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Gestion de l’eau et de la sécheresse : ce qui va changer dans la Loire

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Fin juillet dernier, au cœur d’une crise sécheresse qui risque de vite perdre son caractère historique, la préfète de la Loire évoquait la nécessité de mettre à jour, avant l’été suivant, l’arrêté cadre du département imposant à différentes parties, divers degrés de restrictions selon la situation des cours d’eau. C’est fait depuis le 18 avril alors que parallèlement, le travail autour de l’adoption d’un Projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) avance. Voici ce qui va changer.

Le barrage du Couzon au-dessus de Rive-de-Gier, dramatiquement bas mi mars, heureusement reparti à la hausse depuis. Photo transmise par la préfecture de la Loire.

Cela pendait au nez de toute la France. A une goutte de voir ses ressources en eau placées en vigilance sécheresse – stade de « sensibilisation » préalable aux restrictions – il y a 2 mois avant même la fin de l’hiver, la Loire y a finalement échappé de justesse. Ce n’est pas le cas du département voisin du Rhône, placé lui dans cette situation de manière très précoce le 14 avril. Preuve que malgré les pluies très correctes de mars-avril et des températures relativement basses évitant une évapotranspiration prématurée, la situation reste précaire. Peut-être comme jamais. La Loire, elle, revient cependant de loin : le taux de remplissage moyen des barrages du Roannais n’était que de 51 % mi-février. Celui de l’ensemble des de barrages de Saint-Etienne Métropole atteignait seulement 48,8 % autour du 10 mars et même 38 % fin janvier…

Le bilan dressé le 21 avril, pour ces deux mêmes territoires, était heureusement considérablement meilleur : respectivement près de 95 % et 69 %. On approche même les 90 % dans l’Ondaine et on est désormais à 100 % pour certains ouvrages du Gier (Rive, Soulage à Saint-Chamond). Le plus important en termes de population alimentée en eau potable (il est destiné à fournir Saint-Etienne, sa couronne, voire dépanner le sud Forez), Lavalette, en Haute-Loire plombant la moyenne avec un anormal 65 %, cependant bien supérieur aux 30 et quelques pourcents franchement dramatiques de fin janvier. Ouf donc… pour l’instant. Car chaque goutte d’eau qui tombe continue à compter. Et ce qui compte aussi, c’est de mettre à jour la gestion et la réaction des pouvoirs publics. Face à l’urgence, pour commencer.

La Loire passe de 9 à 12 zones de suivi

La préfecture le disait l’été dernier : il convenait en effet de mettre à jour le plus rapidement possible l’arrêté cadre sécheresse de la Loire – s’il découle des décisions et de leur évolution à échelle nationale et des grands bassins versants des fleuves Loire et Rhône, il varie aussi au niveau départemental – dont la dernière version fixant les règles locales de restrictions sur neuf territoires, datait de 2016. Mais, ces règles, on ne pouvait pas « brusquement (les) changer au milieu de l’été », expliquait fin juillet Catherine Séguin, alors préfète de la Loire. C’est finalement son successeur, Alexandre Rochatte qui aura concrétisé un travail initié en avril 2021, repris au fin 2022 et « à la suite d’une concertation des parties prenantes conduite en continu, relancée en mars/avril 2023 » en faisant adopter ce nouvel arrêté cadre il y a pile deux semaines, consultable avec ses annexes sur son site.

Carte des 9 zones de suivi (ici colorées conformément aux restrictions en vigueur fin juillet 2022) valable jusqu’en avril 2023.

Il faut rappeler que cet encadrement est relativement récent, la gestion de cette préoccupation telle que nous la connaissons actuellement n’ayant réellement émergé qu’avec le fameux été 2003, véritable genèse de mesures modifiées depuis en fonction de l’expérience, des évolutions et de l’accumulation de connaissances. « Ce qui nous amène à chaque révision de l’arrêté cadre à affiner notre niveau de précision et donc d’adaptation, explique Claire-Lise Oudin, responsable du service eau et environnement de la DDT 42. D’où, par exemple l’évolution des zonages dans le nouvel arrêté, grâce aux informations cumulées ces dernières années : davantage de données donc mais aussi de moyens de mesures. » Rendue plus que nécessaire par les accumulations d’épisodes de sécheresse, et l’évolution du cadrage national mais aussi des bassins des agences de l’eau Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée garantes d’un débit suffisant en aval, la mise à jour est d’abord géographique.    

Les nouvelles zones de suivi depuis avril 2023.

Pour les particuliers

Le département compte désormais non plus 9 zones de suivi (à partir de leurs cours d’eau) mais 12 : l’ensemble assez gigantesque qui constituait jusque-là la zone dite des Monts du Forez est désormais divisée en trois : du nord au sud, « Aix », « Forez Lignon – Vizézy » et « Forez Ance – Mare – Bonson » et les rives du Rhône, ont été détachées de la zone dite « Pilat Sud » constituant, une mince bande indépendante à l’est de celle-ci. Voilà pour le changement de paysage et au niveau du contenu ? Faute de mieux techniquement, a fortiori dans un département naturellement peu doté en ressources souterraines (70 % de ressources ponctionnées le sont en surface) ? Les débits des cours d’eau, cependant sur une base plus sévère car à partir des moyennes 2017/2019 et non plus 2014/2016, restent ce qui guident les décisions de faire passer ces mêmes zones en situation de « vigilance », « alerte », « alerte renforcée » et « crise ».

Un peu plus de contraintes théoriques pour les particuliers. Photo d’illustration.

Trois degrés croissants de restrictions donc, là aussi inchangés dans leur nombre et appellation mais avec en revanche des évolutions sur les décisions qui peuvent s’appliquer aux particuliers, entreprises et agriculteurs. Pour les premiers, « l’eau en pénurie est désormais de l’eau en pénurie d’où qu’elle vienne » : peu importe désormais « qu’elle soit ponctionnée dans une retenue ou dans un cours d’eau, s’il y a restriction, par exemple de l’arrosage pour les particuliers, elle s’applique uniformément. Avant il y avait cette distinction sur l’application de restriction, explique Elise Régnier, directrice de la DDT Loire. Il y avait besoin de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. C’était plus que difficile d’expliquer aux entreprises et agriculteurs qu’ils devaient se restreindre alors que des particuliers pouvaient dans la même zone continuer à arroser des jardins avec de l’eau potable. L’effort doit être collectif. Et justement, ce nivellement concerne aussi les collectivités locales ».

Pour les entreprises et l’agriculture

Les gestionnaires – intercommunalités ou les syndicats qui en dépendent – sont d’ailleurs désormais en mesure de prendre eux-mêmes des restrictions localisées et de les communiquer. Un outil utilisé pour la première fois dans le Roannais fin février. Du côté des entreprises et de l’agriculture, aussi, le nouvel arrêté cadre se veut incitatif avec les bons élèves. L’effort progressif réclamé à un industriel sur la consommation liée à son process (ce qui exclut l’hygiène et la sécurité) à chaque stade franchi (- 25 % en alerte, – 50 % en alerte renforcé, – 100 % crise) sera moindre s’il a investi ou investit dans des techniques et du matériel d’économies et/ou de réutilisation de la ressource. « Il n’y a pas d’année référence pour ne pas léser ceux qu’ils l’avaient fait depuis des années. Ce plan de sobriété hydraulique peut se travailler avec la CCI, les entreprises ayant pour cela la Dreal Aura comme interlocutrice, précise Elise Régnier. Cette possibilité s’applique aussi aux exploitations agricoles. »

Un suivi plus précis pour l’agriculture. Photo d’illustration.

Côté agriculteurs, le nouvel arrêté cadre a ajusté (annexe 5) certains horaires de restrictions et va plus loin aussi sur la précision des mesures en fonction des cultures. Mais « la modification majeure concerne avant tout le régime dérogatoire du barrage de Grangent vis-à-vis de l’alimentation du canal de Forez et donc des agriculteurs qui l’utilisent », note Claire-Lise Oudin. Confrontée au choc des besoins, tous aussi légitimes les uns les autres (agriculture, industrie, production hydroélectrique, tourisme, maintien d’un débit suffisant exigée à l’échelle du bassin pour l’aval etc.), la préfète était parvenue l’été dernier à un compromis avec un abaissement exceptionnel de la cote de la retenue de 419 à 418,2 m. Mais rien n’était prévu à ce sujet dans l’arrêté de 2016. C’est le cas désormais (annexe 8), avec cette référence, visant un pilotage plus fin et donc plus réactif, plus rapide.

Avec le PTGE, la Loire travaille à cerner ses besoins à venir

Un Projet de territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE) est défini par les autorités comme « un plan d’actions par lequel l’ensemble des usagers de l’eau d’un territoire s’engagent à atteindre dans la durée un équilibre entre la satisfaction de leurs besoins et la nécessité de préserver les milieux naturels ».

Les équivalents déjà adoptés ou près de l’être (comme dans le Gier, normalement d’ici fin 2023) au sein du bassin Rhône-Méditerranée sous d’autres appellations, les PTGE à l’échelle des départements concernés par le bassin Loire-Bretagne sont en cours d’élaboration. Les grandes étapes de son élaboration sont ainsi présentées :

  • La disponibilité de la ressource en eau est évaluée, en tenant compte des projections climatiques et des exigences des milieux naturels ;
  • Les besoins à 10 et 30 ans des différents usages de l’eau (agricoles, industriels, domestiques, récréatifs, etc.) sont anticipés ; il en découle un accord sur le niveau de ressource qui sera mobilisable pour chaque usage à ces échéances ;
  • Des aides financières sont accordées (Agence de l’eau, Région) pour rendre effectif cette nouvelle répartition de la ressource, notamment pour la création d’ouvrages de stockage ou de transfert d’eau qui permettront de réduire les volumes prélevés en période estivale ; en contrepartie des investissements publics accordés, les différents usagers s’engagent à réaliser des économies d’eau.

L’instruction ministérielle du 7 mai 2019 relative aux PTGE précise qu’en présence d’un « Sage » (Schéma d’aménagement et de gestion des eaux), la Commission locale de l’eau constitue le cadre « naturel » de son comité de pilotage, le choix de la structure porteuse étant en revanche laissé au libre choix des acteurs locaux. La Loire dispose d’un Sage (qui concerne la majeure partie de son territoire, soit 293 communes, excluant cependant l’extrême nord, sud-est et sud-ouest) dont la collectivité motrice est le Département de la Loire. Mais un PTGE n’a pas de portée règlementaire. Il représente seulement une « proposition contractuelle » déclenchant les financements évoqués plus haut.

En revanche, il représente le volet capitalement quantitatif – situation actuelle en consommation, pluviométrie, ressource débit, évolution par rapport à des périodes précédentes de référence et enfin, et projections des évolutions à attendre d’ici 20 à 40 ans – contribuant ainsi considérablement à la révision du Sage Loire, lui aussi en cours et impactant, par exemple, les futures règles d’urbanisme. Lancée septembre 2022 l’élaboration PTGE de la Loire dont les premières données statistiques passées, actuelles et à venir peuvent déjà se consulter en téléchargeant doit être concrétisé d’ici 2025.

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