CBD : la loi dans tous ses états (4/4)
S’il est parfois appelé « cannabis légal », le CBD a surtout profité d’un vide juridique pour se faire sa petite place au soleil… Quitte à parfois se prendre de grandes averses de pluie.
Effets positifs réels, ou placebo ? Produit bien-être, ou simple tendance ? Coût élevé lié à la difficulté de fabrication de la plante, ou des possibilités de business qui en émanent ? Bercé par ces questions constantes, le CBD reste aujourd’hui entouré d’un certain flou… Que le droit lui-même peine à dissiper. En cause : deux législations qui s’affrontent, et dont personne ne sait vraiment laquelle respecter. D’un côté, la justice européenne, qui juge parfaitement légales la culture, la vente et la consommation de CBD. En face, la justice française, qui ne sait pas trop où elle en est. En d’autres termes : le CBD profite et souffre à la fois d’un vide juridique.
Un vide juridique
En France en effet, l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiantes intègre le cannabis et la résine de cannabis. Sauf qu’un autre arrêté datant de 2004, autorise pour sa part l’exploitation du cannabis Sativa L, à condition de respecter un seuil maximum de 0,2% de TCH dans la plante… Mais ne concerne que les tiges et les graines, pas les feuilles et les fleurs. Le CBD n’ayant donc pas d’existence légale en tant que tel dans notre pays, un flou juridique demeure. Et, si ce vide a permis à certains de monter leur franchise et de vendre du CBD, il s’est parfois retourné contre eux.
Ces trois dernières années en effet, de nombreuses boutiques du territoire ont été fermées, leurs gérants interpellés et perquisitionnés, pour certains, poursuivis. Mais récemment, une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a commencé à faire pencher la balance… Et à, peut-être, initier enfin une clarification des choses.
L’affaire Kanavape et l’Europe qui s’en mêle
En 2018, deux Marseillais à l’origine de la marque de cigarette électronique au CBD Kanavape, avaient ainsi été condamnés par le tribunal correctionnel à 18 et 15 mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 euros. Amenée à se prononcer à son tour sur cette affaire, la cour d’appel d’Aix-Marseille avait alors annoncé la saisine de la CJUE sur la compatibilité de la réglementation française sur le CBD avec le droit européen. Fin 2020, cette dernière a conclu que la France ne pouvait pas légalement interdire la commercialisation du CBD, au motif que « cette molécule ne présente pas d’effet psychotropes ou nocif sur la santé humaine ». Cette décision devrait donc priver de nombreux procès en cours de base légale, et ainsi permettre aux gérants de boutique de dormir sur leurs deux oreilles.
Aujourd’hui, tous les vrais professionnels veulent une loi.
Julian Guillen, grossiste en CBD
Du côté des professionnels du secteur, on espère aujourd’hui que cette décision conduira la France sur le chemin d’une véritable réglementation adaptée : « Même s’il est vrai que le produit a émergé grâce à un vide juridique, aujourd’hui, les vrais professionnels veulent une loi. Cela permettrait de ne plus laisser de parts de marché à des produits de mauvaise qualité, et de professionnaliser davantage le secteur. Par ailleurs, ça pourrait permettre également à toute une économie de voir le jour, de la culture à la vente… » détaille Julian Guillen, créateur de la gamme YummiCBD.
En février dernier, un rapport de la mission d’information parlementaire sur les usages du cannabis recommandait un assouplissement de la réglementation du CBD. Un petit pas de plus, en attendant, peut-être un grand saut…