Ligne Saint-Etienne / Clermont : « Goudronner des passages à niveau, c’est donner un signal »
En lutte pour faire rouvrir les 48 km de voies fermées depuis 2016 entre Boën et Thiers coupant la liaison ferroviaire entre les agglomérations stéphanoise et clermontoise, l’association LeTrain634269 organisait ce lundi une énième mobilisation. Cette fois pour dénoncer la « tentative de sabotage », « illégale » selon elle que représente la substitution des rails par du bitume sur de deux passages à niveau de même cette portion. Elle l’interprète comme le signal d’une ligne condamnée. Contactée par If, SNCF Réseau AuRa qui a renoncé dans l’immédiat, dédramatise, arguant l’impératif de sécurité et la réversibilité facile de l’opération.
« La reprise des circulations est possible dès lors qu’une décision politique sera prise », tient à rappeler LeTrain634269. Une décision politique et financièrement très conséquente. Cela va, certes, souvent ensemble. Rouvrir les voies ferrées fermées depuis 2016 entre Saint-Etienne et Clermont-Ferrand, c’était 50 M€ à mettre sur la table à l’époque selon les études commandées par le précédent exécutif régional. C’est entre 140 et 160 M€, 7 ans plus tard avec pourtant 18,4 km de moins (la section Boën / Montbrison a, elle, été rétablie en 2018) pour désormais 48 km de voies… De quoi faire douter l’association LeTrain634269 qui milite intensément pour cette réouverture de la totale sincérité des dernières conclusions, bien qu’elle ait constaté la dégradation de l’infrastructure laissée à l’abandon 7 ans durant. Probable contribution à la hausse de la note aux côtés de l’inflation de normes et de l’inflation tout court. Mais suffisant pour tripler le montant nécessaire ?
Pour rappel sur ce dossier auquel nous avons déjà consacré plusieurs articles, ni la Région qui avait souligné auprès d’If que cela ne relevait pas de ses compétences en matière ferroviaire, ni l’Etat ne souhaitent mettre la main à la poche afin de remettre, comme tant d’autres, cette ligne sur les rails. Les avancées partielles sur le volet mobilités du CPER (contrat plan Etat Région) 2021/2027, objet d’âpres et encore inabouties négociations entre Région AuRA et Etat (à nouveau bloquées par les changements d’exécutif en cours), n’ont amené aucun signal positif dans ce sens mais bien l’inverse… Dans un cas assez analogue, celui de la ligne Limoges / Angoulême, une association tout aussi analogue a saisi le Défenseur des droits mais aussi la Chambre régionale des comptes « afin de comprendre comment, en 7-8 ans aussi, le coût estimé de la réouverture, là-bas, a lui doublé, passant à 280 M€ », assure le LeTrain634269. Cette dernière n’en est pas encore là mais y réfléchit aussi. RAS depuis, jusqu’à ce que l’association annonce une mobilisation / médiatisation ce lundi 15 juillet.
Opération reportée à 2025
Dans son viseur cette fois précisément : des travaux programmés par SNCF Réseau sur deux passages à niveau de la portion fermée – n°74 à Leigneux et n°61 à Vêtre-sur-Anzon – interprétés comme leur « démantèlement » et même « une nouvelle tentative de sabotage pour empêcher toute reprise de circulation ferroviaire sur le tronçon ». L’opération devant intervenir cet été consistait à retirer les rails sur ces passages pour entièrement les goudronner. « Ce démantèlement a été programmé en dehors de toute concertation avec les riverains y compris les entrepreneurs locaux et surtout le goudronnage des passages à niveau est une pratique totalement illégale, développe LeTrain63426. En effet, une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Lyon du 21 septembre 2023 a condamné SNCF Réseau pour pratique illégale visant à rendre irréversible l’arrêt du trafic ferroviaire (cf arrêt n°21LY04213). Par ailleurs, toujours à l’insu des usagers, SNCF Réseau organise le transfert de propriété des sections démantelées au Conseil Départemental de la Loire. »
Ce lundi matin, l’association était fière, de se dire « la première » à avoir fait reculer la SNCF dans ce contexte. Ces menus travaux dans la Loire, lourdes de sens à ses yeux – « goudronner des rails de passages à niveau, c’est donner un net signal à la population » – étant en effet reportés à 2025. Ce que nous a confirmé SNCF Réseau qui nous précisait par ailleurs que SNCF Réseau et la préfecture de l’Ain s’étaient pourvues en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel du 21 septembre 2023 les concernant. « Oui mais ce n’est pas suspensif. Il y avait un risque juridique et SNCF Réseau l’a compris. D’où son recul », estime LeTrain634269. De son côté, SNCF Réseau, à la suite notre sollicitation pour avoir son point de vue, associe la nature des travaux qui étaient envisagés dans la Loire à ceux effectués sur la ligne Oyonnax / Saint-Claude relevant « d’un impératif de sécurité » et ayant « un caractère temporaire et parfaitement réversible ».
Quid de l’entretien des 48 km fermés ?
Pas de quoi fouetter un train donc, selon l’entreprise d’Etat qui dit avoir, dans la Loire, « temporisé dans la perspective d’un échange à venir avec les protagonistes ». Mais les griefs de LeTrain634269 ne s’arrêtent pas là. L’association s’était réjouie d’un moindre mal il y a 15 mois, à savoir que l’entretien sur ces 48 km serait désormais garanti (ce qui n’était pas, jusque-là, le cas selon elle parlant de dégradation continue) par l’Etat et la Région. « Aujourd’hui, nous en doutons très sérieusement. Les seuls entretiens indéniables : l’élagage pour la visibilité de la circulation automobile quand elle croise la ligne. Mais sur les ouvrages notamment… Nous avons demandé des documents de suivi précis, techniques prouvant un vrai entretien, nous n’avons eu que des éléments de langage communicatifs se voulant rassurants. Alors, s’il s’agit d’alourdir la note de la réouverture pour décrédibiliser ce scenario… Deux grandes villes comme Saint-Etienne et Clermont ont droit à une liaison ferroviaire continue entre elles. Et les habitants des bassins de vie le long de la ligne, celui d’un accès au train. »