Accès aux urgences : un second filtre rodé à Saint-Etienne et Roanne
Il y avait déjà l’appel préalable au « 15 » depuis 2023 réclamé, comme ailleurs, aux patients. Il y a désormais aussi dans la Loire, mais sur place, la « re-filiarisaton des urgences vers la médecine de ville ». Cette organisation est « la première à avoir été mise en place en France », précise un communiqué du CHU de Saint-Etienne. En l’occurrence dans cet établissement depuis fin mai. Et aussi au Centre hospitalier de Roanne depuis le 8 juillet. Explications.
Certes, cela ne va pas régler à lui seul les lourdes problématiques des urgences. Leurs embouteillages parfois dramatiques, leur manque structurel de personnels et leurs conditions de travail ne sont d’ailleurs qu’un élément prégnant de la touffue équation posée à l’hôpital public. Sans pour autant tirer à boulets rouges sur le nouveau dispositif qu’est la « re-filiarisaton des urgences vers la médecine de ville », Alexandre Charly, représentant du syndicat FO au sein du CHU de Saint-Etienne tenait à le rappeler lors de notre échange, hier, à propos de sa mise en place. Les venues aux urgences se comptent, chaque année, par de dizaines de milliers dans un établissement comme « l’Hôpital Nord ».
En janvier 2024, le CSE de l’établissement avait donné lieu à un document bilan de la régulation par le 15 mis en place à l’été 2023 : l’appel préalable demandé aux patients – au départ seulement de 20 h à 8 h et, depuis, son adoption définitive généralisée, 24 h/24 – avant de se rendre aux urgences. En comparant les semaines allant de fin juin à octobre compris, il avait été constaté une baisse des venues nocturnes en 2023 : 298 contre 332 en 2022 (et 289 en 2019…). De quoi entraîner, en conséquence, une augmentation de l’activité au SAMU/PDSA de l’ordre de 10 % et de nouvelles interrogations côté personnel quant à la pression, du coup accrue et en partie reportée sur le 15 et ses décisions… A ce dispositif tentant de soulager les urgences réputées débordées par la pénurie au sein de la médecine de ville, s’en est ajouté officiellement un autre dans la Loire au printemps : la « re-filiarisaton des urgences » vers… la médecine de ville.
Premier bilan jugé satisfaisant
Une organisation territoriale qui est « la première à avoir été mise en place en France », relève le CHU stéphanois dans un communiqué envoyé par ses soins en début de semaine. En l’occurrence au sein de cet établissement depuis le 28 mai. Mais aussi au sein du Centre hospitalier de Roanne depuis le 8 juillet. Le principe ? Après évaluation par l’infirmier organisateur de l’accueil (IOA) validée par un médecin d’un patient venu aux urgences sans l’aval du 15 et « dont l’état de santé ne requiert pas de prise en charge relevant d’un plateau technique d’urgence hospitalière » pour relever au contraire, « d’une prise en charge en médecine générale », celui-ci est réorienté vers un opérateur de soins non programmés (OSNP) via une messagerie sécurisée. Travaillant au sein des locaux du Samu, il s’agit du même personnel qui répond, entre autres, lorsqu’on le compose le 15 pour accéder au 15.
Cet ONSP a alors pour tâche de chercher « la meilleure réponse pour le patient en fonction de la disponibilité de son médecin traitant (tentative prioritaire si possible, Nldr) et des disponibilités des autres « effecteurs » *, du lieu de résidence et des possibilités de déplacement du patient. Le rendez-vous est programmé et transmis à « l’effecteur » et au patient. » Résultat du rodage de ce dispositif jugé positif aussi bien techniquement qu’au niveau organisationnel, y compris argue le communiqué côté patient : « Depuis le début de la re-filiarisation des urgences, plus de 500 patients des urgences adultes et pédiatriques ont bénéficié du dispositif, environ 350 via le CHU de Saint-Etienne et 150 du CH de Roanne. » L’organisation sera donc étoffée d’ici la fin de l’année avec de nouveaux effecteurs pour une re-filiarisation encore plus pertinente.
Une mise en place à Firminy discutée
« On est monté progressivement en puissance, en commençant par une personne par jour fin mai pour entre 20 et 30 actuellement, les deux établissements confondus. Cela a vite pris à Roanne parce que le dispositif existait déjà de manière tacite, officieusement », précise à If Saint-Etienne le Dr Yannick Frezet, président de l’association SAS lib42. Créée en 2022, celle-ci regroupe environ 300 médecins généralistes du département, volontaires pour répondre aux réorientations déjà effectuées via « le 15 » en les prenant en charge et donc désormais aussi la « re-filiarisaton des urgences vers la médecine de ville ». « En échange de nos prises en charge, dans ce cadre, les actes des médecins sont majorés de 15 €. Et grâce aux subventions de l’Etat, l’association emploie des administratifs pour la gestion : une dizaine de personnes, ces « ONSP ». Le dispositif de re-filiarisaton a été initié ailleurs mais il est vrai que la Loire est en avance, à Roanne notamment ou encore en raison des expérimentations déjà menées à Saint-Etienne. D’où une mise en place officielle avant les autres. »
Les autres services d’urgence publics, comme ceux des CH du Forez, du Gier et de Firminy pourraient se voir doter à terme du dispositif. Mais c’est au sein du dernier cité que les discussions sont réellement avancées avec SAS lib42. Remarque d’Alexandre Charly, représentant syndical FO au sein du CHU : au-delà de n’être, considère-il, qu’un soulagement très relatif pour les urgences – « c’est un emplâtre sur jambe de bois, le cœur du problème, ce sont les moyens donnés au service public et donc l’épuisement du personnel soumis aux violences : 8 % d’absentéisme sur l’ensemble du CHU » -, le dispositif, s’il se généralise, ne va-t-il pas se heurter à la pénurie humaine qui touche précisément la médecine de ville ? « Celle qui a justement expliqué le recours croissant aux urgences… »
De son côté, Dr Yannick Frezet ne clame pas le contraire : « C’est vrai, on atteindra forcément des limites en capacité de réponse. Mais nous n’avons pas prétention d’avoir apporté la solution miracle à l’hôpital public et à leurs urgences mais simplement d’aider à soulager ces dernières lorsqu’elles voient arriver à leur porte une personne qui a simplement un nez qui coule ou un mal de gorge. »
* Les effecteurs peuvent être : le médecin traitant donc, un membre de la Communauté professionnelle territoriale de santé, un médecin généraliste participant au Service d’accès aux soins (SAS), un médecin généraliste ne participant pas au SAS (avec rdv disponible apparaissant sur la plateforme SAS°), des centres de soins non programmés Prochainement : pédiatres et sage-femmes.