Saint-Étienne
vendredi 11 octobre 2024
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Étudiants, expertise et débouchés : selon ce plan, le nucléaire peut irradier Saint-Etienne

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Déjà évoqué à la rentrée 2022 par leur direction, le plan de développement de l’ISTP/IRUP, formant à Saint-Etienne ingénieurs et techniciens de l’industrie, s’appuie plus particulièrement sur le retour en grâce de la filière nucléaire. Lancé avec le soutien de la Région et de la Métropole, il se concrétise entre autres, par la création d’un 3e site à partir de 8 000 m2 abandonnés cours Fauriel par l’emLyon. Au-delà, l’idée est de faire rayonner un enseignement en expansion sur les débouchés de l’industrie ligérienne. Au point d’ambitionner un « pôle nucléaire national » à Saint-Etienne.

« Au-delà de réaménagements et optimisations, il nous faudra un nouveau site d’accueil de 4 000 à 5 000 m2. Nous espérons l’ouvrir d’ici 2-3 ans. On y travaille. » L’annonce de Cyril Faure, directeur général de l’ISTP et de l’IRUP date déjà du début de l’automne 2022. Moins de 2 ans plus tard, le travail en question, qui plus est dans un contexte immobilier peu évident – dénicher, voire construire, des nouveaux locaux pour faire face à l’inflation du nombre d’étudiants -, a bien été effectué. Et largement dans les temps espérés puisque cette extension majeure sera, en partie, opérationnelle dès la rentrée 2024. Mais ce ne sera finalement ni 4 000, ni 5 000 m2 qui vont s’ajouter aux 12 000 répartis sur les deux sites et déjà utilisés à Saint-Etienne par les deux établissements siamois que sont l’ISTP et l’IRUP.

Le milieu économique stéphanois espère un nouveau rayonnement de la part de la filière nucléaire. Image par Markus Distelrath de Pixabay.

Mais carrément 7 700 m2 supplémentaires ajoutant ainsi un 3e site à ce déjà vaste « campus de l’ingénierie » formant initialement (en continue aussi), avec un fort accent d’alternance, des ingénieurs (ISTP) et des techniciens (IRUP). Au total, en 2023/24, 1 900 étudiants, toutes promos confondues, pour 31 parcours de formation différents. Ils sont destinés au secteur industriel en général, mais pour beaucoup d’entre eux plus spécifiquement à celui de l’énergie, le nucléaire surtout. Actuellement, 450 des étudiants de l’ISTP/IRUP le sont au sein de cette filière. Les Stéphanois n’en ont pas forcément conscience : mais à elles seules, les deux écoles forment 40 % (!) des besoins annuels français dans les métiers de la maintenance, du génie civil et du génie nucléaire. Qu’il s’agisse d’EDF directement ou de ses infinis prestataires et cascades de sous-traitants. Sur 9 500 alumni (ex élèves), après plus de 30 ans d’expérience dans le domaine nucléaire, 2 700 ont été formés ici, rien que pour le nucléaire.

10 000 postes par an créés dans le nucléaire

Forcément : le retour en grâce de la filière – qu’on le juge pertinent ou non dans un contexte international qui a ce mérite de pointer l’évidence nécessité de souveraineté – donne de sérieuses perspectives de développement à une formation stéphanoise plus que rodée. Avec le revirement énergétique, ce sont en effet 100 000 postes correspondant à ses savoir-faire qu’est censé créer le secteur nucléaire d’ici 2033, a rappelé Laurence Piketty, administratrice générale adjointe du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), partenaire – 1 000 entreprises le sont, « fidèlement » – aux deux écoles. Pas la moins prestigieuse des personnalités présentes à l’occasion d’une présentation institutionnelle de ce coup d’accélérateur. C’était le 12 avril au Centre des Congrès de Saint-Etienne. Et elle était doublée d’une remise des diplômes d’ingénieur spécialisé en génie nucléaire des Mines Saint-Etienne, formation « confiée » à l’ISTP depuis 2009, les deux établissements stéphanois étant ainsi intimement liés. Le diplôme en question est conventionné avec l’INSTN, émanation du CEA.

Anne Damon, présidente de l’IRUP / ISTP le 12 avril au Centre des congrès de Saint-Etienne. ©ISTP / IRUP

Outre Laurence Piketty, marraine de la promo 2020 Mines/ISTP, étaient présents pour la cérémonie, bien sûr les directions des écoles citées, mais aussi la délégation stéphanoise de la CCI, la Région Aura par sa vice-présidente déléguée à l’enseignement supérieur Catherine Staron, Saint-Etienne Métropole via Christophe Faverjon, son vice-président à l’enseignement supérieur ou encore le Medef Loire au rôle fondateur dans la création de l’ISTP et l’IRUP sans oublier la CPME Loire. Car l’enjeu dépasse en effet le seul développement d’une filière de formation. Il est présenté comme crucial pour l’avenir de l’industrie locale. Et « le malheur des uns faisant parfois le bonheur des autres », comme l’a glissé dans son discours Anne Damon, présidente de l’IRUP/ISTP à l’adresse d’Irène Breuil, présidente de la délégation Saint-Etienne de la CCI métropolitaine, ce sont en effet les mètres carrés bientôt abandonnés au 49-51 cours Fauriel par l’emLyon qui vont être très logiquement récupérés pour faire face à ce développement.

450 étudiants de plus dans le nucléaire en 2028

« Très logiquement » car à proximité des 8 000 m2 du site principal installé depuis 10 ans, ex locaux de PCI SCEMM (Peugeot) rue Copernic. Mais aussi non loin, plutôt voisin même, des locaux de l’école des Mines, siège de Fauriel et dépendances encore plus près. Le départ fracassant de l’école de commerce, encore propriété à 51 % de la CCI, pouvait entre autres s’interpréter comme une sérieuse entorse aux ambitions de développement de la population estudiantine stéphanoise affichée par sa Métropole : atteindre les 40 000 étudiants à l’orée 2030 (près de 30 000 actuellement). La perte du contingent fourni par de l’école de commerce – 1 000 étudiants environ – au profit de Lyon devrait ainsi être – en partie – compensée par les nouveaux recrutements projetés par l’ISTP et l’IRUP. Dans l’immédiateté cependant car ces derniers devaient probablement déjà alimenter les ambitions affichées par l’agglomération… En tout cas, dès la rentrée 2024, 700 étudiants de l’Irup/ISTP dont 250 « nouveaux » (correspondant à une croissance d’effectifs) iront suivre leur cours dans les anciens locaux du campus stéphanois de l’emLyon.

La présentation des ambitions de développement était doublée d’une remise de diplômes ISTP au Centre des Congrès le 12 avril. ©ISTP / IRUP

Car les élèves ingénieurs et techniciens travaillaient déjà plus qu’à l’étroit depuis plusieurs années. Il était donc d’autant plus impossible, sans cet investissement immobilier, d’aller plus loin dans le recrutement, conformément au plan qui doit hausser les effectifs. Hors nucléaire compris : par exemple au sein du site « Arts et métiers » partenaire de l’ISTP (passage de 17 à 60 élèves pour la spécialité mécanique et mécatronique) ou encore avec l’ouverture d’un « bachelor ISTP ingénierie ». Le seul IRUP projette, à terme, + 20 % d’effectifs sur les filières existantes et en raison de nouvelles formations bac + 5 dans le numérique et la performance énergétique. Cependant, sur 1 900 étudiants ISTP/IRUP 2023/24, 450 étudiants suivent des formations tous métiers confondus, de bac à bac + 5 correspondantes au nucléaire. Ils seront déjà 30 % de plus à la rentrée prochaine, pour atteindre, année après année, un total de 900 élèves en 2028, soit le double de l’actuel.

Un enjeu présenté comme crucial pour l’industrie locale

Alors que l’ISTP va aussi s’enrichir d’un nouveau centre de recherche, c’est également la nature des formations, qui évolue en lien avec les besoins et les évolutions technologiques des anciens et des nouveaux réacteurs : davantage de robotique et de digitalisation. Quant à l’installation dans les ex locaux de l’emLyon (7 700 m2 pris sur 9 000) et leur adaptation aux nouveaux besoins, celles-ci seront progressives. Ce qui implique, rachat compris, un financement au montant encore à préciser. Il oscillera entre 6 et 8 M€ et pourra compter sur le soutien de la Région (1,6 M€) et de la Métropole de Saint-Etienne (0,8 M€) largement salués dans les discours le 12 avril. Y compris pour rappeler, par la voix de Cyril Faure que sans la volonté de la Région, il y a 5-6 ans au moment où le nucléaire n’était plus en odeur de sainteté, le développement envisagé actuellement ne pourrait pas se faire. Derrière l’enjeu propre à l’enseignement supérieur à Saint-Etienne, il y a celui intimement lié de l’économie ligérienne.

L’enjeu primordial du nucléaire, c’est la sûreté. Un incident signifierait la fin du secteur en France. Nous formons à assurer cette sûreté, préalable à tout pilotage économique de la filière.

Cyril Faure, DG de l’Irup et de l’ISTP
Collectivités, Etat, chambres consulaires, syndicats patronaux ont suivi la présentation du 12 avril. ©ISTP / IRUP

« L’enjeu primordial du nucléaire, c’est la sûreté. Un incident signifierait la fin du secteur en France. Nous formons à assurer cette sûreté, préalable à tout pilotage économique de la filière », a encore rappelé Cyril Faure dont les deux écoles qu’il dirige voient parmi ses diplômés, en moyenne, 30 % de créateurs/repreneurs d’entreprises de plus que dans celles équivalentes. Ce n’est en tout cas pas un hasard si la CCI, au-delà de la transaction immobilière, la préfecture, le Medef et la CPME étaient dans la boucle de la présentation mi-avril. Parmi les marchés qui leur sont confiés, la sidérurgie et la mécanique ligériennes, dont une foule de PME constitue le tissu, citent très souvent le nucléaire. En ayant à portée de main davantage de transferts technologiques, d’expertise, de jeunes diplômés dernier cri adaptés à ses besoins et aux nouvelles exigences des carnets de commande, l’industrie ligérienne semble beaucoup miser sur le développement de la filière nucléaire.

Au moins si on en croit les discours allant jusqu’à évoquer ce 12 avril l’idée de lancer à Saint-Etienne un « projet de pôle nucléaire national en Auvergne Rhône-Alpes ». Reste à savoir les tenants et aboutissants de ce dernier, non explicités à ce stade, alors qu’il existe déjà un pôle de compétitivité national labellisé par l’Etat des filières nucléaires, dit « Nuclear valley ». 430 adhérents, dont 56 % de PME et de TPE. Il avait été créé à Bourgogne mais il a évolué en 2017 pour être désormais partagé avec Auvergne-Rhône-Alpes où il a ouvert un bureau à Lyon. Le siège, lui, est à Chalon-sur-Saône.

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