Un collectif demande la réquisition de logements vacants dans la Loire pour « 200 ménages à la rue »
Considérant les 40 000 logements vacants de la Loire, « Toustes à l’abri », associé à « Pour que personne ne dorme à la rue », estime « très absorbable » sur l’ensemble du territoire, son estimation de 200 ménages actuellement sans solution de logements dans la Loire. Ils demandent des réquisitions de la part de la préfecture avec l’appui du parc social. Pas si simple ? Le rendez-vous fixé par la préfecture, en amont de la dissolution, ayant été reporté à cause de cette dernière, le collectif a en tout cas tenté une semaine d’actions la semaine passée.
L’opération camping symbolique n’a pas été démantelée. Et pour cause, si « la police était passée pour nous prévenir qu’elle allait devoir nous déloger finalement, la pluie s’en est chargée avant », expliquait vendredi dernier à If, en début de soirée, place Jean-Jaurès, ce membre du collectif « Toustes à l’abri ». Planter quelques tentes devant la préfecture la semaine dernière à Saint-Etienne pour attirer l’attention : c’était là son action propre, même si « Pour que personne ne dorme à la rue » qui regroupe de nombreuses associations ou syndicats (Cimad, Maison solidaire, CNT…) était associé à son communiqué et l’explication de cette semaine d’actions. Communiqué qui clamait jeudi dernier que « dans la Loire, plus de 40 000 logements sont vacants, dont 12 000 à Saint-Etienne, ce qui représente 12 % des logements. Certains sont des logements sociaux, laissés vides ».
Ajoutant : « Dans le même temps, ce sont environ 200 familles qui, malgré leur appel au 115 pour demander un logement d’urgence, restent chaque jour à la rue. 12 personnes sont ainsi mortes à la rue cette année. Des personnes à la rue tandis que des logements, notamment sociaux, restent vides : la situation est inacceptable. C’est pourquoi au printemps, nous sommes allés à la rencontre des bailleurs sociaux pour exiger de leur part la mise à disposition, à des associations, de certains de leurs logements vacants. » Demande qui avait donné lieu à l’obtention d’un rendez-vous pour en discuter avec la préfecture et les bailleurs sociaux, fixé au 19 juin. Avant d’être reporté au mardi 23 juillet à la suite de la dissolution, comme nous l’a confirmée la préfecture. Selon nos informations, la rencontre devrait être à nouveau reportée, la nouvelle date ayant été fixée alors que des protagonistes incontournables seront partis en congés…
« La vacance commerciale est très faible »
Reste que l’action de « Toustes à l’abri » visait à « rappeler la préfecture à ses promesses et à l’urgence de la situation ». Au lendemain du second tour des élections législatives donc, « nous avons décidé, comme l’an dernier, de planter nos tentes sur les pelouses de la place Jean Jaurès. Nous attendons toujours, à ce jour, une réponse de la préfecture, malgré les nombreuses familles à la rue, y compris des mères isolées avec leurs enfants en bas âge. L’été, on le sait, n’est pas une période moins dangereuse que l’hiver, avec ses aléas climatiques et ses fortes chaleurs ». Vendredi dernier, des bâches et leur slogan ainsi qu’un petit stand étaient installés place Jean-Jaurès pour essayer d’interpeller/sensibiliser les passants. Les chiffres avancés par le collectif sont-ils ceux de la préfecture ? Sur la vacance, oui, ils sont « exacts » nous a répondu l’Etat, avec même 13 000 logements vacants à Saint-Etienne et non 12 000. Et cependant cette précision : il s’agit des chiffres 2021, dernier millésime à la comptabilité bien arrêtée.
Après, pour au moins une partie, un logement vacant n’est pas systématiquement disponible entre son non-occupation temporaire de la part du propriétaire susceptible de l’utiliser, sinon son insalubrité/dangerosité ou encore parce qu’il est carrément voué à la destruction. Quant à la vacance propre aux logements des bailleurs sociaux du département, ce que ces derniers ont « toutefois pu nous indiquer, c’est que la vacance commerciale est très faible, relaie la préfecture. Pour le reste, il s’agit de logements nécessitant des réhabilitations lourdes ou voués à la démolition. Le cadre d’action des bailleurs sociaux est réglementé de manière très précise par le code de la construction et de l’habitat, notamment. Pour le parc social, dans la Loire on compte 3,4 % (2 000 logements) de vacance supérieure à 3 mois (hors vacance technique). »
600 appels par semaine
Concernant les chiffres de demandes d’hébergement d’urgence sur l’ensemble de l’année 2023, relevés au niveau départemental par le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO relatif au 115) Toustes à l’abri évoque 28 992 demandes (pour 3 078 ménages et 5 198 personnes dont 1 563 enfants) ayant obtenu 84 % négatives. Tout en pointant le code de l’action sociale et des familles (article 345-2-2) disant que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Là aussi, le volume d’appels enregistré dans la Loire – un peu moins de 600 par semaine – est confirmé par l’Etat qui ne le fait pas, en revanche, sur le taux de refus précisant « que le taux de demandes non pourvues est un indicateur à prendre avec précaution. Il n’est d’ailleurs plus utilisé au niveaux national et régional ». En revanche, l’Etat conteste fermement le chiffre de « 12 morts à la rue cette année » : « Si des décès à la rue sont malheureusement à déplorer, ils ont heureusement bien moins nombreux que le chiffre indiqué : trois en 2024. »
« Des personnes, nos associations et collectifs peuvent payer »
La réponse de la préfecture semble indiquer que ce chiffre vient du « « collectif des morts à la rue« , qui en dénombre plus car il compte ceux survenus dans d’autres départements, dès lors que la personne était connue du 115 de la Loire ». Exactitude des chiffres ou pas, aux yeux de Toustes à l’abri, le drame est là. Et pour lui, 200 ménages même si la majorité est située à Saint-Etienne, c’est quoi qu’il en soit « très absorbable à l’échelle du Département tout en ayant conscience, bien sûr, que toute la vacance évoquée n’est pas utilisable certes. Mais il y en a et largement : nous ne demandons pas la Lune. Le préfet a un pouvoir de réquisition (si la vacance est effective depuis 12 mois selon cette analyse de l’Anil ; lire aussi sur Legifrance). Un maire aussi. Parmi ces gens à la rue, beaucoup de migrants même s’il n’y a pas qu’eux dont un grand nombre devrait être obligatoirement logé par l’Etat comme le dit la loi puisque l’instruction de leur demande d’asile est en cours. Il y a urgence, beaucoup de mères isolées avec des enfants. Alors, au moins, effectuons un audit pour mieux savoir ce qui peut être réquisitionné. »
Le collectif ajoute « qu’actuellement, des citoyens et citoyennes logent des gens dans cette situation au sein du parc privé en payant. Ils peuvent le faire aussi en moins cher avec un bailleur social et, aux côtés de nos associations et collectifs, se porter garants du loyer et de la bonne tenue du logement concédé ». Vis-à-vis du sujet, abordé avec un cadre d’un bailleur social de la Loire, celui-ci nous rappelait que l’accès au logement social répond à des critères et des règles universelles, que toute famille en difficulté peut en faire la demande et que les squats parfois constatés dans le parc social se réalisaient régulièrement au détriment d’autres familles, en difficultés aussi, mais ayant suivi ces règles et à qui devaient être attribués ces mêmes logements.