Dans le rouge, la MRL entend prendre des mesures
En 2022, la Maison de retraite départementale de la Loire a enregistré un déficit de 1,3 million d’euros, qui aurait pu atteindre les 3,2 millions d’euros sans des crédits et des dotations exceptionnelles du Département et de l’ARS. Sommée de prendre des mesures, la direction a proposé un scenario qui ne passe pas auprès des agents.
En début d’année, la Fédération hospitalière de France alertait sur une situation financière des Ehpad qu’elle juge « dégradée ». Ainsi, 85 % des établissements publics anticipaient un budget dans le rouge fin 2022, avec des déficits « très importants », toujours selon la FHF. Des difficultés qui sont le résultat de plusieurs facteurs, et qui sont également présents dans la Loire. « En 2022, nous avons un déficit global à hauteur de 1,3 million d’euros, explique Myriam Caucase, directrice de la Maison de retraite départementale de la Loire. Si on n’avait pas eu des crédits ou des dotations exceptionnelles du Département et de l’ARS, ce déficit aurait atteint les 3,2 millions d’euros. L’année précédente, il y avait 600 000 euros de déficit, et 500 000 euros l’année du Covid, mais aussi parce qu’on avait des réserves et que l’on pouvait piocher dedans ». Alors pourquoi la situation financière de la MRL s’est tant dégradée ?
Quoi qu’il en coûte ?
La directrice l’assure, l’établissement était jusqu’ici en bonne santé financière, « même si on prenait dans nos réserves car on vivait un peu au-dessus de nos moyens, il faut le dire, concède-t-elle. Seulement, le Covid est arrivé avec le ‘quoi qu’il en coûte’ qui a provoqué une hémorragie dans les services au niveau des effectifs. On a dépensé énormément sur ce point et parfois, il y avait trop de personnel dans certains services, donc ça a plombé les finances de l’établissement, notamment dans les soins. J’ai demandé, chaque année, que l’ARS finance le ‘quoi qu’il en coûte’, mais tous les surcoûts Covid n’ont pas forcément été complétés ». Après cette période s’est tenu le Ségur de la santé, qui a intégré les primes Grand âge aux salaires des soignants, le Complément de traitement indiciaire pour tous les agents, et la hausse du point d’indice de la fonction publique. Myriam Caucase explique que les primes sont forfaitaires, ainsi, les établissements ne sont pas toujours remboursés à l’euro près. En effet, les crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ne correspondent pas exactement aux coûts réels. Constat également fait par la FHF, ainsi que d’autres établissements. En plus de tout cela, une inflation inédite touche les entreprises, et il y a aussi un désamour de la clientèle…
Maintenir à domicile
Encore aujourd’hui, beaucoup de familles ont été marquées par la pandémie et ont peur que leurs aînés soient de nouveau confinés en Ehpad si cela devait recommencer. A cela, vient s’ajouter l’affaire Orpea qui achève de convaincre les familles qu’un maintien à domicile au maximum est la meilleure solution. « Aujourd’hui, j’ai 19 lits vides, et il y en avait 27 la semaine dernière, parce qu’en plus nous avons encore des chambres doubles, souligne la directrice. Or, beaucoup de couples de personnes âgées ne veulent plus être dans la même chambre. On y met donc une seule personne et il y en a 39 au total. C’est autant de crédits d’effectifs en moins. Les cadres de santé et les médecins me disent qu’il n’y a même pas de dossiers en attente, il faut bien trouver des solutions. ». C’est pourquoi, dans le cadre du projet d’établissement, la directrice souhaite transformer ces places en hébergement temporaire Alzheimer ou en post hospitalisation, qui affichent des prix à la journée plus élevés.
Identifier des leviers pour économiser
Seulement l’ARS et le Département souhaitent que l’établissement retrouve sa santé financière. C’est pourquoi ils attendent que des propositions leur soient faites. Sur ce principe, ils se sont basés sur les ratios d’encadrement à l’échelle de la Loire. Il a été constaté que l’établissement a moins d’aides-soignants que les autres et, après audit par des consultants spécialisés, la directrice pointe qu’il manque 12 Equivalents temps plein (ETP) à la MRL pour un accompagnement optimal. « Puis, on a vu que nous avions un ratio d’infirmiers un peu plus élevé que la moyenne avec trois personnes supplémentaires. Nous sommes prestataires IDE de nuit en Ehpad pour les neuf établissements du secteur donc on a besoin de ces infirmiers pour pouvoir aller dans les établissements la nuit. Le rapport souligne que l’on a deux cadres de santé en trop également. Comme ce sont des personnes qui partent à la retraite l’année prochaine, l’idée était de ne pas les remplacer ». En revanche, le rapport fait état de 43 ETP d’ASH(Agent de services hospitaliers) en plus que la moyenne…
La CGT voit rouge
« On se base sur la moyenne des autres établissements, mais ce que l’on ne dit pas, c’est que nous avons des surfaces beaucoup plus importantes à couvrir, explique Christelle Colomban, secrétaire du syndicat CGT MRL. On a quatre bâtiments, ce n’est pas comparable ». Côté direction, on somme la directrice de faire des propositions, alors que le rapport des consultants préconise de supprimer 29 postes sur les 43 en plus. « Je suis donc allée voir les responsables pour avoir des scenarii en termes de prestations selon qu’il y avait cinq ASH de moins, puis dix, etc, rapporte la directrice. Elles m’ont dit que l’on pouvait maximum retirer douze personnes d’un service et cinq de l’autre, sinon cela ne fonctionnerait plus. Dans l’hypothèse où on suivait ce scenario, on a regardé comment faire en sorte de ne pas licencier ». Côté CGT en revanche, on reproche des agissements fait dans le dos des agents, qui n’avaient pas été informés d’éventuelles suppressions de postes.
Six mois de sursis
« La directrice devait supprimer dix-sept postes en catimini, regrette la secrétaire du syndicat. Nous l’avons appris parce qu’il y a eu des fuites. Si on supprime des postes, cela va impacter tout le monde, et le pôle hôtelier ne pourra plus faire les chambres quotidiennement. Nous ne sommes pas là pour l’argent mais pour l’humain ». Myriam Caucase assure qu’elle n’avait pas informé les salariés car elle n’avait pas reçu l’aval des différentes instances pour valider le scenario envisagé. Et pour cause, la veille du dernier Conseil d’administration fin avril, le Département a suspendu le projet pour six mois. « On a des contrats qui se terminent le 30 juin. Il s’agit de personnes présentent depuis quelques mois sur des postes un peu vacants. La proposition que je voulais faire, c’était de ne pas renouveler ces contrats, mais de trouver des solutions de repli à ces personnes. Pour ceux qui le souhaitent, l’idée était de les basculer dans les soins tout de suite et de transformer 12 postes d’ASH en postes aides-signants. La formation aurait été financée par l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. Cela en aurait sauvé six immédiatement, voire 12 d’ici la fin de l’année ». Pour la CGT, rien n’est sûr.
Un départ annoncé
A cela, vient s’ajouter le départ de la directrice à la fin du mois de juin. Elle indique que cette décision a été prise bien avant le Covid, qui l’avait obligée à repousser son projet. Après 14 années au sein de la MRL, elle se dit usée. Christelle Colomban interprète cela comme une fuite en avant. « Elle met le bazar et elle part. Les personnels sont mal, ils ont peur de ce qui va arriver dans six mois. Ils veulent garder leur poste, sinon cela va être catastrophique, et beaucoup de familles sont d’accord avec nous. Il y a déjà des choses qu’on ne peut pas faire car nous ne sommes pas en nombre suffisant. Pendant le Covid, on a constaté qu’il manquait du personnel et maintenant il faudrait en enlever, ça n’a pas de sens ». Une peur que la directrice entend, en expliquant que c’est ce qui a motivé sa volonté de présenter un projet sans licenciement, mais plutôt avec des transformations de postes et des contrats non renouvelés.
Statu quo pendant six mois
La CGT a demandé à ce qu’un Comité social et économique (CSE) soit organisé de manière extraordinaire. Une réunion qui se déroulera le 30 mai prochain. Christelle Colomban espère y obtenir des réponses sur une situation qu’elle estime floue et espère que les différentes instances prendront leurs responsabilités. Les représentants ont également demandé à savoir quel était le ratio du déficit concernant le personnel, l’inflation et le manque d’activité. « Il y a déjà eu un CSE le 25 avril, mais nous voulons des réponses claires. La directrice adjointe a quitté l’établissement, nous sommes dans une situation où il ne va y avoir que des nouveaux arrivants. Tout le monde est inquiet, tant au niveau des agents que des cadres ». En attendant un nouveau directeur, l’intérim sera assuré par le CHU de Saint-Etienne, faute de candidat. « Aucun collègue n’a voulu assurer l’intérim ici », affirme Myriam Caucase. Les différentes parties ont désormais six mois pour trouver comment renflouer les caisses…