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mercredi 24 avril 2024
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Blocages à l’université Jean Monnet : la tension est montée d’un cran

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Depuis le 7 mars, le campus Tréfilerie et le site Denis-Papin font l’objet de blocages de la part de syndicats étudiants dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites. Ne sont toutefois pas concernés les autres campus de l’université de Saint-Etienne : celui de la Métare, Santé innovations au CHU ainsi que Manufacture, soit environ 60 % des étudiants de Jean-Monnet. Pour les 8 000 autres, alors que la tension monte entre direction et certains bloqueurs, quel est l’impact exact sur les cours et les examens à venir ?

Le site de la rue Michelet, non loin du campus Tréfilerie, a été bloqué seulement quelques jours. Photo OSE-CGT

Les partiels et autres examens des « composantes » concernées resteront-ils programmés aux mêmes dates ? A l’heure où nous écrivons ces lignes, ce mercredi après-midi, c’est oui. C’est-à-dire à partir du 17 avril, pour environ deux semaines, informe la direction de l’université Jean-Monnet interrogée, entre autres sur ce sujet. Elle précise toutefois que cela peut évoluer à tout moment en fonction du contexte et que les situations sont très variables d’une composante à l’autre parmi celles touchées par les blocages. Parce que l’impact sur l’avancée des cours est très variable. Et aussi parce que leurs modes d’évaluation des étudiants sont tout aussi variables : dans certains cursus, le contrôle continu est omniprésent et le contexte ne change pas grand chose.

Côté étudiants bloqueurs, « lors de notre dernière AG jeudi dernier où 350 étudiants étaient présents à la Bourse du travail, nous avons certes voté à une très large majorité la reconduction du blocage – environ une vingtaine de contre seulement – mais en intégrant un certain nombre de compromis comme demandé par beaucoup d’étudiants présents ou par courriels », explique à If Judith Briat-Galazzo, étudiante en sociologie secrétaire générale d’OSE-CGT. Parmi ces compromis, la promesse de ne pas bloquer la tenue des partiels en échange d’un bâtiment spécifiquement dévolu pour ne pas permettre la tenue de cours visés par les actions en même temps, au même endroit. Mais aussi la demande de réouverture de la BU et du Resto’U fermés administrativement mais que « nous n’avons jamais bloqués et ne souhaitons pas bloquer »1.

Blocage mais avec des « compromis » votés jeudi

Déjà derrière les prémices de février (manifestations et « université populaire » à l’amphi J01, avec d’autres organisations, le syndicat OSE-CGT qui revendique 80 adhérents et 150 sympathisants mène ce mouvement de blocage qui ne touche cependant qu’une partie de l’université Jean-Monnet. La Métare, pas plus que le campus Santé innovations au CHU ainsi que Manufacture, soit environ 60 % des 20 000 étudiants de Jean-Monnet, ne sont concernés. A l’inverse de Tréfilerie et de son appendice qu’est le bâtiment de la rue Michelet ainsi que le site Denis-Papin. Le blocage des entrées de leurs bâtiments par des chaînes et « tout ce qu’on trouve » (poubelles, mobiliers…) par une cinquantaine d’étudiants qui relaient leur présence sur ces barrages « de tôt le matin à tard le soir » concerne donc les facultés de Droit, Art-Lettres-Langues (ALL), Sciences humaines et sociales (SHS), l’Institut d’administration des entreprises (IAE), Sciences Po et le Département d’études politiques et territoriales (DEPT) qui va avec ainsi que l’Ecole d’économie.

On est dans un contexte démocratique. (…) Si une majorité devait se dégager en défaveur du blocage, il y aura déblocage.

Judith Briat-Galazzo, secrétaire générale d’OSE-CGT.

« Soulignons que tout le monde est invité aux AG, je dis bien tout le monde, assure Judith Briat-Galazzo. On est dans un contexte démocratique et bien sûr à l’écoute des demandes de compromis, des aménagements de ces blocages comme nous l’avons prouvé encore vendredi. Mais aussi des oppositions et de leur expression : jeudi dernier, il y avait des étudiants de l’Uni et de la Fasee présents qui étaient bien sûr contre. Et si une majorité devait se dégager en défaveur du blocage, il y aura déblocage. » Bloqué un temps, enfin plus exactement, son entrée filtrée, la Maison de l’université ne l’est plus. Tout comme le site Michelet qui l’a été pendant quelques jours et désormais ouvert hormis l’amphi occupé dans le même esprit qu’à J01 en février.

Un arrêté d’évacuation a été pris

Lors de l’AG à la Bourse du travail vendredi où 350 étudiants étaient présents. Photo OSE-CGT

Ce mardi 4 avril, le président Florent Pigeon a cependant pris un arrêté, faisant injonction aux « personnes occupants le bâtiment universitaire du campus Tréfilerie d’évacuer les lieux et de libérer leurs accès ». Pas de conséquences concrètes, ce mercredi à notre connaissance, de cette décision de la part de la présidence qui explique à If son cheminement : « Depuis le 7 mars, dans l’objectif de maintenir des conditions sereines d’études et d’examens à nos étudiants, et dans le respect l’expression et du débat public (sur un sujet national qui dépasse le cadre de l’Université), la présidence de l’Université a maintenu en continu de nombreux points de concertation avec les personnes concernées. Elle a envoyé un communiqué à la communauté universitaire ce vendredi 31 mars et, constant de nouvelles dégradations ce lundi, a pris cet arrêté pour acter la demande formulée dans le cadre des négociations et fermer administrativement le bâtiment Michelet. »

L’expression d’une contestation, aussi légitime soit-elle, ne peut passer par la confiscation de l’espace universitaire, ni par une majorité ni par une minorité.

Florent pigeon, président de l’université Jean-Monnet.

Dans son communiqué de vendredi dernier qui appelait à la fin du blocage, Florent Pigeon rappelait que « l’Université est par essence un espace de débat et de construction de l’esprit critique où doivent pouvoir s’exprimer les idées, dans le respect de la pensée de chacune et de chacun. Pour cela, elle doit rester un lieu ouvert : ouvert aux débats et à la libre circulation ». Mais « l’expression d’une contestation, aussi légitime soit-elle, ne peut passer par la confiscation de l’espace universitaire, ni par une majorité ni par une minorité. Tout comme sont inacceptables les dégradations commises sur les bâtiments de l’Université, les tentatives d’intrusion et les risques pris lors des occupations : circulation sur la zone du chantier et accès aux toitures. Les premières victimes de ces blocages sont les étudiants qui se sont retrouvés privés de cours et d’accès aux services universitaires. Chaque jour, je suis personnellement destinataire de témoignages d’étudiants, de plus en plus nombreux, qui expriment l’anxiété générée par cette situation ».

Un communiqué qualifié d’« irresponsable »

Mais à quel point les cours des composantes ont-ils été réellement impactés ? Difficile de répondre précisément à la question tant les situations sont très variées et difficilement évaluables. Si beaucoup de professeurs suivent les journées de mobilisation générale nationale (la direction de l’université a d’ailleurs donné pour consigne de ne pas organiser d’évaluations ces jour-là), un certain nombre, certes, beaucoup plus restreint, s’associe au blocage en ne faisant plus du tout cours. La faculté de Droit, elle, n’est semble-t-il que peu touchée, son doyen ayant pris très tôt l’initiative de délocaliser les cours au lycée Saint-Louis, à proximité où des salles étaient déjà louées par l’université. Idem apparemment avec l’IAE. Dans les autres composantes, d’autres cours ont été déplacés mais moins systématiquement.

Le retard sur le « programme » est donc partout mais plus ou moins prononcé. Et si la consigne a été aussi transmise d’éviter de recourir au distanciel, en fonction des filières, doyens, directions et professeurs, celui-ci est bien plus ou moins utilisé dans le contexte actuel. « Contrairement à un élément fort du programme d’élection de M. Pigeon », pointe l’OSE-CGT qui y voit un contournement et soulignait, aussi, le 3 avril dans un communiqué que sa demande d’un bâtiment spécifique au partiel restait sans réponse2. Le syndicat dénonçait aussi le communiqué de vendredi de la présidence à l’heure « où un compromis avait été choisi par les étudiants. Ce communiqué irresponsable attise des tensions qui étaient jusque-là minimes, jamais physiques, jamais verbales, et toujours traitées démocratiquement en assemblée générale ».

Pas de bagarres entre étudiants à ce stade

Pas de bagarres, en tout cas jusque-là avec des étudiants opposés à la réforme, confirme Judith Briat-Galazzo : « Encore, une fois, on échange, on discute, il y a débat d’idées mais pas de violences entre nous. Si on reçoit beaucoup plus de messages d’étudiants inquiets sur leur avenir par rapport aux retraites, on prend aussi en compte ceux qui réclament la fin du mouvement. Il y a enfin ceux qui demandent simplement des infos. » Il y a une dizaine de jour cependant, la pose d’une banderole sur la grille du lycée Saint-Louis – « Pas d’université publique dans les lycées privées » – aurait donné lieu selon les étudiants grévistes à un coup de poing assené à l’un d’eux par le directeur à travers la grille. Affaire relatée par nos confrères du Progrès et fait contesté par l’auteur présumé, faisant l’objet d’une plainte déposé par l’étudiant se disant victime.

En outre, l’OSE-CGT assure « qu’un professeur, sans que l’on soit arrivé à identifier qui » aurait agressé il y a une semaine, sur le site Denis-Papin, des étudiants bloqueurs allant jusqu’à leur exprimer « des menaces de mort ». Sur ce sujet, la direction de l’université qui n’a pas identifié qui pouvait être éventuellement derrière ces faits (sachant que bien des professeurs ne sont qu’intervenants), exprime sa solidarité envers ses étudiants bloqueurs et les invite à porter plainte auprès de la Justice. Mais aussi à lui transmettre le témoignage exact et à saisir sa cellule anti-discriminations de l’université où interviennent psychologues, médecins, juristes. Elle est, entre autres, faite pour cela.

1 Mise à jour ce jeudi 6 avril : la direction de l’université assure que ces bâtiments ont bien été bloqués pendant une semaine, « certains étudiants ne pouvaient plus financer leur repas. le RU a fermé 3 jours avec une opération repas gratuits par les étudiants grévistes ». ; 2 La direction assure qu’une réponse a bien été donnée à ce sujet à OSE-CGT lors d’une entrevue : « Cela n’est matériellement pas possible pour une raison de problème de taille de salle en fonction de la taille des promos et du nombre de salles insuffisantes quel que soit le bâtiment. ».

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