Saint-Étienne
samedi 27 avril 2024
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Transfert du campus stéphanois de l’emLyon : « Les Lyonnais nous piquent tout »

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Révélée jeudi matin par nos confrères de l’Essor Loire, la volonté de la direction de l’Ecole de management (EM Lyon ou emlyon) s’est concrétisée l’après-midi suivant, par un vote majoritaire de son conseil de surveillance. Il acte la décision de transférer à Gerland sa formation BBA suivie par 1 000 étudiants sur son « campus stéphanois », autrefois ESC de Saint-Etienne avalée en 2014 par le voisin lyonnais en même temps que sa fondatrice, la CCI de Saint-Etienne. Dur à digérer.

Ce sont près de 8 000 m2, autrefois de Manufrance, qui accueillent le futur ex-campus stéphanois de l’emLyon. ©Capture google view

La « responsabilité sociale » de cette « société à mission depuis juillet 2021 » est, clame-t-elle, dans son « pitch » – sa présentation expresse – « au cœur » de ses « programmes de formation ». Cela « pour faire se rencontrer le meilleur des mondes socio-économique et académique ». Dommage : Saint-Etienne verra son accès à ce top là par le biais de l’emLyon (ou EM Lyon) se réduire, tout comme, aussi, les bienfaits de la « raison d’être » de l’école : « Former et accompagner tout au long de leur vie des personnes éclairées (à condition de pouvoir débourser 19 300 € par an ; l’Ecole de management de Lyon met cependant en avant une politique de bourse volontariste, Ndlr) qui transforment les organisations avec efficacité pour une société plus juste, solidaire et respectueuse de la planète »… Continuer à nourrir de telles ambitions RSE exige sans doute des sacrifices, comme supprimer un campus secondaire à 60 km de son principal, surtout quand on est construit un neuf de 150 M€ dans une nouveau implantation à Gerland…

Fondée par la CCI de Saint-Etienne en 1963, l’Ecole supérieure de commerce (ESC) de Saint-Etienne avait été réduite au statut de campus de l’emLyon, peu avant que son principal propriétaire ait été, lui, absorbé par la CCI de Lyon pour former le 1er janvier 2016 une CCI Lyon, Saint-Etienne et Roanne dite « métropolitaine ». Regroupement, rappelons-le, provoqué à l’origine par les pertes de ressources financières publiques dans les années 2010 que l’Etat devrait à nouveau accentuer via la loi de finances 2024 selon CCI France… Depuis 2015, ce qui est devenu la « délégation » stéphanoise de la CCI métropolitaine a perdu des dizaines de postes – parallèlement à ceux affectés à CCI formation – par rapport à l’époque où elle avait une existence indépendante. En dehors de l’école, ils ne sont plus qu’une quarantaine à travailler sur Saint-Etienne dans des locaux d’ailleurs récemment rénovés pour être en partie loués à des tiers.

L’emLyon a des futurs locaux à remplir à Gerland

Si financièrement, la CCI métropolitaine a retrouvé un certain équilibre, rappelle à If sa présidence, des voisins ont su s’en sortir tout en restant territoriaux et de proximité, comme la CCI Nord Isère, au paysage économique pourtant encore plus hyperconnecté avec l’agglomération lyonnaise que la Loire. Elle a toujours refusé l’option lyonnaise, s’alliant, sans fusionner, avec ses voisins du sud… Reste que jusqu’à cette rentrée 2023/24, environ 1 000 étudiants, toutes promos additionnées, suivaient à Saint-Etienne le Bachelor of Business Administration (BBA) de l’emLyon. Cela dans près de 8 000 m2 cours Fauriel, autrefois locaux de Manufrance comme le rappelle le fronton de l’entrée. Si la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne est restée l’actionnaire majoritaire avec 51 %, Galileo Global Education, « groupe français leader européen de l’enseignement supérieur » a remplacé en 2022 le fonds Qualium arrivé en 2019. Le capital de la « business school », dans lequel des entreprises régionales importantes ont investi, BioMérieux par exemple, a été augmenté de 50 M€ il y a un peu plus d’un an tandis que la BPI conserve aussi une présence.

Les réalités à la fois économiques dans cet univers hyper concurrentiel et international mais aussi pédagogiques expliquent ce transfert, non une fermeture.

Philippe Valentin, président de la CCI Lyon Saint-Etienne Roanne.

Au total, l’EM Lyon pesait alors environ 9 000 étudiants répartis dans divers campus. Outre Lyon (plus de 5 000 élèves) et Saint-Etienne (1 000), via des implantations à Paris, Shangaï, Mumbai (Inde) et Bhubaneswar (Inde) et quatre nouvelles annoncées alors à Londres, Milan, Oslo et Berlin. Celui de Casablanca, au Maroc a déjà fermé pour ses 70 étudiants réorientés, jusqu’ici à Saint-Etienne. Partie prenante du « plan stratégique Confluences 2025 », dans quel « emlyon s’est fixé l’objectif de figurer parmi les 15 premières Global Business Universités européennes d’ici 2025 », l’investissement de 150 M€ dans de nouveaux locaux à Gerland pour remplacer ceux d’Ecully doit, lui, se concrétiser par un déménagement effectif à la rentrée 2024 avec une capacité d’accueil de… 6 000 étudiants. C’est dans ce contexte, qu’il y a, toutefois,souligne auprès d’If Philippe Valentin, président de la CCI métropolitaine Lyon, Saint-Etienne, Roanne « des réalités à la fois économiques dans cet univers hyper concurrentiel et international mais aussi pédagogiques qui expliquent le transfert, non la fermeture, du campus stéphanois ».

Le campus emlyon de Paris transféré aussi

La décision stratégique n’appartient d’ailleurs pas à la CCI, pointe-t-elle, malgré ses 51 % de parts dans l’école. A la suite de l’avis négatif du CSE, à valeur « consultative », lors du vote du conseil de surveillance l’ayant actée jeudi, ses trois représentants – sur 12 membres – se sont d’ailleurs abstenus. Cette proportion modeste au regard du poids dans le capital résulte des négociations pour obtenir la venue des financeurs. « Nous aurions donc pu poser un veto uniquement en cas de fermeture », explique ainsi Philippe Valentin qui assume cependant la décision tout en assurant mesurer l’émotion pour le territoire : « La décision est très difficile. Je comprends ce que ça suscite à Saint-Etienne. On aurait pu faire la politique de l’autruche mais la réalité économique est là et ce n’aurait été que repousser une échéance fatale : ces regroupements métropolitains, c’est ce qui se passe partout ailleurs. Paris aussi est transféré à Lyon. Cependant, nous avons demandé des garanties. Déjà pour les 4 % de Stéphanois sur les 1 000 élèves (quelle proportion de Ligériens ? Ils étaient 15 étudiants de la Loire sur les 230 néo-entrants 2022-2023) à propos d’un accompagnement financier sur leur éventuel déménagement. Nous allons aussi déployer à Saint-Etienne, pour quelques dizaines de personnes à terme, notre programme La Toile ».

Vue du nouveau campus de l’emlyon à Gerland. ©emlyon

Une école gérée par l’EM lyon axée sur les formations numériques et destinée à un public en réinsertion. Surtout, Philippe Valentin annonce « un grand renforcement des diplômes couplés avec des établissements d’enseignement supérieur de Saint-Etienne ». Des partenariats de diplômes couplés déjà existants avec l’Ecole des Mines, l’ESADSE, l’EN3S et, surtout l’ISTP, sont censés être prochainement renforcés avec cet objectif de rattraper en une décennie grâce à eux, en volumétrie, le nombre d’étudiants perdus. Car au-delà d’une perte sèche d’une population de 1 000 étudiants (pour une trentaine de salariés mais en partie des profs venant de Lyon) pour Saint-Etienne la fréquentant, y dépensant, voire l’habitant, « il faut aussi ses poser des questions sur la pertinence des formations dispensées pour le territoire et ses entreprises. Oui, effectivement, la très grande majorité des diplômés ne restent pas ensuite sur le territoire de l’agglomération pour y travailler », précise Philippe Valentin, confirmant une information recueillie par ailleurs auprès d’une autre source par If Saint-Etienne. La CCI précise ainsi une proportion de seulement 4,4 % d’insertion professionnelle dans la Loire et la Haute-Loire à l’issue du cursus en 2023 et 5 contrats en alternance signés sur la Loire sur 110 en 2022/23.

« Contre le cours de l’Histoire »

Selon cette dernière, il manquait aussi 80 nouveaux étudiants inscrits en première année de BBA à la dernière rentrée pour que le campus stéphanois fonctionne comme espéré en termes d’effectifs étudiants : 170 contre 250 (MISE A JOUR 3 octobre, 16 h : une autre source anonyme côté stéphanois évoque 210 inscrits, ce 170 serait le chiffre communiqué par la CCI fin juin). La même source stéphanoise préférant conserver son anonymat, ajoutant cependant aussi qu’en rendant de moins en moins séduisante l’offre stéphanoise, elle devient fatalement moins attractive : ce qui permet de justifier une « fermeture » : « Qu’est-ce que vous voulez, c’est dans la foulée de ce qui s’est passé avec la CCI : les Lyonnais nous piquent tout, voilà tout. » L’idée en tout cas ne date pas de cette rentrée ni même du début de l’été puisque malgré des propos rassurants qui auraient été tenus par la suite à ce sujet, la direction de l’EM Lyon aurait déjà fait visiter, cela dès le début 2023, les près de 8 000 m2 du campus cours Fauriel à de potentiels repreneurs des lieux. L’ISTP dans le cadre de son projet conséquent de développement serait intéressée…

L’argument économique ne tient pas. Il y a un an et demi : la direction de l’EM Lyon nous a parlé et présenté de fermes projets de développement de son campus stéphanois.

Christophe Faverjon, vice-président en charge de l’enseignement supérieur au sein de Saint-Etienne Métropole

L’annonce du départ du BBA, « c’est aller contre le cours de l’Histoire », estime, lui Christophe Faverjon, vice-président en charge de l’enseignement supérieur au sein de Saint-Etienne Métropole dont le territoire a gagné 10 000 étudiants depuis 2014. Il est ainsi passé de 20 000 à 30 000 avec l’ambition régulièrement affichée par l’exécutif de l’agglomération d’atteindre les 40 000 d’ici 2030. Pour le maire PC d’Unieux, professeur de sciences économiques, « l’argument économique ne tient pas. Il y a un an et demi, la direction de l’EM Lyon nous a parlé et présenté de fermes projets de développement de son campus stéphanois. En quelques mois, les choses se seraient dégradées à une vitesse telle qu’il faudrait maintenant fermer Saint-Etienne, sans alarmer avant ? Je n’y crois pas. Il y a aussi la question d’un modèle économique, d’une manière de fonctionner, de recruter. Quand on connaît le coût de ces formations… Je constate que pendant ce temps, l’IAE de l’université Jean-Monnet, se développe et cherche de nouveaux locaux ».

Annoncée la veille du vote en visioconférence aux élus de Saint-Etienne Métropole pour information (la collectivité n’a pas de lien autre que relationnel avec l’EM Lyon), la décision aurait été une surprise pour eux, assure Christophe Faverjon.

A Saint-Etienne mais « sous d’autres formes »

Contactée jeudi par If Saint-Etienne, la direction de l’emlyon n’a envoyé qu’une réponse par écrit ce lundi matin. La voici :

« En 2024, emlyon business school ouvrira son nouveau campus au cœur de Lyon, l’Agora des transformations, incarnation de son ambition stratégique de compter parmi les meilleures Global Management Universities. Dans cette perspective, à la fois stratégique et pédagogique, emlyon revoit ses modalités de présence à Saint-Etienne. emlyon transfère ainsi son programme Global BBA de Saint-Etienne à Lyon tout en assurant une complète continuité pédagogique aux étudiantes et étudiants. L’expérience sera enrichie en permettant à chacun de bénéficier d’une vie étudiante animée, foisonnante et fertile sur le campus Agora des transformations.

L’objectif est de continuer à développer sous d’autres formes la nouvelle présence territoriale d’emlyon à Saint-Etienne. L’engagement vis-à-vis de tous les partenaires locaux et régionaux se poursuit, avec un maintien des partenariats existants à Saint-Etienne (avec l’école Mines de Saint-Etienne, EN3S, ESADSE-Cité du Design), l’amplification de nouveaux partenariats (dont l’ISTP), et le développement du programme La Toile (qui donne des perspectives professionnelles dans le secteur des métiers du numérique sans pré-requis de diplôme).

emlyon business school sera particulièrement attentive à l’accompagnement des étudiants, des personnels, des partenaires. Le bien-être et la qualité de vie des étudiants constituent une des priorités dans la gestion de cette évolution de notre présence à Saint-Etienne. L’école travaille aussi étroitement avec ses partenaires sociaux sur les modalités de mobilité de la trentaine de salariés relocalisés sur le site de Lyon. »

    

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