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vendredi 26 avril 2024
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Ella & Pitr : « Le M.U.R. est là pour proposer autre chose que de la pub dans l’espace public »

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Il y a neuf ans, les deux artistes Ella & Pitr lançaient à Saint-Etienne, rue du Frères Maras (à côté des Halles), le petit frère du M.U.R. parisien. Le M.U.R. stéphanois propose chaque mois une œuvre différente sur un panneau de huit mètres par trois. Après avoir fêté le 100e collage en septembre 2021, l’aventure de ce morceau d’art libre et gratuit poursuit ses aventures. Nous en avons parlé avec Ella.

L’œuvre de Victor Cadoret qui orne le M.U.R. de Saint-Etienne en ce mois de janvier 2022 © NB / If Saint-Etienne

Quelle est votre définition du M.U.R. ?

Ella : Le M.U.R. correspond aux initiales de Modulable Urbain Réactif. Nous n’avons pas inventé ce concept car il existait un M.U.R. à Paris. L’idée est de proposer autre chose que de la publicité dans l’espace public, tout simplement. Il faut que ce soit également un espace qui reste très vivant. C’est pourquoi nous gardons ces initiales car si quelqu’un a envie d’investir cet espace de manière sauvage, entre les collages, c’est toujours bienvenu. Cet endroit appartient à tous et tout le monde peut s’y exprimer. Après, dans les faits, ce n’est pas ce qu’il se passe, car les gens sont timides. De plus, nous ne sommes pas à Paris et ça ne pullule pas d’artistes qui ont envie de faire des choses dans la rue. Mais dans l’idée, c’est un endroit généreux et ouvert, comme un cadeau au public stéphanois, aux passants.

A Paris, c’est beaucoup plus investi ?

En fait, le M.U.R. est né comme ça à Paris. C’était un espace publicitaire à hauteur humaine, situé rue Oberkampf. Régulièrement, les pubs se faisaient détournées ou recouvrir par des graffitis. A force, des artistes du quartier sont allés voir la mairie de quartier pour savoir s’ils pouvaient avoir un arrangement avec le publiciste et la mairie. Cela dans le but d’obtenir le leg de ces deux panneaux pour qu’ils deviennent un support artistique. Le publiciste a cédé rapidement car il s’est rendu à l’évidence que ces deux supports n’étaient pas très efficaces.

C’est un endroit généreux et ouvert, comme un cadeau au public stéphanois, aux passants.

A Saint-Etienne, sur le M.U.R., il y a eu environ 120 collages jusqu’à présent, suivant une programmation d’artistes différents chaque mois. Comment les sélectionnez-vous ?

Tout est possible, mais nous conservons une exigence artistique subjective. Cela engendre que nous n’acceptons pas toutes les propositions que nous recevons. Nous avons très envie de surprendre le passant et d’offrir quelque chose de très qualitatif. Du coup, nous ne fonctionnons pas comme à Paris. Là-bas, il suffit de s’inscrire sur une liste d’attente, tu attends deux ans puis tu peux venir faire le M.U.R. de Paris. De ce fait, il n’y a pas de réel choix ou de ligne artistique suivie. Ce n’est pas notre cas. Ici, nous sélectionnons soit parmi les artistes qui nous contactent directement soit parmi ceux que nous trouvons via nos fouilles, notamment sur les Internets (sic). Nous avons aussi beaucoup de bouche à oreilles grâce aux artistes qui ont déjà collé chez nous. Dans l’idée, c’est aussi construire une petite collection d’œuvres via le M.U.R. Mais un recueil non palpable, que l’on retrouve seulement en ligne*.

Il y a donc autant de locaux que d’artistes internationaux qui interviennent sur le M.U.R. ?

Oui, nous essayons d’avoir des artistes d’origines diverses, mais également d’avoir des esthétiques variées. Ne pas proposer tout le temps la même mouvance, malgré le fait que cela n’est tout le temps facile à maintenir.

Du coup, ce n’est pas obligatoirement un collage ?

Ca peut tout à fait être une autre forme tant que l’œuvre peut être recouverte par l’artiste suivant. Par contre, si c’est une sculpture en volume qui sort du M.U.R., il faut que l’artiste s’engage à venir la démonter lui-même avant le prochain collage.

Il y a également un autre espace d’affichage similaire situé sur l’enceinte de la salle du Fil à Saint-Etienne ?

Oui, tout à fait. C’est le petit frère du M.U.R.. C’est le fil qui gère la logistique de cet espace mais nous leur proposons les artistes qui nous semblent correspondre au lieu. Il y a trois collages par an. Parfois, ce sont des artistes qui font déjà le M.U.R., donc cela correspond à une sorte de dialogue entre les deux œuvres proposées.

Toutes les œuvres du M.U.R. sont éphémères et sont recouvertes ?

Oui, à chaque nouveau collage, l’œuvre précédente est recouverte. Sauf quand on arrive à telle épaisseur de gâteau d’affiches que nous sommes obligés de tout gratter pour remettre le panneau à zéro.

Ce que nous préférons c’est bien sûr quand un artiste prend le risque de profiter de cette opportunité pour tenter quelque chose.

Cela fera bientôt neuf ans que le M.U.R. existe à Saint-Etienne. Y-a-t-il des anecdotes qui vous ont particulièrement marqués depuis le début ?

Il y a eu plein mais c’est toujours quand on nous demande ça que l’on ne parvient pas à s’en souvenir… Mais en tout cas, il y a eu beaucoup plus de très belles choses que de ratés. Nous avons eu de nombreuses œuvres « efficaces » dirons-nous, c’est-à-dire peu surprenantes mais qui fonctionnent bien. Ce que nous préférons c’est bien sûr quand un artiste prend le risque de profiter de cette opportunité pour tenter quelque chose qui leur ouvrira potentiellement une porte dans leur travail. Je suis personnellement un peu déçu quand un artiste reste dans sa zone de confort. Le M.U.R. n’est pas quelque chose de très prestigieux, alors c’est le lieu idéal pour tester, expérimenter. C’est une sorte de laboratoire artistique.

Les artistes qui viennent restent-ils tout le temps dans le cadre ou débordent-ils parfois ?

Pour le moment, aucun n’a débordé. Cela nous arrange pas mal pour être honnête. Pour l’anecdote, nous avions été invités à coller sur le M.U.R. de Paris et nous étions sortis directement du cadre. A partir de ce moment-là, c’est devenu une sorte de convention et tous les artistes sortent désormais du panneau. Le cadre est un peu devenu fantôme au milieu du mur. Nous sommes donc bien heureux que personne ne le fasse à Saint-Etienne, car si cela arrivait, tout l’intérêt que les collages s’effectuent à cet endroit plutôt qu’un autre serait perdu. Le cadre fait en sorte que cet espace soit une sorte de musée dans la rue, qui met en avant ce qu’il contient.

Y-a-t-il d’autres M.U.R. qui sont nés en France depuis la création de la version stéphanoise ?

Oui, de nombreux. Mais je déplore qu’il n’y ait pas de ligne artistique très claire à chaque foi. Les organisateurs acceptent tout et du coup on ne distingue pas la différence entre les M.U.R. On voit aussi des artistes qui se font la tournée des M.U.R. Cela dit, je conseille le M.U.R. 13 à Paris, qui possède un réel intérêt.

Pour ce mois de janvier, vous avez choisi de laisser Victor Cadoret coller. Pourquoi ce choix ?

C’est un sortant des Beaux-arts de Saint-Etienne. Cela faisait longtemps que nous essayions de rentrer en contact avec ce réseau. C’était dommage de ne pas avoir de liens avec les Beaux-arts. C’était surtout dû au manque de temps car nous sommes tous bénévoles pour le M.U.R. Victor Cadoret est également un artiste de 24 ou 25 ans et nous n’avons pas eu de nombreuses occasions d’accueillir des artistes aussi jeunes. Nous avons apprécié son travail, la manière dont il faisait des graffitis dans Saint-Etienne. Nous avions envie de mieux le connaître. Pour le M.U.R., il a fait un travail de peinture un peu « académique » mais très intéressant, en tissant une sorte de toile avec des milliers de petits carrés comme des petits pixels. Cela donne un rendu assez méditatif.

Quels sont les projets d’Ella & Pitr pour cette année ?

Nous avons la boutique à Saint-Etienne, sous les arcades, qui sera ouverte jusqu’à fin janvier. A signaler également cette année, notre prochaine expo qui est prévue à Paris en octobre.


*L’ensemble des collages ayant eu lieu sur le M.U.R. de Saint-Etienne sont à retrouver à cette adresse : le-mur-st-etienne.tumblr.com

Le M.U.R. de Saint-Etienne est situé rue du Frère Maras. L’association bénéficie d’un soutien de la Ville de Saint-Etienne.

Concernant la boutique d’Ella & Pitr sous les arcades, elle est ouverte jusqu’au 29 janvier 2022 et sinon toute l’année sur ce site

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