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samedi 5 octobre 2024
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Life va redonner du lit et – un peu – de vie à La Loire

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Objet de partenariats publics, associatifs et privés, le projet du Département de la Loire destiné à son fleuve éponyme, a été retenu par « Life », programme européen de renaturation. De Saint-Just-Saint-Rambert à Feurs, 30 km de berges bénéficieront ainsi, jusqu’en 2030, de 6,25 M€ de travaux menés par les collectivités, l’Etat, des associations ou sociétés privées. Pas de quoi enterrer définitivement les dégâts causés par l’activité humaine à un fleuve très excessivement privé de ses sédiments. Mais l’initiative a le grand mérite d’enfin s’attaquer à la problématique. Cette « re sédimentation » est une première pour le fleuve, de sa source à l’embouchure.

Vue sur le fleuve Loire depuis le pont de Veauchette. Capture Google Street view.

La quatrième tentative aura été la bonne. Heureusement que la phobie administrative ne coupe pas les rames à toutes les motivations. Certain même que les subventions obtenues auprès de l’UE dépassent largement l’investissement en aspirines, imprimés, voire les ressources humaines mobilisées. Vendredi, dans les locaux qu’ils partagent avec la préfecture juste avant de tenir un « Copil » (comité de pilotage) inaugural de la mise en œuvre concrète de Life, le Département de la Loire, avec l’Etat à ses côtés, a beaucoup insisté sur les méandres administratifs, les allers-retours avec Bruxelles, bref la pugnacité dont il a fallu faire preuve afin d’être sélectionné par ce programme de l’UE. « Il a fallu s’y reprendre à quatre fois, je veux dire monter et remonter quatre dossiers, 4 ans consécutivement, indique Daniel Fréchet, vice-président du Département chargé du cycle de l’eau et aux Grands projets. A chaque fois, c’était insuffisant même si notre note s’améliorait. On a fini par y arriver ! »

C’était en 2022, non sans avoir connu au préalable de « nombreux moments de doutes, concède son président Georges Ziegler. Mais il faut apprécier l’énorme travail de nos services et des partenaires. Cette complémentarité a de quoi rendre enthousiaste. » Si on préfère voir le fleuve à moitié plein vis-à-vis de ce long cheminement, mieux vaut que l’utilisation de l’argent public soit trop cadré que pas assez… Un « instrument financier de la Commission européenne, dédié au soutien de projets innovants, privés ou publics dans les domaines de l’environnement et du climat » : voilà comment l’Etat français définit lui-même le programme « Life » (acronyme en fait francophone de « L’Instrument financier pour l’environnement ») lancé en 1992 et, depuis, derrière des milliers de projets. Dont désormais au rayon « nature et biodiversité » (un des 4 volets de Life 2021- 2027 : 5,4 Md€ de budget), celui porté par la Loire sur l’essentiel de la partie forézienne de son fleuve éponyme. Le Département s’est positionné comme pilote en qualité de porteur des démarches Natura 2000 sur le fleuve et du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux de la Loire en Aura (Sage LRA).

Début des travaux en 2025

La mise en œuvre des premiers travaux ligériens y est attendue pour début 2025 : 3 ans de décalage avec la date de sélection liés, nous précise Daniel Fréchet à une autre longue étape administrative. Mais côté français cette fois avec des exigences de la Haute autorité environnementale, une étude d’impact, point par point, réclamée un peu trop tardivement au regard des précisions réclamées selon l’élu. « Or, l’UE a déjà versé 1 M€ ». Il ne faut donc plus perdre de temps et consommer les crédits d’ici 2030 pour des travaux totalisant un investissement de 6,246 M€. L’UE va donc couvrir cette somme à hauteur de 60 %, soit 3,742 M€. Suivent aussi l’Etat « indirectement » –  via l’Agence de l’eau Loire Bretagne – pour 1,2 M€ et « directement » par le biais du ministère de la Transition écologique (200 000 €). Un « groupement de carriers » y consacrera 100 000 €. Le reste de la somme – 1 M€ donc – est assuré par différents maîtres d’ouvrage, en premier lieu le conseil départemental, coordonnateur de l’ensemble et aussi directement derrière une partie des travaux.

Vendredi, les actions retenues ont été présentées à l’hôtel du Département et le « contrat territorial Loire forezienne » en découlant signé par les partenaires. ©If Saint-Etienne / Xavier Alix

Sont de la partie encore, l’Établissement public Loire (EPL), France Nature Environnement (FNE Loire), le Comité départemental de randonnée pédestre de la Loire, le Conservatoire botanique national du Massif central (CBNMC), l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), la Communauté de communes de Forez-Est. DDT et EDF sont aussi associées. C’est sur quelques kilomètres à l’est et à l’ouest du fleuve et 30 km de long, de Saint-Just-Saint-Rambert en amont à Feurs en aval que ces travaux auront lieu, chacun de leur côté. Objectif : reconstituer du mieux possible et dans la limite des sommes disponibles un « lit » au fleuve. Ce n’est pas un scoop : dans cette zone de la Loire, il n’en reste quasiment que le « sommier ». Des décennies d’extraction par les carriers alliées à l’effet secondaire indésirable depuis les années 50 du barrage EDF de Grangent en aval (il retient les sédiments, provoquant aussi en amont d’autres problématiques) ont enfoncé le fleuve jusqu’à 1,5 m de profondeur et supprimé le matelas sédimentaire.

« Pour le fleuve Loire, c’est une première »

On le devine : pas de quoi doper la biodiversité des lieux, d’autant plus riche, capitale et dense dans les zones alluviales même si « ici, contrairement à la Touraine par exemple, c’est bien davantage le lit majeur que celui mineur (celui où coule à débit « normal » une rivière entre deux berges) qui a subi massivement ces extractions. Avec ses conséquences de nos jours à quelques kilomètres des berges », précise à If Renaud Doitrand, responsable du Pôle conservation de FNE Loire. « Pendant presque 30 ans, FNE Loire (Frapna jusqu’en 2019, Ndlr) a essayé d’obtenir l’aide du programme Life, ajoute ce dernier. Rappelons d’ailleurs que c’est grâce à des fonds européens que nous avons pu créer, entre autres, l’Ecopôle du Forez. Le Département a pris la main sur Life et y est parvenu avec beaucoup de partenaires dont nous, c’est une très bonne nouvelle. Maintenant, sur le long terme, cela ne sera pas suffisant pour restaurer et stabiliser l’apport sédimentaire que le fleuve devrait avoir et pour que la vie s’y restaure pleinement. »

C’est une très bonne nouvelle. Mais sur le long terme, cela ne sera pas suffisant pour restaurer et stabiliser l’apport sédimentaire que le fleuve devrait avoir et pour que la vie s’y restaure pleinement. 

Renaud Doitrand, responsable du Pôle conservation de FNE Loire

Cela reste un premier pas positif, se réjouit toutefois Renaud Doitrand avec ce mérite, entre autres, d’expérimenter pour la première fois sur l’ensemble du dernier fleuve encore plus ou moins sauvage – toujours davantage que le Rhône – d’Europe occidentale une « re sédimentation ». « Cela s’est déjà fait ailleurs en France, en Dordogne je crois mais pour la Loire, le fleuve, c’est une première. Il y a cet aspect expérimental intéressant, cela va permettre d’en tirer des enseignements sur la renaturation. » Il n’y a d’ailleurs pas que la nature, certes en première ligne qui subit les conséquences de cette « incision du fleuve » dû au « déficit sédimentaire », le Département relève dans sa présentation de vendredi, qu’elle est aussi responsable de la fragilisation des ouvrages d’art (comme les ponts) et des captages d’eau potable.

Alors l’idée, avec 6 millions et quelques centaines de milliers d’euros est de « réactiver l’érosion latérale des terrains en bordure de Loire », « rétablir les dépôts alluvionnaires à travers la gestion de la végétation des bancs présents dans le lit », « expérimenter la reconstitution de matelas alluvial du lit en matériaux grossiers » ou encore « restaurer les annexes fluviales déconnectées du fleuve ». Et en ce qui concerne le barrage de Grangent, responsable, en partie et de manière structurelle, du « déficit de sédiment » du fait qu’il ne retient pas que l’eau ? Le projet Life, nous précisait-on vendredi dernier à la préfecture, n’aborde pas cette problématique. Selon nos informations, la Haute autorité environnementale dans ses demandes vis-à-vis de l’impact aurait justement pointé cet élément capital de la situation d’ensemble.

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