je redis ma compassion vis-à-vis de toutes les victimes de cette affaire, ainsi que leurs proches, leurs familles qui en souffrent. Nous n’avons pas à juger ici mais à faire respecter la morale politique. Or depuis fin septembre, la situation a fortement évolué avec maintenant trois fronts juridiques. Il y a eu un jugement, le 30 novembre condamnant Gaël Perdriau pour avoir attaqué la liberté de la presse. »

De la valeur d’une condamnation

Et s’il y a condamnation pour l’élu communiste qui assure, lui, que la situation pourrit bel et bien le fonctionnement des services, décourageant le personnel au point que bon nombre d’agents souhaiteraient partir, il doit y avoir démission. Un peu plus tôt, le président de la Métropole, avait clamé que cette condamnation concernait la forme (article 700 sur le remboursement des frais de justice), et pas le fond, se défendant d’avoir lancé une rumeur sur Laurent Wauquiez. C’est d’ailleurs avec une autre citation, mot pour mot encore, que Gaël Perdriau avait poursuivi sa plaidoirie et celle-ci concernait, cette fois, le président de Région. Il s’agissait de sa réaction début 2018 après la diffusion dans l’émission Quotidien de son intervention devant des étudiants de l’EM Lyon enregistrée sans qu’il ne le sache. Ses sorties sur la présidence Sarkozy dont il fut ministre et allusions à de pratiques de barbouzes lui avaient valu quelques ennuis, de nos jours portés disparus, dans sa famille politique…

Je m’élève contre une presse de délation qui publie des éléments bout à bout, des allégations et qui représente un risque de dérive pour la démocratie.

Gaël Perdriau

« Il dénonçait une situation qui est en tous points comparable à la mienne », pointe Gaël Perdriau. Entendre : un enregistrement « illégal » pour une diffusion de propos hors contexte, grossiers mais pas à prendre au sérieux… « Je n’ai jamais voulu porter atteinte à la liberté de la presse, j’ai pour elle un attachement viscéral. La liberté de la presse et d’investigation font partie des libertés fondamentales. Mais je m’élève contre une presse de délation qui publie des éléments bout à bout, des allégations visant à salir, faire taire. Cette tendance représente aussi, un danger pour nos concitoyens et leur vie privée, un risque de dérive pour la démocratie », poursuivait le président. Et s’il ne souhaitait pas revenir sur les « soi-disantes révélations » de Mediapart pour s’être déjà exprimé là-dessus « avec mes éléments transmis à l’enquête en cours, je ne me cache pas derrière une présomption d’innocence présentée comme un moyen d’évitement. »

« L’idée que nous nous faisons de la Justice »

C’est peut-être la dernière photo de lui en séance publique de Saint-Etienne Métropole où Gaël Perdriau ne sera resté que 45 minutes le 8 décembre. ©If Média/Xavier Alix

Néanmoins, ajoutait-il, « je comprends parfaitement que vous puissiez douter, que vous vous interrogiez, que vous éprouviez un malaise. Ce que je demande, c’est d’apprécier la situation dans toute sa complexité. Ce qui est en jeu c’est aussi l’idée que nous nous faisons de la Justice. Je m’inscris en faux contre un journalisme de délation aux pouvoirs démesurés, hors de tout contrôle démocratique. » Pour le vice-président et maire de Rive-de-Gier PC Vincent Bony, « il n’y a pas de bonne ou mauvaise presse mais une seule régie par la loi et Gaël Perdriau s’est en pris à elle. Nous ne sommes pas dans un tribunal mais il faut maintenant avancer alors que nous sommes interpellés dans nos communes ». Ramona Gonzalez-Grail, maire PS de La Talaudière prenait, aussi, la parole pour évoquer le temps passé en réunion ou ailleurs à écouter Gaël Perdriau se défendre au lieu de travailler les dossiers dont la séance de l’assemblée du 8 décembre est la parfaite illustration.

Il y a une rupture de confiance consommée qui doit déboucher sur une démission. Et je n’accepte ni ce retrait, ni ces leçons de moral.

Marc Chavanne, maire de Saint-Jean-Bonnefonds

Visiblement ulcéré, Marc Chavanne, maire de Saint-Jean-Bonnefonds aurait aimé que Gaël Perdriau reste pour lui dire « droit dans les yeux », sa pensée. « Je ne suis pas juge, ni procureur mais enfin, les faits sont là. Un pacte métropolitain ça veut dire quelque chose, ça veut dire qu’il y a de la confiance. Et là, il y a une rupture de confiance consommée qui doit déboucher sur une démission. Et je n’accepte ni ce retrait, ni ces leçons de morale », tout en se montrant, pour élargir sur l’image donnée par la politique et ses réalités, outré par la nécessité de cette nécessité « d’allégeance au roi de la Région ». Maire de Saint-Paul-Cornillon, Sylvie Fayolle, vice-présidente au développement durable s’énervait à son tour pour souligner, elle aussi, que l’on n’est « pas dans un tribunal » mais dans l’objectif de défendre… Laurent Wauquiez (elle est également vice-présidente de sa majorité à la Région) suggérant même que le manque de visibilité de la Région sur l’Arena expliquait les 5 M€ non payés…

Retour et croisement de boomerangs

En bas, en haut, à droite, à gauche : les boomerangs se croisent et s’entrecroisent. A ce sujet, Pierrick Courbon, élu PS d’opposition, au-delà de dénoncer l’attitude de Gaël Perdriau – « C’est facile de donner des leçons de morale et de faire une sortie théâtrale » – en renvoyait un à son adresse en citant, lui aussi, mot pour mot, le tract d’un franc soutien personnel à la candidature à la Région de Laurent Wauquiez du maire de Saint-Etienne envoyé aux Stéphanois en… 2021, ce qui signifie pour lui qu’il est un « menteur » . Et « qui peut croire à un travail serein au sein de Métropole ? Gaël Perdriau est fort pour se poser en victime de tout le monde. » Performant aussi pour Pierrick Courbon, en ayant réalisé l’exploit d’avoir constitué contre lui un « arc républicain ». Il interpellait une nouvelle fois les membres de la majorité stéphanoise – « vous ne vous rendez pas compte du mal que vous faites à la démocratie ! » –, les invitant à se détacher de « leur gourou ».

Droit dans ses bottes, le premier d’entre eux, Jean-Pierre Berger, 1er adjoint à la Ville de Saint-Etienne, réitérait pourtant sa fidélité au pacte de confiance signé avec Gaël Perdriau, suggérant que l’hypocrisie était davantage du côté du dernier cité… « Trois mois de procès à charge et ça continue. Oui, on en souffre tous, et oui, on passe les autres débats trop rapidement, ce n’est plus possible mais ce sont toujours les mêmes qui parlent. » Ceux qui s’érigent à ses yeux en « gardiens de la morale », en « chevaliers blancs », suggérant d’eux qu’ils le font par intérêt en soulignant le départ temporaire de deux groupes d’opposition pendant l’examen des délibérations au conseil municipal du 26 septembre. Bref, sa « fidélité » étant une vertu inaliénable, Jean-Pierre Berger ne veut entendre que la vérité qui sera prononcée par la Justice.

Quelque chose de « gluant »

Autre soutien aussi bien affiché qu’assumé au président maire stéphanois, le vice-président à la culture Marc Chassaubéné (adjoint à la Ville sur les mêmes fonctions) s’agaçait d’entendre « répéter :  je ne suis pas juge pour ensuite immédiatement dire que les « faits sont avérés », cela fait penser aux réseaux sociaux sur le Covid : « je ne suis pas médecin mais je sais ». Ça n’est pas à ce conseil d’établir des faits. C’est très grave. Comment peut-on dire : « il y a des faits, une victime mais je n’ai pas la teneur des échanges » ?! » Enfin, « je ne peux pas laisser dire que notre conseil est bloqué par les réunions spéciales : aucune discussion ou avancée de dossiers n’ont été bloquées. » La salle s’animait à l’entente des ces nouveaux mots. Hervé Reynaud devait réclamer le calme. Proche de Gilles Artigues, Lionel Boucher conseiller stéphanois UDI, comme un écho à son intervention du 26 septembre à Saint-Etienne, souhaitait rappeler « qui » était « la victime » dans cette affaire. « Souvenons nous qu’on a un homme qui pense à se suicider et que l’on a un chantage dans la durée. N’oublions pas qu’il y a des faits, des gens abîmés, des mots, des phrases publiés. Je veux bien qu’un certain nombre d’élus restent fidèles mais ces mots ont été publiés. (…) Un directeur de cabinet a reconnu avoir des méthodes de voyou et il part avec de l’argent, c’est ubuesque. La victime s’appelle Gilles Artigues, il y a un maître chanteur. La justice fera son travail mais les mots qui ont été prononcés, nous les avons tous entendus. »

La victime, c’est Gilles Artigues, la Justice fera son travail mais les mots qui ont été prononcés nous les avons tous entendus.

Lionel Boucher, conseiller communautaire stéphanois UDI

Il revenait à Hervé Reynaud de conclure. Il le faisait via une tentative d’optimisme malgré la « frénésie nihiliste » de Gaël Perdriau. « Contre le découragement que je ressens aujourd’hui, j’ai envie plutôt d’une démarche de reconquête de l’avenir. Gaël Perdriau aurait pu être l’homme au destin national attendu sur le territoire. Mais je ne veux pas qu’une chute individuelle entraîne une chute collective. Une chute collective, c’est gluant et j’ai envie, comme vous, de m’en extraire. (…) Je ne veux pas me défausser, je préside la séance, sans avoir pu appréhender cette présidence. (…) Il y aura un retour pour clarifier dans quelles mesures Gaël Perdriau entend son retrait. Nous lui souhaitons de pouvoir prendre le recul nécessaire pour se défendre et que du côté de la Métropole nous puissions avancer avec plus de sérénité, d’enthousiasme et d’émulation. » Haut (s) le (s) cœur (s) !

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