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jeudi 28 mars 2024
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Saint-Etienne Métropole : une question de gouverne qui ne laissera pas indemne

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Adoptée hier à une large majorité par l’assemblée métropolitaine, la délibération baissant de 50 % les indemnités de Gaël Perdriau, en raison de son « retrait total », a dégénéré en débat sur son cas. Et derrière, sur l’urgence de régler d’ici l’été la gouvernance de la collectivité. Non seulement parce que l’insatisfaction de « l’entre deux » actuel semble, elle, faire l’unanimité. Mais aussi parce qu’il est plus que probable qu’Hervé Reynaud, 1er vice-président, soit élu sénateur en septembre et ne puisse plus tenir l’intérim. Alors qui après lui ?   

L’assemblée métropolitaine avait lieu à Geoffroy-Guichard hier (ici en septembre 2022). ©If Media/Xavier Alix

Elle voulait exactement éviter ça, clame-t-elle : un long débat sur un « pour » ou « contre » Gaël Perdriau. C’est raté et ce n’est pas une surprise. Conseillère d’opposition PS stéphanoise, Isabelle Dumestre est, avec les collègues de son groupe, à l’initiative de la délibération votée hier par l’assemblée de Saint-Etienne Métropole visant à baisser de 50 % les près de 3 000 € bruts d’indemnités mensuels que touchait jusque-là Gaël Perdriau en tant que président de la collectivité. Une demande de délibération émanant, fait rare, de l’assemblée donc et non de l’exécutif, qui a été déposée dès les 42 signatures d’élus nécessaires obtenues. Le vote – réclamé et obtenu à bulletins secrets par Isabelle Dumestre – a donné, lui, 78 voix pour et 35 contre (+ 6 blanc ou nul), soit 69 % des 113 votes exprimés.

Une baisse de 50 % et non 100 %. Logique justifiée par Isabelle Dumestre elle-même, dans la mesure où Gaël Perdriau, malgré sa décision de « retrait total », prononcée à sa seule initiative le 8 décembre à la suite des accusations de chantage à la vidéo intime portés contre lui, conserve la responsabilité juridique vis-à-vis des décisions de l’assemblée. Et même, signe encore certains documents : la notion de « retrait » n’a pas de cadre légal et la délégation des pouvoirs à Hervé Reynaud, son 1er vice-président et maire de Saint-Chamond, a de franches limites. Fallait-il voir dans le vote d’hier une confirmation, un référendum sur la confiance à (ré) accorder ou non à Gaël Perdriau ? Rappelons que le 8 décembre encore et déjà, une large majorité d’élus métropolitains avait voté pour un vœu (n’amenant du coup aucune obligation) exigeant sa démission.

Gaël Perdriau aurait l’intention de revenir

Pas d’enjeu caché sous un vernis façon de Gaulle 1969, assurait à l’assemblée Isabelle Dumestre hier soir : « Il ne s’agit pas de se prononcer sur le fond (de l’affaire, Ndlr), ni de se muer en tribunal, pas plus que de sanctionner la mise en examen. D’autant que la demande initiale date de janvier. » Il s’agit de l’utilisation de l’argent public – celle consacrée aux indemnités – vis-à-vis d’un mandat, une tâche élective qui n’est pas pleinement effectuée, a étayé l’élue, à la suite de la décision même de Gaël Perdriau. « L’engagement politique se doit d’être gratuit mais avec une activité professionnelle réduite de fait, ou suspendue, il faut bien des compensations financières et ça, je le défendrai toujours. C’est aussi un moyen de faire face à la corruption. » A la Ville de Saint-Etienne, comme dans d’autres assemblées, le règlement abaisse « automatiquement de 5 % l’indemnité à chaque absence en commission ou à l’assemblée. Cette règle n’existe pas le cas à métropole : d’où la délibération », précise encore Isabelle Dumestre.

Il ne s’agit pas de se prononcer sur le fond (de l’affaire, Ndlr), ni de se muer en tribunal, pas plus que de sanctionner la mise en examen.

Isabelle Dumestre, conseillère stéphanoise d’opposition

Avant de lancer : « Si Gaël Perdriau devait faire son retour, je ne le souhaite pas, il pourra immédiatement demander à l’assemblée de revenir sur cette décision. » Un peu plus tard, lors des nombreux échanges sur cette délibération placée à la fin d’une assemblée, jusque-là au déroulé rapide et apaisé, Hervé Reynaud, que les circonstances ont placé dans une posture de recul interdisant tout retrait, allait dire que c’était là l’attention du maire de Saint-Etienne… A défaut d’être apparemment suffisamment nombreux, il reste à ce dernier de francs soutiens parmi les élus métropolitains et pas que stéphanois. Sinon, au moins opposés à la délibération. Isabelle Dumestre n’a pas été la première à intervenir. Avant elle, Julien Vassal avait pris, le premier, la parole. Le maire de L’Horme, de la conférence de presse mi-décembre de plusieurs maires demandant à ce que Métropole reste sur le retrait et passe à autre chose en attendant que Justice soit faite, a plus que confirmé sa position…

« Il ne s’est pas rien passé »

« La demande de démission de décembre m’est apparu comme la volonté d’abattre un homme déjà à terre. La décision de justice n’a pas encore été rendue ! Nous ne sommes pas des juges alors j’aimerais que l’on passe à autre chose. Il est important de regarder l’avenir alors que nous avons vécu un mandat 2014 /20 de développement exceptionnel dans un esprit fédérateur, sans clivages, alors aussi que le 1er vice-président Hervé Reynaud (qui donc préside Sem par intérim, Ndlr), dont je salue le travail effectué, a une chance sur une d’être élu sénateur en septembre… Je demande officiellement le retour de Gaël Perdriau et s’il est traduit en Justice et condamné, il en tirera les conséquences. De toute façon, la Justice l’empêchera de siéger. » Gérard Tardy, maire de Lorette, de retour dans l’assemblée depuis sa (ré) réélection début mai, en tant que membre très assumé des 42 signataires de la délibération ramenait le sujet sur le seul plan de faire correspondre mission effective et rétribution.

Hervé Reynaud a une chance sur une d’être élu sénateur en septembre. (…) Je demande officiellement le retour de Gaël Perdriau.

Julien Vassal, maire de l’Horme.

Une question d’éthique sur ce seul point – « même si le principe du retrait est régulièrement bafoué » – motive sa décision, expliquait-il, assurant de sa croyance dans la présomption d’innocence tout en ne manquant pas de s’égosiller à deux reprises sur le fait d’avoir été traité dans la presse de « charognard » par Gaël Perdriau, comme les autres signataires de la délibération. Avant lui, Olivier Longeon, élu stéphanois ELLV, avait élargi l’enjeu en parlant d’un signe à donner aux citoyens, aux partenaires à travers ce vote. Il y a derrière, un avenir à assurer en rétablissant une transparence mise à mal, disait-il, au sein des collectivités métropolitaines et stéphanoises et en raison des défis qui les attendent. Lionel Boucher, élu UDI stéphanois proche de Gilles Artigues répondait lui à Julien Vassal : « L’Horme, c’est hors de Métropole ? Il ne s’est pas rien passé. Être mise en examen pour chantage, ce n’est pas rien ! Être témoin assisté sur un détournement de fond, non plus. »

Travailler moins, c’est gagner moins

A défaut d’avoir signé, Julien Vassal persistait : « Je pars du postulat que le retrait n’aurait pas dû avoir lieu. Tant qu’il n’y a pas eu de jugement, c’est actuellement un débat stéphanois-stéphanois. Il y a déjà eu dans le passé des hommes politiques accusés à tort, finalement innocentés. Quand on s’en rend compte, c’est trop tard. On ne punit pas quelqu’un avant de savoir s’il est coupable. » Appuyée au préalable par Ramona Gonzalez-Grail, maire de La Talaudière puis, ensuite, par Marc Chavanne, maire de Saint-Jean-Bonnefonds, Isabelle Dumestre tentait de faire revenir les échanges sur la base affichée : Gaël Perdriau doit gagner moins car il travaille moins. « Si vous étiez contre le retrait, il fallait vous manifester auprès de lui ! C’est sa décision et ce n’est pas qu’un problème stéphanois. L’enjeu, c’est aussi l’image des élus et ça c’est local et national ! Quel employeur tolérerait de payer quelqu’un qui ne viendrait pas au travail ? »

Soit Gaël Perdriau démissionne de sa fonction de président, soit il revient. Et là, bon courage pour avoir la confiance de l’assemblée.

François Driol, maire d’Andrézieux-Bouthéon

Luc François, maire de Grand-Croix, derrière la conférence de presse « statu quo » de décembre, ne contredisait pas la logique du vote mais reprochait à l’élue PS des intentions surtout politiques, d’ailleurs, assumées dans la presse et contraires à l’esprit de « projets » surmontant les clivages. Mais c’est François Driol, maire d’Andrézieux-Bouthéon, qui mettait en évidence ce qui est réellement urgent : « Cette direction bicéphale inconfortable, malsaine ne sera plus longtemps tenable. » Membre des 42 signataires proposant la délibération, il synthétisait ainsi la situation à la lumière du départ quasiment acquis d’Hervé Reynaud à la rentrée : « Soit Gaël Perdriau démissionne de sa fonction de président, soit il revient. Et là, bon courage pour avoir la confiance de l’assemblée après le vote de décembre (et donc de ce soir, Ndlr) : il lui faudra reposer un vote de confiance. En attendant, on continue à innover ici, à faire des prototypes entre retrait, baisse d’indemnités même si certains n’ont pas signé, j’en suis certain par crainte de représailles ou de se mettre en avant. »

Qui voudra ou pourra être président ?

Mais qui après Hervé Reynaud, si ce n’est pas Gaël Perdriau ? Il reste une assemblée métropolitaine, fin juin, avant la trêve estivale. En septembre, mois des Sénatoriales, il sera trop tard. Ce qui inquiète Gilles Thizy, maire de Marcenod : « Je ne vois personne dans cette assemblée ayant la personnalité et les compétences pour assumer cette tâche. C’est une métropole de projets, apolitique. Nous risquons de perdre cela avec des oppositions classiques. » Pas forcément exactement sur la même ligne, Jean-Pierre Berger, 1er adjoint de Saint-Etienne, soutien infaillible de son maire associe une motivation politique à la délibération : « On reproche de reproduire les oppositions stéphano-stéphanoises dans l’assemblée métropolitaine mais qui remet sans cesse des pièces dans la machine, si ce n’est l’opposition stéphanoise ? Pendant ce temps, où est la présomption d’innocence ? » Pour l’adjoint à l’urbanisme de Saint-Etienne, il s’agit d’abord de satisfaire des ambitions politiques revêtant les tenues trop larges des « Robespierre, Fouquier-Tinville et Danton ».  

Il n’est pas impossible dans les jours qui viennent que la décision du médecin soit levée et que Gilles Artigues revienne parmi nous. Il reviendra, à l’évidence… 

Lionel Boucher, conseiller stéphanois UDI

Pas terrorisé pour autant, Lionel Boucher souhaitait rappeler une fois encore « qui est bourreau »/« qui est victime », surtout qu’une voix venait de se faire entendre pour dire qu’une baisse d’indemnités de Gilles Artigues serait aussi légitime que celle imposée à Gaël Perdriau : « Cet homme (Gilles Artigues, Ndlr si besoin), victime avérée d’un chantage, a un certificat médical l’obligeant à se tenir à distance des lieux de travail que sont la mairie de Saint-Etienne et Métropole. Mais il travaille bien pour ces collectivités. Il a les services chaque jour, tient ses délégations, décide, signe ce qu’il faut. Il n’est d’ailleurs pas impossible dans les jours qui viennent que la décision du médecin soit levée et qu’il revienne parmi nous. Il reviendra, à l’évidence… » Xe problème en perspective : dans une mise en examen, « les protagonistes ne doivent pas se côtoyer »

Du Spinoza pour conclure

Si « cette baisse d’indemnités n’était pas son combat », lui qui s’était associé à une demande groupée d’élus, surtout de droite, pour la démission de Gaël Perdriau une fois Laurent Wauquiez invité collatéralement au bal juridico-mediatico-politique, il revenait à Hervé Reynaud de conclure. L’intérimaire à l’œuvre saluée par la plupart des intervenants, citait pour cela, dans le fauteuil d’une sorte de juge de paix le philosophe Spinoza : « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre ». « Vivement que la Justice tranche car tout cela entache des élus, des entourages d’élus qui n’ont rien demandé. » Aussi, « il est nécessaire de lever l’ambiguïté » : Gaël Perdriau doit démissionner ou revenir à la faveur d’un vote de confiance. Et je sais qu’il le souhaite. »

Je ne vois personne dans cette assemblée ayant la personnalité et les compétences pour assumer cette tâche. 

Gilles Thizy, maire de Marcenod

Conscient des préoccupations prégnantes de ses futurs ex collègues et d’une « situation intenable », y compris pour les services, il reconnait qu’« on ne pourra pas finir le mandat ainsi. Cependant, je ne suis pas d’accord avec Gilles Thizy, quand il dit qu’il n’y a pas l’expérience, les compétences, l’envergure pour prendre le relais à présidence. » L’(heureux ?) élu aura en charge l’essentiel : non pas une baisse symbolique d’indemnités mais une collectivité indemne. Sans doute perdu d’avance.

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