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vendredi 29 mars 2024
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Trail : peu importe la distance, les femmes fatiguent moins

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Des chercheurs stéphanois de Jean-Monnet l’avaient déjà démontré en 2012 sur longue distance. Les conclusions du LIBM, qui regroupe désormais leur laboratoire avec un autre de l’université Lyon I, confirment la tendance à partir d’une étude datant d’août 2019. Comme il y a 9 ans, elle a été menée auprès de coureurs de l’Ultra Trail du Mont-Blanc. Mais cette fois-ci, en ajoutant des distances plus modestes.

Il y a bientôt 2 ans, 25 chercheurs du LIBM et du CHU de Saint-Étienne ont effectué des tests sur des coureurs de l’UTMB. ©LIBM

« Oui, il nous a fallu 2 ans avant de communiquer nos résultats à la presse grand public. Déjà en raison du temps d’analyse. Ensuite, parce qu’il est préférable qu’ils soient d’abord publiés dans les revues scientifiques internationales », explique Guillaume Millet, le directeur stéphanois du LIBM (Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité) depuis 2020.

Pour le milieu de la recherche, ces revues prestigieuses anglo-saxonnes agissent comme un sésame de reconnaissance universelle. Jusque-là, elles sont sept à avoir mis en avant l’étude menée en 2019 par ce laboratoire partagé entre les universités de Saint-Etienne, Lyon I et Savoie Montblanc. Au moins trois autres devraient suivre.

Physiologie de l’exercice : une expertise stéphanoise

Depuis 2016, le LIBM regroupe le Laboratoire de physiologie de l’exercice – alors déjà partagé entre les universités Jean Monnet et Savoie Mont Blanc – et le Centre de recherche et d’Innovation sur le sport de Lyon I. Il totalise 130 enseignants-chercheurs, médecins, ingénieurs, doctorants, post-doctorants, personnels techniques et administratifs. Une cinquantaine d’entre eux travaillent à Saint-Etienne au sein du bâtiment Irmis à l’hôpital Nord qui compte, aussi, la majeure partie des équipements techniques.

Au sein de Jean-Monnet, Guillaume Millet et ses équipes prolongent ainsi une expertise locale poussée autour de la physiologie de l’exercice vieille de plus de 50 ans et qu’avait initiée le professeur Jean-René Lacour. Cela fait 18 ans que l’actuel directeur du LIBM se penche, lui, sur le sujet depuis Saint-Etienne, y menant des recherches marquantes, comme celle en 2007 visant à évaluer la fatigue après une course de… 24 h consécutive. Avant de devenir chercheur à l’Inserm de Grenoble puis d’effectuer une longue parenthèse de 5 ans à Calgary, au Canada, de 2013 à 2018 et enfin de revenir dans la capitale ligérienne.  

Après un trail, la capacité musculaire des femmes est 20 % moins réduite

Les travaux menés fin août 2019 sur 30 coureuses et 45 coureurs participant à une des épreuves de l’Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB) à Chamonix sont en réalité l’épisode 2 d’une première étude réalisée en 2012. Elle visait déjà à évaluer et comprendre les différences entre hommes et femmes au niveau de la fatigue. Pour cela, des équipements, des ergomètres notamment, évaluaient la force produite par les mollets et quadriceps de 25 participants « par stimulation électrique avant puis après la course. Ce qui permet de « s’affranchir » des cerveaux des sportifs », précise Guillaume Millet.

Principal enseignement ? Si parallèlement, d’autres observations consistaient  à évaluer l’impact sur les tendons ou la consommation d’oxygène, au niveau musculaire, la capacité des femmes après 110 km en ultra trail, était réduite d’environ 20 % moins que celle des hommes. En revanche, aucune différence entre les sexes au niveau de la fatigue centrale impliquant le système nerveux n’est apparue. Il y a bientôt 2 ans, 25 chercheurs du LIBM et du CHU de Saint-Étienne sont donc revenus à Chamonix pour effectuer à nouveau ces tests sur davantage de coureurs.

Une partie de la diminution de performance musculaire après la course provenait du cortex moteur (le cerveau). ©LIBM

Quel rôle joue la psychologie dans cette différence ?

Les femmes déclaraient courir en moyenne plus par plaisir et les hommes davantage pour la compétition, notamment sur les distances les plus courtes. 

Laboratoire LIBM

Et cette fois-ci, les 75 cobayes représentaient toutes les distances proposées par l’ultratrail : 40, 55, 100, 145 et 175 km. Résultat : les différences de réduction de capacité musculaire ont été confirmées. Et « contrairement à leur hypothèse principale selon laquelle la moindre fatigue des femmes par rapport à celle des hommes serait surtout vraie pour l’ultra-endurance, les chercheurs ont montré que les différences entre les sexes existaient indépendamment de la distance de course. »

Cependant, la moindre fatigue des femmes ne signifie pas nécessairement (ou pas uniquement) une meilleure résistance à la fatigue. Car les aspects psychologiques auraient pu jouer un rôle… « Les femmes déclaraient courir en moyenne plus par plaisir et les hommes davantage pour la compétition, notamment sur les distances les plus courtes. » Aussi, « ces résultats préliminaires sur l’influence du sexe sur les intentions de course doivent être renforcés en associant des spécialistes du domaine de la psychologie à de futurs travaux. »

« L’intensité de l’effort plus que la durée impacte le rendement du geste »

Cette étude a aussi permis de répondre à des questions plus fondamentales sur l’origine de la fatigue. Ainsi, une partie de la diminution de performance musculaire après la course provenait du cortex moteur (le cerveau). D’un point de vue plus pratique, la fatigue n’augmentait pas de façon proportionnelle à la distance de course. Les chercheurs du LIBM ont même observé une dégradation plus importante de l’efficacité de course sur les distances les plus courtes, suggérant que « l’intensité de l’effort plus que la durée impacte le rendement du geste ».

De même, de façon contre-intuitive, leurs résultats suggèrent une baisse des réserves énergétique dans les muscles plus importante sur les épreuves courtes (moins de 60 km) que sur les longues (plus de 100 km). Enfin, cette étude a permis de mieux comprendre le rôle de l’effort sur la viscosité sanguine : la faible viscosité du sang observée après l’UTMB pourrait faciliter le flux sanguin vers les muscles et optimiser les performances. Si vous souhaitez visionner le film sur l’étude, cliquez ici.

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