Dans l’agglomération de Saint-Etienne, l’immobilier de bureaux a entamé sa mue
Après deux années euphoriques – 2019 et encore plus 2018 – le marché de l’immobilier de bureaux de Saint-Etienne Métropole a été logiquement marqué par un fort repli en 2020. L’effet Covid encore et toujours, avance l’étude publiée par le cabinet Arthur Loyd à la mi-2021. Entre une mise en stand-by par prudence des projets et une forte accentuation des tendances sociales dont les prémices étaient déjà là avant la crise sanitaire. Il faudra attendre la fin du printemps pour avoir un recul précis sur l’année qui vient de s’écouler. Néanmoins, dans le contexte d’accroissement du télétravail, de nouvelles tendances se dégagent…
Certes, l’aboutissement des grands travaux d’aménagement, en particulier sur Saint-Etienne avec de nouveaux volumes conséquents sur Châteaucreux mais aussi le Technopôle, explique en grande partie l’envolée. En 2018 et 2019, sur Saint-Etienne Métropole, le nombre de mètres carrés « placés », c’est-à-dire ayant trouvé preneurs à la location ou la vente mais pas forcément construits, s’est respectivement élevé à 37 609 m2 (62,6 % neufs) et 22 257 m2 (66,5 % neufs) pour l’immobilier de bureaux. C’est-à-dire destiné à des activités purement tertiaires. En 2020, ce nombre est tombé à 13 146 m2 pour 58,7 % de neuf.
« La moyenne, sur la décennie écoulée sur Saint-Etienne Métropole se situe entre 15 000 et 20 000 m2, bien dessus des 10 000 m2 des années 2000. En 2020, avec – 40 %, on a cependant plutôt limité la casse par rapport à Paris, Lyon, Bordeaux ou Marseille qui enregistrent des chutes de plus de 50 % », souligne Michaël Maras, conseiller représentant Arthur Loyd. Le cabinet spécialisé dans l’immobilier d’entreprise synthétise depuis 6 ans une étude annuelle sur le territoire métropolitain publiée en milieu d’année. Ses données sont travaillées et recoupées avec celles de plusieurs partenaires dont le Cecim (Centre d’études de la conjoncture immobilière, association de professionnels), GIT immobilier et Saint-Etienne Métropole. Nous avions détaillé son volet consacré à l’industrie ici.
L’ancien résiste mieux que le neuf
L’année 2020 est donc marquée par un recul important du nombre de transactions, passé de 60 en 2019 à 43 durant la crise sanitaire (en 2018, elles ont été de 58). Toutefois, note l’étude, le marché de seconde main, passé de 30 à 24 transactions (- 20 %), a « mieux résisté que le neuf », tombé en effet de 30 à 19 (-37 %). La taille moyenne de ces transactions a dans les deux cas reculé : de 493 m2 en 2019 à 405 en 2020 pour le neuf (840 en 2018). De 249 en 2019 à 226 m2 en 2020 dans l’ancien (469 en 2018). Si on se penche la différenciation entre surfaces placées à la vente et celles à la location, on s’aperçoit qu’en 2020, 79 % des mètres carrés placés en 2020 sont loués contre 39 % en 2018 et 51,7 % en 2019.
Fait marquant de 2020, une seule transaction de plus de 1 000 m2 de bureaux : les 1 337 m2 de seconde main loués par Groupama rue Claude-Odde à Saint-Etienne. Il faut descendre à 969 m2 pour trouver la seconde transaction la plus importante de l’année avec le Ginkgo, première tranche, à la location par Suez Eau rue de La Montat à Saint-Etienne. En 2019, il y avait eu trois transactions de plus de 1 000 m2 pour un cumul de 7 720 m2 (5 099 m2 en 2017). En 2020 encore, 25 des 43 transactions allaient de 0 à 250 m2 pour 25 aussi en 2019 mais sur 60 transactions. En 2018, les surfaces de plus de 1 000 m2 sur Saint-Etienne Métropole avaient atteint un total record de 27 743 m2, soit 73 % de la demande placée. Les aboutissements de programmes majeurs au Technopôle à Saint-Etienne sud et Saint-Etienne nord selon les secteurs définis par l’étude expliquent cette dynamique. Davantage Châteaucreux pour 2019, quartier qui a continué a porté 2020 – 39 % de l’ensemble de la demande placée – mais sous d’autres formes donc.
Un manque de programmes neufs
En hausse depuis 2017, les stocks de bureaux diminuent comme le montre ce graphique ci-dessus. Mais le marché de seconde main reste relativement stable. Le recul est donc le fait d’un manque de nouveaux programmes neufs sur 12 mois même si 2022 devrait voir la livraison de certains projets conséquents comme le Quantum (2 929 m2) au pied de Montreynaud. Selon l’analyse, l’évolution n’avait pas encore bousculé les prix en 2020. Les valeurs moyenne locatives étaient restées stables après une hausse en 2019 : de 70 € à 180 le m2 dans une fourchette large allant de l’ancien vétuste au premium. Même constat pour l’acquisition. C’est-à-dire de 800 € à 2 200 le m2 en moyenne selon le produit. Mais « avec des taux de rentabilité qui ont tendance à baisser en privilégiant les ventes à investisseurs plus chères que les prix de vente à utilisateurs ».
Un recul sévère des transactions et de leur surface moyenne qui touche d’abord le neuf et davantage de locations : ce sont donc les effets de la crise sanitaire sur le marché de bureaux à Saint-Etienne selon cette étude annuelle, qui associe clairement la pandémie à ses constats. Quelles perspectives donnait-elle alors à 2021 dont le bilan ne sera pas publié avant plusieurs mois ? De l’incertitude forcément que le contexte actuel ne dément pas. « La reprise risque d’être lente compte tenu de l’incertitude liée à la crise sanitaire. L’année 2021 restera incertaine et devrait suivre la même tendance que 2020. Beaucoup de sociétés sont en attente pour savoir quels seront les prochains usages de bureaux. »
Les espaces de bureaux seront revus avec moins d’open spaces, plus de bureaux individualisés.
Arthur Loyd, étude partenariale de marché de l’immobilier d’entreprise, mai 2021
Vers une diminution des besoins en mètres carrés
Avec cependant, une analyse relevant davantage du long terme : « La digitalisation amorcée avant la crise s’est accélérée et a permis de nouveaux modes de travail – télétravail, visioconférences, signatures électroniques – surtout dans les grands groupes. Les espaces de bureaux seront revus avec moins d’open spaces, plus de bureaux individualisés et des espaces dédiés à la convivialité pour garder du lien social. » En outre, « l’absence de visibilité conduit les grands groupes à revoir leur stratégie immobilière. Les décisions sont reportées. Par contre, certaines PME sont gagnantes, notamment dans le domaine de la formation porté par de nouveaux marchés. »
Une analyse partagée par Epures dans une autre étude, celle-ci d’échelle départementale et consacrée au télétravail. Nous vous en parlions ici. L’agence publique d’ingénierie urbaine de la région stéphanoise a consacré un volet l’immobilier de bureau. Un marché qui à ses yeux a déjà entamé sa mutation. Comme en témoignaient dans son document Bertrand Serre, directeur associé, et Vincent Guerrier directeur immobilier d’entreprise, de GIT Immobilier : « La crise a indéniablement accéléré le recours au télétravail dans les entreprises de services, les poussant à anticiper une sous-utilisation de leurs locaux. Des réflexions sont en cours dans de nombreuses entreprises sur les impacts du flex office (pas de bureau fixe attitré mais divers espaces investis selon le besoin, Ndlr) dans la réorganisation de leurs locaux. »
Des effets de long terme sur l’immobilier de bureaux
Les locaux de certaines entreprises sous-occupés les inciteraient, selon Epures, à résilier leur bail au profit d’espace de travail partagé ou de bureaux de plus petite taille. Cela génère une économie significative tout en permettant aux salariés de préserver leur lien social. Plusieurs entreprises n’envisagent pas de libérer leurs bureaux mais privilégient plutôt une redéfinition de leurs espaces. « Alors que l’open-space a tendance à générer du stress pour de nombreux salariés, le flex office garantit un meilleur équilibre entre espaces privatif et ouvert, permettant ainsi un meilleur confort acoustique, thermique et visuel pour les salariés, tout en optimisant les coûts. »
Les salariés seront amenés à passer moins de temps en entreprise mais seront dans l’attente de conditions de travail de meilleure qualité.
Epures, A l’heure du télétravail, décembre 2021
Pour Epures, les commercialisateurs devront prendre en compte ces nouvelles tendances dans leurs futurs projets en proposant de nouveaux immeubles avec moins de bureaux privés, davantage d’espaces collectifs, de lieux d’interaction. Plus de confort à tout point de vue aussi. « Cette tendance s’est d’ores et déjà amorcée mais elle est amenée à se développer. Les salariés seront amenés à passer moins de temps en entreprise mais seront dans l’attente de conditions de travail de meilleure qualité. »
Une relance dans le neuf mais d’un nouveau genre ?
Si les commercialisateurs anticipent ainsi un impact négatif du télétravail sur la demande de bureaux dans le parc ancien ou obsolète – certains évoqueraient même le risque que se développent de nouvelles friches -, à l’inverse, contrairement à la tendance enregistrée sur 2020 et, a priori, 2021 la demande de biens atypiques ou de locaux neufs devrait à terme s’accroître.
En fin d’année 2021, Bertrand Serre confiait même à Epures une demande à nouveau croissante dans le neuf. Trois raisons étaient évoquées. Premièrement, « sur un plateau neuf, en cours de construction, on peut faire ce que l’on veut, il est plus difficile de créer une cuisine avec un évier dans de l’ancien ». Deuxièmement, si l’on raisonne en « post-charges », le neuf permet de réaliser davantage d’économies (« immeubles vertueux »). Enfin, pour être attractives, les entreprises sont très sensibles à leur image de marque.