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jeudi 25 avril 2024
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Sécheresse dans la Loire : cette fois-ci, c’est la crise

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Pas seulement un communiqué de presse mais une conférence en bonne et due forme de la préfecture pour expliquer que l’inquiétude a franchi un sérieux cap. La sécheresse s’aggrave dans le département. Une des neufs zones de suivi, où se situe Saint-Etienne, est passée en situation de « crise » – le maximum sur une échelle de quatre – quand six sont en alerte renforcée, une en alerte tout court et une seule maintenue en vigilance. Voici les répercussions à ce stade.  

Quelques communes situées en altitude dans la Loire n’ont plus d’eau pour leurs administrés… Photo d’illustration.

Et dire que certains osaient s’en plaindre. Dans quels draps beaucoup trop secs serait la Loire s’il n’y avait pas eu les quelques pluies de fin juin et notamment le cumul tombé dans la nuit du 30 au 1er juillet ? Les pénuries d’eau potable – qui nous menacent sérieusement – seraient probablement plus nombreuses que ce que connaît cette dizaine de communes ligériennes déjà contraintes d’être discrètement secourues par camions citernes. Car s’il y a encore un peu de réserve dans nos grands barrages, celles dévolues à alimenter les zones les plus habitées qu’il convient toutefois de très fortement ménager, « oui, ça y est, il y a des pénuries d’eau pour les habitants sur certaines hauteurs du département : dans le Pilat, les Monts du Forez, les Monts du Lyonnais », a précisé l’ARS (Agence régionale de santé) mardi à la conférence de presse spécialement consacrée au sujet par la préfecture.       

« On ne connaît pas le nombre exact car les collectivités (il s’agit des intercommunalités souvent qui ont désormais la main dans ce domaine, sinon de syndicats qui en dépendent) sont bien plus expérimentées qu’en 2003 dans ce domaine et s’adressent moins systématiquement à nous pour savoir comment agir. Les communes concernées sont situées à des sommets et alimentées en eau potable par des réserves très spécifiques, des poches situées entre des roches granitiques et désormais épuisées… » Absence de précipitations notables depuis début avril, températures élevées, augmentation de l’évapotranspiration, faiblesse des débits notamment du Gier et de la Coise… avaient déjà poussé la préfecture à faire passer l’ensemble du département en niveau « vigilance » dès le 24 mai.

Environ 300 000 habitants en situation de crise

Une décision purement incitative, appelant chacun à une utilisation raisonnée de l’eau très habituel en été mais là décidé extrêmement tôt. Les véritables restrictions d’usage commencent en effet avec le niveau « alerte » pour se renforcer avec « alerte renforcée » puis s’accentuer encore avec le niveau « crise ». Ces quatre échelles sont déterminées par les échanges avec les services de l’Etat et les différents acteurs de terrain (collectivités, agriculteurs…) selon l’état débit des cours d’eau de neuf zones de suivi sur le département possédant chacune des stations de mesure en temps réel et correspondant à de grands bassins d’écoulement. S’y ajoutent l’indice d’humidité des sols et les perspectives météos. Le 8 juin, un second arrêté de la préfète de la Loire faisait ainsi passer le Gier et les Monts du Lyonnais au niveau alerte, le reste se maintenant en vigilance.

La situation des neuf zones de suivi mise à jour mardi.

Depuis, la situation s’est considérablement aggravée poussant la préfète à signer ce 26 juillet un 3e arrêté beaucoup plus sévère appliqué depuis ce mercredi : seule la zone Fleuve Loire aval, mince couloir entourant le fleuve Loire de Roanne à la frontière avec la Saône-et-Loire se maintient en vigilance. La zone dite « Roannais » (en fait, seulement l’ouest du territoire) reste en alerte. Les zones Pilat Sud, Gier, Monts du lyonnais, Monts du Forez, Fleuve Loire Amont et Rhins Sornin sont désormais toutes en niveau d’alerte renforcée. C’est pire encore pour la zone dite Sud Loire – Sud-ouest du Haut-Forez, agglomération stéphanoise, Ondaine et ouest Pilat – dont les environ 300 000 habitants sont placés en en situation de crise, le maximum existant sur les mesures de restrictions.

La seconde situation de crise depuis 2016

C’est la seconde fois seulement depuis la révision, en 2016, de l’arrêté local adaptant dans la Loire les décisions à prendre et les niveaux d’alerte selon les consignes nationales que cette situation est déclarée. La première fois, c’était en 2020 mais fin août. Difficile de comparer au-delà, sur le long terme : cet encadrement n’ayant commencé à exister de manière aussi détaillée et localement qu’à la suite de l’avertissement sur notre actualité envoyé par le fameux été 2003… Depuis, il a été approfondi et révisé à plusieurs reprises. Il le sera à nouveau d’ici quelques mois mais « en attendant, on ne peut pas brusquement changer les règles au milieu de l’été, a expliqué mardi Catherine Séguin, préfète de la Loire. La problématique dépasse, bien entendu, nos frontières : rien que sur le bassin Rhône Méditerranée Corse, 27 départements présentent des zones en vigilance, alerte et alerte renforcée et 7 d’entre eux ont aussi au moins une zone en crise. »

Les sols de certaines zones sont jusqu’à 80 % moins humide que la « normale ».

Catherine Seguin, préfète de la Loire

Revenant sur la situation ligérienne, la préfète indique que non seulement les débits de ses cours d’eau sont au plus bas mais que l’indice d’humidité des sols du département est au moins inférieur de 50 % à la moyenne observée, « 80 % même dans certaines zones alors que les perspectives météos ne sont pas bonnes ». Après avoir rencontré une délégation d’agriculteurs de la FDSEA à Saint-Héand il y a une semaine, mardi s’est tenu une réunion du comité ressources regroupant exploitants agricoles, collectivités locales, particuliers et industriels. Tous devront faire des efforts sur une ressource commune par ordre de priorité. Dans les zones placées en alerte renforcée, les principales mesures de restrictions pour les particuliers sont évidemment accentuées par rapport à l’alerte : interdiction de remplir sa piscine (déjà le cas en alerte), d’arroser ses fleurs et massifs fleuris ; limitation des horaires d’utilisation de l’eau pour l’arrosage des jardins potagers et plantations arborées (interdite de 8 h à 20 h).

Des conséquences fortes pour les entreprises

Pour les usages économiques de l’eau, seuls les prélèvements indispensables dans les process de fabrication industrielle sont autorisés. L’irrigation des cultures agricoles est, elle, soumise à des restrictions horaires supplémentaires, qui dépendent des cultures concernées et des matériels utilisés. Celle des prairies de graminées est interdite. Ces limitations ne s’appliquent pas aux retenues de stockage ni au canal du Forez à ce stade-là. Pour ce qui est de la zone en crise, ça va beaucoup plus loin encore : interdiction absolue d’arrosage des fleurs, massifs fleuris et terrains de sports et tout espace engazonné y compris artificiel ainsi que des plantations arborées, y compris bien sûr pour les collectivités qui ne peuvent plus remplir les piscines publiques et dont les fontaines non destinées à fournir de l’eau potable doivent être coupées dès « alerte renforcée ».

Au niveau des loisirs, seuls les golfs, dans un niveau de crise, ont droit d’arroser leurs greens et départs de 20 h à 8 h… L’utilisation de l’eau pour les arrosages des jardins potagers n’est, elle aussi permise que 20 h à 8 h à condition de n’arroser qu’au pied des plantes. Au niveau de l’usage économique, seuls les usages nécessaires aux obligations de sécurité et de salubrité doivent être maintenus… L’irrigation de TOUTES les cultures est interdite à l’exception notable des activités de pépinières et maraîchage où l’irrigation n’est autorisée que de 20 h à 8 h hors irrigation localisée. C’est-à-dire par goutte à goutte, diffuseur à micro-jets ou techniques équivalente. Bref, en situation de « crise », le feu vert n’est accordé que pour ce dernier cas et l’abreuvement du bétail.

Jusqu’à 1 500 € d’amende, cinq fois plus pour une société

OFB, DDT, Dreal, DDP, mairies : chacun dans leurs domaines, en fonction de leur ressort et moyens procèdent déjà et procéderont à des contrôles « nécessaires et consubstantiels ». Un contrevenant aux mesures risque jusqu’à 1 500 € d’amende pour un particulier. Jusqu’à cinq fois plus pour une société. Mais a-t-on réellement les moyens humains de contrôler le département, qui plus est en plein milieu de l’été ? « Oui. Je ne vous donnerai pas de chiffres mais c’est quelque chose de largement anticipé au sein de nos services », assure la préfète qui en appelle au civisme, à l’appropriation et à une réflexion de long terme sur le sujet.

Quant à l’utilisation du barrage de Grangent, suggérée par certains acteurs, « je n’ai pas dit que j’étais contre mais qu’il fallait être prudent et prendre un peu de temps avant de prendre la décision d’y puiser au regard du nombre d’activités potentiellement impliquées… Mais j’ai effectivement autorisé vendredi par arrêté un abaissement de son niveau actuel par EDF de 419 m à 418,2 m (niveau d’altitude de l’eau, pas la profondeur, Ndlr) pour trois semaines. » Le tableau détaillé des limitations d’usage d’eau est consultable en cliquant ici. Sinon, ici :

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