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samedi 20 avril 2024
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Ils font 28 propositions pour mieux valoriser les droits audiovisuels du sport

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Le député stéphanois Régis Juanico (Génération.s) avait été désigné en mai président de la « nouvelle mission d’information sur les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives » à l’Assemblée nationale. Une mission qui a débouché sur un document de 139 pages assorti de 28 propositions visant à améliorer la valorisation des droits du football et du sport en général. Qu’il s’agisse de leur compétitivité ou de redistribution sociale. Zoom.

Peut-on améliorer la qualité, l’accès et la vente du spectacle sportif à l’audiovisuel ? Photo d’illustration.

Près de soixante auditions menées, en moins de sept mois, auprès des dirigeants des fédération sportives, de ligues professionnelles, de clubs – dont le co-président de l’ASSE, Bernard Caïazzo –, d’associations, de journalistes auteurs d’ouvrages spécialisés sur la question, d’économistes et même de sociologues. Et des déplacements aussi : à Bruxelles, Londres, Madrid, Munich et Rome, « afin d’aller à la rencontre d’acteurs européens ». Et enfin, une consultation citoyenne organisée sur le site de l’Assemblée nationale « sur l’avenir de la diffusion audiovisuelle du sport et de son modèle économique ». Elle a recueilli 8 200 contributions.

C’est le fiasco de l’affaire Mediapro en L1 de football et « ses répercussions sur l’ensemble du mouvement sportif » ainsi que le projet vite avorté de quelques « riches » clubs étrangers de créer une Super Ligue européenne fermée, toujours dans le football, qui ont mis en évidence « la nécessité d’une réflexion d’ensemble sur le financement du sport ». La mission parlementaire créée en mai par sa commission des affaires culturelles et de l’éducation comptait 12 membres*. Elle était présidée par le député stéphanois Régis Juanico. Cédric Roussel (LaREM, Alpes-Maritimes) en a été le rapporteur. Et c’est bien l’ensemble des sports et de leurs liens et problématiques avec les droits audiovisuels qu’elle a examinés. Même si forcément, le football y occupe une place prépondérante.

« Mediapro ? Une forme d’aveuglement »

Et pour cause : la valeur totale du marché des droits de diffusion audiovisuelle du sport en France s’élevait en 2020 à 1,65 milliard d’euros. Le football compte pour 80 % de cette somme, le rugby pour 9 % et les autres disciplines pour 11 %. Au niveau mondial, le marché est en forte croissance, avec une multiplication par trois du montant total des droits depuis vingt ans. Mais la France ne semble pas profiter de cette inflation si on se fie à la valeur accordée à son football professionnel qui a augmenté à un rythme bien plus lent. Avant d’accorder ses droits à Mediapro incapable d’honorer le contrat dès l’automne 2020 (800 M€ par an de lots obtenus sur un total d’1,15 Md €), amenant Canal+ puis depuis cette saison Amazon à récupérer les droits, la Ligue de football professionnelle (LFP) s’était appuyée sur une étude de la société de conseil Boston Consulting Group (BCG) pour l’évaluation prospective de la valeur des droits.

Le député stéphanois Régis Juanico (Génération.s) a présidé cette mission lancée fin mai. Cédric Roussel, député LREM des Alpes-Maritimes en est le rapporteur.

Ses conclusions lui ont été présentées en juillet 2017 estimant la valorisation potentielle entre 700 millions et 1,2 milliard d’euros. C’est, selon Régis Juanico, ce qui aurait conduit les dirigeants du football français à « une forme d’aveuglement faisant fi des garanties financières » dans leur confiance accordée à Mediapro. Cela malgré la démonstration d’une précédente défaillance en Italie et les quelques rares doutes émis à l’époque, qui se sont révélés parfaitement fondés sur la capacité à rentabiliser l’investissement. Résultat : avec une valeur de 663 M€ par an sur le cycle 2020-2024, la Ligue 1 s’inscrit en 5e position parmi les championnats européens de football de première division en termes de montant des droits de diffusion sur le marché domestique, très très loin derrière le n°1, la Première ligue anglaise (1,88 Md€) et loin derrière la 4e, la Série A italienne (927,5 M€).

Une analyse et des pistes d’amélioration

Le fiasco Mediapro menace derrière une très grande partie du financement du sport amateur et pas seulement du football, la taxe Buffet étant basée sur les droits audiovisuels.

Régis Juanico, député, président de la mission d’information

De nombreux clubs français se retrouvent en très grande difficulté de financement ayant anticipé un train de vie calé sur la manne Mediapro. « Ce qui menace derrière une très grande partie du financement du sport amateur et pas seulement du football, la taxe Buffet étant basée sur les droits audiovisuels », précise à If Saint-Etienne Régis Juanico. Des travaux menés par la mission, découlent un rapport de 139 pages qui n’est pas qu’analyse de la situation et constats. Mais aussi des pistes d’amélioration : il est assorti de 28 propositions. Elles sont certes de nature sociale pour une partie d’entre elles avec l’idée de retrouver le droit d’accéder gratuitement aux contenus : « Nous proposons un lot d’un match de L1 diffusé en clair par journée. Ainsi que le retour d’un accès en clair des résumés de matchs et belles actions dès le week-end, souligne Régis Juanico. Cela participe à une justice sociale mais aussi à redonner une vitrine pour la compétition. »   

Car l’objectif global de la mission insiste sa gouvernance, et donc de nombreuses propositions en découlant, n’est pas de faire peser de nouvelles contraintes à la L1, déjà plombée par une fiscalité que l’on peut juger parfaitement morale mais dont ne s’embarrassent pas nos « grands » voisins. Il s’agirait bien de redonner de la compétitivité audiovisuelle au produit. « Il y a eu sans doute un manque d’efforts de la part des clubs pour trouver d’autres revenus, comme l’a fait le rugby – sur la valorisation de partenariats, des enceintes sportives etc. – que ce découpage de lots télé devenu illisible et trop cher pour les spectateurs, note Régis Juanico. Mais on peut aussi aider les clubs de football français en leur accordant des nouvelles possibilités réglementaires. » Par exemple en créant un lot streaming et allonger la durée des droits de 3 à 5 ans.

Une nécessaire coordination européenne

Ce rapport d’information se donne comme ambition de (…) ramener nos couleurs, nos clubs, nos sportifs au plus haut, là où le besoin se fait sentir.

Cédric Roussel, député, rapporteur de la mission

Autres exemples : autoriser une société commerciale spécifiquement consacrée à la négociation des lots internationaux ouverte à des investisseurs extérieurs, faire passer de 3 à 5 ans le premier contrat signé par ces jeunes néo-pros que la France forme et fournit à toute l’Europe sans en profiter bien longtemps ou encore créer un salary cap général… Le rapporteur de la mission, Cédric Roussel insiste ainsi, sur le fait que « ce rapport d’information se donne comme ambition de (…) ramener nos couleurs, nos clubs, nos sportifs au plus haut, là où le besoin se fait sentir, en apportant des réponses concrètes à des éléments qui limitent leur compétitivité. Il ne s’agit naturellement pas de s’interroger sur l’ensemble des aspects mais de se focaliser sur le seul champ économique afin d’apporter sa pierre à l’édifice. Ces travaux pourront naturellement être développés dans des aspects strictement sportifs, techniques, organisationnels. »

Mais beaucoup de ces mesures pour être efficace réclameraient une application et donc une coordination à l’échelle européenne, si ce n’est au-delà pour éviter un « dumping » social hors Europe. Et quand il s’agit de football et d’Europe, avec la France des clubs, cela finit souvent très mal… Régis Juanico se montre, lui, plus optimiste : « Les choses évoluent, bougent à l’échelle de l’UEFA. Il y a une vraie réflexion qui va dans le bon sens.»  Voici les 28 propositions de la mission :  

Conforter et sécuriser les droits TV

• Permettre davantage de souplesse dans la durée de commercialisation des droits, dans la limite d’une durée de cinq ans et dans le respect des règles de concurrence.

• Autoriser la création d’une société commerciale par la LFP en vue de l’exploitation et la gestion des droits.

• Mettre en place un lot “d’un match en clair” par journée de championnat de Ligue 1 afin de soutenir l’exposition du football national.

• Créer un lot “highlights” pour la diffusion en clair d’images de matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 et d’images d’archives.

• Créer un lot streaming afin de s’adapter à l’évolution des usages et élargir la base des abonnés.

• Renforcer le poids des critères qualitatifs dans le cahier des charges de l’appel d’offre de la LFP.

• La garantie financière. Favoriser la garantie autonome à première demande émanant d’un établissement bancaire de premier rang et instaurer un corollaire entre le niveau de garantie apporté et le montant de l’acompte exigé. Les acomptes peuvent également être modulés selon que l’actionnaire de référence du garant ou le garant lui-même relèvent de juridictions européennes ou extra-européennes. Instaurer une clause dans le règlement de l’appel d’offre prévoyant une période de 45 jours suivant la date d’attribution de l’appel d’offre pour que le candidat retenu fournisse l’ensemble des éléments constitutifs et d’appréciation de sa garantie à la LFP.

• Les acomptes et échelonnement de paiements. Prévoir systématiquement le versement d’un acompte de 10 % à la conclusion de l’appel d’offre. Instaurer un échelonnement de paiement plus important dans ses montants Privilégier la souscription par la LFP d’une assurance pouvant couvrir le risque de défaut de paiement.

• Inclure systématiquement dans le règlement d’appel d’offre une clause permettant à la ligue de s’opposer à la sous-licence des droits.

• Mettre en œuvre et s’assurer de l’effectivité du dispositif d’ordonnance dynamique de blocage et déréférencement introduit par la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

Faire évoluer le modèle économique des clubs sportifs

• Créer des référents sports au sein de la Banque publique d’investissement (BPI) pour assister les associations et les sociétés sportives dans le montage de projets de financement.

• Faciliter la pleine exploitation des enceintes sportives en créant une exception au principe de libre concurrence pour les clubs professionnels résidents.

• Renforcer la “licence club”, afin de valoriser les investissements dans les infrastructures des clubs.

• Instaurer un crédit d’impôt en direction de la filière sportive sur les contrats de partenariat en sport, d’un taux de 20 % et dans la limite d’un plafond de 100 000 euros par contrat.

• Ajouter la SCIC aux types de sociétés expressément autorisées par l’article L. 122 2 du Code du sport.

•Créer des sociétés de financement du sport sur le modèle des sociétés pour le financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.

• Encourager les clubs à développer les recettes apportées par les « Fan Tokens ».

Accompagner l’exposition de tous les sports

• Mettre en place un service public audiovisuel minimum de diffusion du sport sur les chaînes publiques.

• Autoriser la publicité après 20 heures sur les chaînes du service public lors de la retransmission de manifestations sportives.

• Augmenter substantiellement la dotation du fonds de soutien à la production audiovisuelle de l’Agence nationale du sport (ANS), adapter ses critères d’évolution et créer un fonds spécifique dédié au sport féminin.

• Actualiser le décret sur les évènements sportifs d’importance majeure (EIM). Rééquilibrer la liste des EIM en faveur du sport féminin. Inclure les jeux paralympiques. Demander aux détenteurs de droits (fédérations et ligues) d’isoler les EIM dans un lot distinct destiné aux chaînes en clair lors de l’attribution desdits droits audiovisuels. S’assurer de l’applicabilité du décret EIM aux services de médias audiovisuels à la demande basés à l’étranger, en adaptant le décret si nécessaire.

Mieux réguler et mieux encadrer le football

• Allonger la durée du premier contrat professionnel de trois à cinq ans afin de limiter le phénomène de la fuite des talents.

• Moduler le régime social applicable aux jeunes joueurs professionnels. Envisager une réduction du taux des cotisations sociales de l’employeur pour les premiers contrats professionnels. Prévoir une diminution dégressive jusqu’à 24 ans du taux des cotisations sociales de l’employeur pour les joueurs prolongeant leur premier contrat professionnel dans leur club formateur.

• Instituer une chambre de compensation pour chaque discipline sportive, afin de garantir la traçabilité et la régularité des commissions perçues par les agents sportifs au titre des prestations de mise en relations entre sportifs et clubs accomplies dans le respect des lois et règlements.

• Limiter la masse salariale des clubs français à 60 ou 70 % de leur budget total.

• Pour plus d’équité et de rationalité, encourager l’UEFA à mener des travaux visant à harmoniser le fair-play financier en fonction du modèle fiscal et social de chaque pays européen membre de son institution.

• Imposer aux clubs français un plafond de 25 joueurs sous contrat.

• Créer une autorité administrative indépendante en charge de la régulation, la promotion et le développement économique du sport professionnel.

*Cette mission comptait 12 membres. Parmi eux, huit appartenaient à la majorité (six en Marche, une Modem, un Agir ensemble), un à La France insoumise, deux aux LR et un, à Génération.s donc, son président.

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