Le CBD, cannabis en vente libre (1/4)
Apparu sur le marché français en 2018, le CBD séduit depuis de nombreux consommateurs, attirés par ses supposées vertus. Lexique, forme, usages : on fait le point.
Arrivé sur le devant de la scène il y a environ trois ans, le CBD – pour cannabidiol – est l’un des multiples composants du chanvre, ou cannabis. A l’inverse du THC (tétrahydrocannabinol), autre composant de cette même plante, le CBD n’a pas d’effet psychoactif, autrement dit, stupéfiants… Autrement dit, illégal. Consommer du CBD, c’est donc consommer du cannabis en vente libre, très faiblement chargé en THC (la limite légale étant fixée à 0,2% en France), et plus fortement en cannabidiol. Le produit s’obtient alors par croisement génétique, ou par extraction une fois la plante sortie de terre. Acheté sur le net ou dans des boutiques spécialisées, le CBD s’est ainsi vu rapidement attitrer l’appellation de « cannabis légal », semant derrière lui la plus grande des confusions.
« No défonce » avec le CBD, cannabis en vente libre
Car, si certaines campagnes marketing ont pu laisser entendre qu’il serait désormais possible de fumer des joints en toute sérénité, nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, plaident davantage pour les vertus bien-être du CBD. Sans risque d’addiction et non psychotrope, contrairement au cannabis fortement chargé en THC, le CBD n’a pas de vocation récréative. Pas d’effet « défonce ». Et ses aficionados cherchent plutôt à mettre en avant ses supposées propriétés, notamment relaxantes.
« Je n’ai pas le droit de donner un avis médical, ou de parler de vertus thérapeutiques du CBD qui, en France, n’ont pas été reconnues. Mais différentes études, et des retours de consommateurs permettent aujourd’hui d’affirmer que le CBD peut, s’il ne soigne pas, au moins aider à mieux supporter des douleurs associées à certaines maladies, et à atténuer les symptômes du stress ou de l’anxiété », détaille Yaël, du service marketing de High Society France, dont une boutique vient de s’ouvrir dans le centre de Saint-Etienne.
Placebo ou véritables effets ?
Troubles de l’endormissement, nervosité, règles douloureuses, douleurs articulaires, ou même, réduction des tremblements dans le cas d’une maladie de Parkinson… Les effets positifs supposés du CBD pourraient être nombreux, si l’on en croit ses consommateurs. Et ce, bien qu’ils ne soient pas reconnus officiellement par la médecine française.
Secrétaire général de la Fédération Française d’addictologie, et médecin spécialisé en santé publique, Bernard Basset insiste en effet sur « le flou » qui entoure le produit : « Il faut rester prudent. La Cour de Justice de l’Union Européenne a indiqué que la France ne pouvait pas interdire la vente de CBD. Pour moi cela constitue une preuve que ce produit n’est pas nocif. Néanmoins, certaines propriétés avancées par les médecines douces ne doivent pas être prises au sérieux. Lorsque je lis que cela peut avoir des effets positifs sur des maladies comme le diabète, je ne peux pas être d’accord. Lorsqu’on a du diabète, il faut se soigner et être suivi par un médecin. Selon moi, la plupart des propriétés que l’on veut donner au CBD sont au mieux, suggestives, voire, placebo ».
« Certaines propriétés avancées ne doivent pas être prises au sérieux »
Bernard Basset, président de la Fédération Française d’Addictologie et médecin spécialiste en santé publique
En France, l’Académie de pharmacie est également très réservée sur le sujet : « Les essais cliniques réalisés avec du CBD sous forme pure (…) ont montré que ce médicament peut induire de nombreux effets indésirables (somnolence, troubles digestifs, fièvre, fatigue, diminution de l’appétit, atteinte hépatique…) et qu’il faut aussi se méfier des interférences avec d’autres médicaments. (…) »
Consommateurs séduits
Reste que de plus en plus de gens consomment aujourd’hui du CBD, en vente libre, sous toutes ses formes. Tisane, huile, liquides pour cigarettes électroniques, produits alimentaires, cosmétiques… À chacun sa préférence.
« De nombreuses personnes âgées consomment du CBD. Pour les vendeurs, c’est un crash test ».
Julian Guillen, grossiste en CBD et ancien responsable de boutique
« De mon expérience en boutique, j’ai pu me rendre compte de l’hétérogénéité de la clientèle. J’ai notamment constaté qu’elle est en partie composée de personnes âgées, explique Julian, ancien vendeur pour The Hemp Concept et fondateur de la gamme YummiCBD. Souvent, elles sont d’ailleurs très informées sur le sujet. Pour nous, elles constituent un peu le crash test. Lorsqu’elles ont testé un produit, si elles reviennent, c’est que l’effet placebo est moindre. Certains pays du monde sont beaucoup plus en avance que nous sur cette question. En France, la médecine traditionnelle s’y intéresse peu. Elle refuse de mener de vrais tests et de vraies études, là où le Canada ou la Suisse ont depuis longtemps prouvé les vertus du produit. »
En outre, après avoir écarté toute forme de nocivité, l’Organisation Mondiale de la Santé a validé en 2018 certains effets positifs du CBD… Ajoutant néanmoins qu’en l’absence de données plus précises, et faute d’études scientifiques en nombre suffisant, le principe de précaution continuait de s’appliquer vis-à-vis du cannabidiol. Ou comment être flou en trois petites phrases.