Dans la Loire, l’Etat va transférer à la Région la RN7, la RN82 et la RN88
La convention de mise à disposition – et les infinies modalités allant avec – reste à signer et ce ne sera qu’une « expérimentation ». Mais une expérimentation de huit ans tout de même, d’ailleurs actée par une parution au Journal officiel le 8 janvier. C’est dans le cadre de la loi 3DS que la Région a fait le choix de récupérer ces axes traversant la Loire. Le Département s’était interrogé mais n’avait pas donné suite pour la RN7 et la RN82. Saint-Etienne Métropole avait immédiatement écarté l’idée de récupérer la gestion de la RN88 mais aussi de l’A47 et la portion de l’A72 non concédée.
Les collectivités locales peuvent-elles faire mieux que l’Etat sur les routes ? Sans doute que oui, à condition d’y mettre beaucoup plus… d’argent. Si certains argueront qu’une gestion localisée sera plus rationnelle, plus pertinente, il n’y a pas de secret. Comme le montre la jurisprudence sur les lycées et les collèges, globalement mieux entretenus, quelles que soient les problématiques actuelles, depuis qu’ils ont été transférés de l’Etat aux Régions et Départements. C’était il y a des décennies. Au niveau des routes, la nouvelle vague – les Départements avaient déjà récupéré une partie significative du réseau national en 1972 puis 2005 – est pour très bientôt. Quand exactement et avec quelles garanties financières exactement ? Comment et pour qui travailleront les agents d’Etat de la Dir Centre Est concernés ? La Région va-t-elle devoir créer pour ces huit ans son propre service voirie ?
« Il est prématuré pour la Région de répondre à ces questions. Elles seront réglées au niveau des Régions lorsque celles-ci auront signé, avec le ministère des Transports, les conventions de mise à disposition des routes nationales dévolues », explique à If Saint-Etienne le service presse de la majorité du Conseil régional, notre délais de 24 h depuis la sollicitation mercredi soir étant trop court pour pouvoir échanger avec un de ses élus. Reste que l’expérimentation sur huit ans d’un transfert pour l’entretien, l’exploitation, mais aussi la maîtrise d’ouvrage de projets d’investissements (comme les fameuses déviations de la RN88, côté Haute-Loire, objet d’avenants au conseil régional dans le cadre de sa décision et probablement, plus tard, la RN7) est désormais actée sur un total linéaire de 790 km. Il s’agit des RN122, RN102, RN88 (et son appendice de desserte de Saint-Etienne, la RN488), RN7, RN82, RN209. Ces axes parcourent huit départements : le Cantal, l’Ardèche, la Drôme, l’Allier, l’Isère, le Rhône, la Haute-Loire et donc la Loire pour les RN88, RN82 et RN7.
Pourquoi le Département et Métropole ont dit non
Le principe de candidature de la Région avait été voté fin juin. Elle a été officialisée par une délibération de sa commission permanente le 30 septembre, date limite posée par l’Etat pour que les collectivités se prononcent en faveur ou non de sa proposition. Votée en février 2022, la loi 3DS (différenciation, déconcentration, décentralisation et simplification), prévoit en effet la possibilité d’un transfert des routes gérées par l’État vers les collectivités. Objectif officiel : « Conduire une action publique plus adaptée aux particularités de chaque territoire, gagner en souplesse et en efficacité. » Les collectivités avaient été sondées dès mars par la préfecture de Région. Et dès mars, le président de Saint-Etienne Métropole – qui aurait pu récupérer l’A47, la RN88 et le morceau non concédé de l’A72 – Gaël Perdriau avait écarté l’idée arguant du désengagement de l’Etat et de son manque d’investissement flagrant d’investissement sur ces mêmes axes. Position confirmée et officialisée par une délibération de Saint-Etienne Métropole votée en conseil le 29 septembre.
On y apprend que le 19 mai 2022, le Préfet de Région lui a transmis les modalités de calcul d’une estimation du droit à compensation financière des charges d’investissement et de fonctionnement, à caractère indicatif, basés sur des taux nationaux par typologie de voies et par thématiques techniques. « Le ministère de la transition écologique a mis à disposition du public des données relatives au réseau national permettant d’estimer le montant des compensations financières. Les éléments en notre possession permettent d’évaluer la compensation financière à 8,84 M€, sans prise en compte des ouvrages d’art ni des bretelles des différents échangeurs que l’Etat considère comme faisant déjà parties du domaine de Saint-Etienne… » Métropole a donc refusé et invité, au contraire, à « assurer la solidarité nationale envers notre territoire et son accessibilité en veillant à moderniser l’itinéraire entre Lyon et Saint-Etienne sur les axes A47, A72 et RN88 suite à la suppression du projet A45 ».
Récupérer oui mais dans quel état ?
Le Département de la Loire, lui, n’était pas aussi certain d’écarter l’idée de récupérer, le concernant, la compétence de gestion de la RN82 et de la RN7. Contacté, Jérémie Lacroix, vice-président mobilités et routes explique en effet à If Saint-Etienne que « oui, même si nous l’avons jamais revendiqué, nous nous sentions potentiellement capables de reprendre ces routes au regard de nos expertises et savoir-faire (son réseau compte encore 3 800 km linéaires après le transfert récent d’environ 500 à Métropole, Ndlr). Ayant déjà récupéré des routes nationales par le passé, cela faisant sens à nos yeux pour plus d’efficacité, de rationalité, et assoir le Département comme une collectivité d’importance. La problématique, c’était davantage les garanties financières. Celles qui nous été données – je n’ai pas la somme en mémoire – étaient insuffisantes. » Un des modes de calcul expliqué par le Département interroge : une moyenne des sommes investies sur les trois dernières années sur un axe. Et si celui-ci a été délaissé ? Et si des travaux majeurs à reproduire plus tard ont été effectués avant ces 3 ans.
Il y aura désormais des routes communales, intercommunales, départementales, régionales et celles de l’Etat. Quand on dénonce le mille-feuille administratif, ça fait beaucoup.
Jérémie Lacroix, vice-président mobilités et routes au Département de la Loire
Et le réseau à récupérer est-il en bon état ? Le 3 mai 2022, le ministère de la Transition écologique a publié les classes d’état des chaussées du réseau routier national. Dans la Loire, la Route Nationale 7 y était jugée à « 55 % en moyen voire mauvais état » ! Le mécontentement s’adresserait alors aux collectivités non plus à l’Etat. Et les financements – a priori supérieurs – puisés dans les budgets locaux, donc, en partie, les contribuables locaux… Le Département n’a donc pas répondu dans les temps, sans pour autant délibérer. Pour Jérémie Lacroix, il est regrettable cependant de constater un saucissonnage aux tranches toujours plus fines de la compétence voirie peu lisible pour les citoyens : « Il y aura désormais des routes communales, intercommunales, départementales, régionales et celles de l’Etat. Quand on dénonce le mille-feuille administratif, ça fait beaucoup. »
Quelle motivation ?
Alors quelle est la motivation de la Région dont ce n’était pas vraiment une compétence en termes de mobilité où elle assurait jusque-là les seuls RER et transports publics interurbains ? « Depuis 2016, la Région Auvergne-Rhône-Alpes reprend ses investissements sur les routes, que les précédentes majorités avaient refusé de financer, pour améliorer la sécurité sur les trajets et accélérer le désenclavement des bassins d’emploi. C’est ainsi, par exemple, qu’elle s’est vue confier la maîtrise d’ouvrage de la mise à 2X2 voies de la RN 88 à Yssingeaux (achevée) et entre Saint-Hostien et le Puy (chantier qui a démarré) en Haute-Loire. Que la Région avait proposé de participer au financement de la construction de l’A45 (projet abandonné par l’Etat). Elle s’est donc naturellement portée candidate pour expérimenter la gestions de certains tronçons de routes nationales. »
La Région ses investissements sur les routes, que les précédentes majorités avaient refusé de financer, pour améliorer la sécurité et accélérer le désenclavement des bassins d’emploi.
Exécutif du conseil régional Aura
Une convention doit donc désormais être signée pour régler cette mise à disposition après que cette question aura été abordée avec l’Etat dans le cadre du fameux et très en retard Contrat de plan Etat-Région, volet infrastructures, dont il appartient à l’Etat d’entamer les négociations. Commentaire de Johann Cesa, élu ligérien d’opposition PS à la Région : « Cela va permettre à l’exécutif régional de Laurent Wauquiez de couper plus vite des rubans sur la RN88 en Haute-Loire ou probablement à terme sur la RN7. Et ainsi dire : « avec nous, vous voyez bien que ça va plus vite ». Mais on va encore dépenser des sommes hors compétences alors que beaucoup de celles de bases de la région, comme la formation, ne sont pas assurées. »