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jeudi 18 avril 2024
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Chirurgie et psychiatrie : les autres conséquences de la loi Rist dans la Loire

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Le groupement hospitalier de territoire (GHT) Loire travaille depuis près 2 mois et demi à cartographier, anticiper et pallier les effets de la loi Rist sur l’offre de santé des établissements publics du département. Hormis Feurs, pas de conséquences pour l’instant sur les autres urgences du département. En revanche, les activités chirurgicales du CHU de Saint-Etienne et de Roanne vont pâtir de la situation au moins sur le mois qui vient…

Pas de fermetures d’autres urgences que Feurs. Ici, celles de Saint-Chamond qui poursuivent leurs activités. ©If Média/Xavier Alix

S’agissait-il de canaliser la communication locale autour de la loi Rist à la suite de l’éruption émotive provoquée par le cas de Feurs ? L’invitation envoyée aux médias locaux par le CHU de Saint-Etienne, établissement support du GHT Loire, est tombée mardi après-midi à moins d’une semaine de l’application de la loi. Mais le jour même des interpellations par deux députés du ministre de la Santé François Braun à l’Assemblée nationale sur ce sujet, dont Jean-Pierre Taite à propos des urgences de Feurs. Et environ une semaine après l’annonce officielle de la fermeture des urgences de l’un des deux sites du Centre hospitalier du Forez, suivi d’une manifestation devant ce dernier samedi matin… Pourtant, cela fait 2 mois et demi que le groupement hospitalier de territoire (GHT) se casse la tête pour limiter les dégâts de cette énième problématique découlant de celle générale touchant l’hôpital public.

Le GHT, cette coopération fédérative regroupant 15 établissements dont le CHU et les 5 CH MCO (assurant chirurgie et obstétrique) de Roanne, du Forez, de Firminy, du Gier et d’Annonay, le Nord Ardèche y étant rattaché, sert d’ailleurs typiquement à ça : au-delà de certaines mutualisations techniques, trouver des solutions collectives aux problèmes communs, sinon particuliers aux uns ou aux autres. Président de son comité stratégique, le directeur du CHU de Saint-Etienne Olivier Bossard tenait avant tout à rappeler les motifs justifiant la loi Rist : « Réduire les tarifs pratiqués par certains établissements publics pour attirer des médecins intérimaires. On a entendu beaucoup de chiffres : jusqu’à des 4 000 € bruts pour 24 h de garde assurée en urgence. Dans certains territoires, ce niveau a été atteint. » Et dans la Loire ? « On n’a jamais dépassé les 1 500 € bruts », assure Olivier Bossard.

L’Etat des lieux

Confronté à une pénurie de personnels médicaux et paramédicaux conjugué à la concurrence déloyale du privé qui les paie beaucoup plus, l’hôpital public a accentué son recours à l’intérim – qui a aussi son utilité en temps « ordinaire », souligne le GHT, sans atteindre cette ampleur – ces dernières années pour parvenir à faire fonctionner ses services. Mais en ce qui concerne les médecins en tout cas, cela coûte cher, très cher aux finances publiques. Aussi, la loi visait-elle à sonner la fin de la récré tarifaire à défaut de donner une solution pérenne sur le vrai enjeu : l’attractivité de l’hôpital public. « Il y avait une distorsion croissante entre les praticiens permanents au cadre statutaire », ajoute Olivier Bossard. Primes de garde comprise, un praticien en milieu de carrière gagne mensuellement environ 7 000 € bruts. Cinq gardes de 24 h en un mois, pouvaient donc suffire dans la Loire pour être au-dessus !

La qualité de notre offre de soins repose sur cette stabilité.

Olivier Bossard, directeur du CHU

On ne sera cependant pas tellement en dessous avec la loi Rist puisque face à l’émoi national, le plafonnement a été finalement relevé, a-t-on appris en début de semaine, de 1 170 € bruts à 1 390 € bruts les 24 h de garde… Malgré tout, Olivier Bossard voit dans la loi Rist, au-delà d’une simple limitation des coûts, « un corollaire : stabiliser nos équipes. Forcément, quelqu’un en intérim, venant ponctuellement, ne peut pas être autant impliqué que des permanents dans notre projet. La qualité de notre offre de soins repose sur cette stabilité ». Conscient des conséquences immédiates qu’aurait la loi Rist – malgré une rémunération maintenue à un niveau gigantesque pour les médecins, beaucoup d’intérimaires refusent de passer à ce « tarif » –, le GHT a donc fait un état des lieux au sein de ses établissements et élaborer des réponses adéquates, confrontés qu’ils sont à la « double injonction contradictoire d’assurer la permanence des soins et d’appliquer la loi Rist ».     

Quelles sont les zones de « fragilité » ?

« En 2022, en moyenne, tous établissements confondus, nous avions sur le territoire du GHT 33 équivalents temps plein de médecins en intérim, soit environ 65 praticiens », chiffre le Pr Eric Alamartine, président du collège médical du GHT Loire. Derrière l’état des lieux, il s’agissait évidemment « d’identifier les zones de fragilité et là où il y avait un risque de rupture des services, de la cartographier, poursuit Cyril Guay, directeur du CH Nord Ardèche. Soulignons que certains intérimaires ont décidé de poursuivre malgré la loi Rist, d’autres non, d’autres encore, jouent l’incertitude ». Ces zones de « fragilité », quelles sont-elles ? « Trois disciplines sont touchées : les urgences, l’anesthésie/réanimation affectant les volets chirurgie et obstétrique et enfin la psychiatrie, en hospitalisation à domicile du côté de Roanne, en pédiatrie côté Forez, liste Olivier Bossard. Pour cette dernière fragilité, la problématique est plus ponctuelle et ne met pas en cause la mission de maintien des soins. »

En 2022, en moyenne, tous établissements confondus, nous avions sur le territoire du GHT 33 équivalents temps plein de médecins en intérim.

Pr Eric Alamartine

Au moins une bonne nouvelle au milieu des mauvaises : au niveau des urgences, d’une manière générale particulièrement confrontée aux pénuries de recrutement, seule Feurs où défilent 15 000 à 20 000 passages par an est touchée au point d’être contrainte (choix malgré tout contesté par des soignants foréziens) à la fermeture. Une prise en charge spécifique a été mise en place dans le Forez, l’ARS privilégiant le Smur et le Samu/115 orientant les patients à Montbrison, où les urgences ont été maintenues (et pourraient même passer de 2 à 3 lignes de soins) plutôt que Feurs en raison de la présence sur son site de la réanimation, du bloc opératoire et de la maternité. « Avec des Smur à partir du CHU, de Tarare, Roanne, et Montbrison, soit un périmètre maximum de 30 min, Feurs n’est donc pas isolée », note François Ballereau,

Au CHU, l’activité chirurgicale réduite de 10 %

Olivier Bossard, directeur du CHU, se réjouit d’une coopération efficace et désintéressée entre membres du GHT de la Loire : « Ce n’est pas le cas partout ailleurs ». ©If Média/Xavier Alix

« Ailleurs, à l’heure où je vous parle, nous arriverons à tenir toutes les lignes, précise le Dr François Ballereau, chef des urgences de Firminy et vice-président du GHT. C’est garanti pour au moins un mois et demi. » Pas de danger en l’étatpar exemple à Saint-Chamond où les urgences avaient été contraintes de fermer la nuit des mois durant fin 2021-début 2022, leur redémarrage s’étant heureusement fait avec des titulaires. Sur les urgences, il faut bien avoir en tête que 40 % des postes sont vacants sur la GHT, 50 % même au niveau du CHU. Pour qu’elles continuent de fonctionner, il y a donc l’intérim mais aussi les nombreuses heures supplémentaires effectuées par les titulaires sans oublier l’aide apportée par les internes. Reste que si la loi Rist n’a, pour l’instant, pas d’autres conséquences sur les urgences que celles de Feurs, des services d’anesthésie/réanimation sont en revanche touchées aussi.

A commencer par le CHU de Saint-Etienne qui va donc devoir réduire « de 10 % son activité chirurgicale en avril en espérant retrouver un niveau normal en mai, annonce Olivier Bossard. On va étaler, comme avec le Covid même si on en est loin : durant la pandémie, nous avions réduit cette activité de 40 % en 2020. La fermeture de quelques lits en réanimation pédiatrique n’a en revanche rien à voir mais est lié aux évolutions de surspécialisation à digérer séparant néonatologie et pédiatrie. » Au niveau chirurgie encore, le CH de Roanne est, lui, touché au niveau de la gastro-entérologie puisque sur trois médecins dans le service, deux sont intérimaires. Les patients de Roanne devraient donc être transférés à Saint-Etienne. « Mais on est moins inquiet qu’à une époque, le service pourrait même rouvrir fin avril si on se fie aux derniers échanges avec les intérimaires, que l’on espère prêts à revenir sur leur décision vis-à-vis de la situation des patients… » Le serment d’Hippocrate peut-être ? Extrait de celui affiché par l’Ordre national des médecins : « Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain… »

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