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dimanche 28 avril 2024
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Saint-Etienne Métropole confirme le volume des investissements, pas leur objet

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Les détailler n’est pas, dans l’absolu, l’objet des orientations budgétaires soumises au débat de l’assemblée de Saint-Etienne Métropole le 8 février. Les investissements seront ainsi davantage explicités lors du vote du budget le 28 mars. Mais parce que l’intercommunalité peut se le permettre, souligne l’exécutif, 150 M€ seront encore inscrits en 2024. De quoi poursuivre le rythme soutenu du plan de mandat devant cumuler plus de 800 M€. Toutefois, « des arbitrages » sur l’utilisation de la somme sont en cours avec de potentielles réorientations. La patinoire est, sans surprise, parmi les grands projets rediscutés…  

Une inflation espérée à 2,6 % en 2024 contre 4,9 % en 2023. Cela allié à d’autres « paris ». Ceux d’une croissance à 1,4 % (1 % en 2023) ou encore d’une dette publique stable à 109,7 % du PIB. La vérité de la loi de finances, feuille de route d’ordre national, n’est pas la seule à dépendre de ces prévisions (espérances ?) macro-économiques. Elles calent, aussi, les projections budgétaires d’une collectivité locale comme Saint-Etienne Métropole. A commencer par les ressources. Cependant, « malgré un contexte économique et géopolitique incertain, une inflation toujours présente, des taux d’intérêts encore élevés impactant le budget, la Métropole souhaite poursuivre son programme d’investissement ambitieux au profit de l’ensemble du territoire », annonce Saint-Etienne Métropole dans son document de présentation des projections budgétaires 2024.

L’exécutif de la Métropole souligne une situation financière toujours favorable tout en réinterrogeant la pertinence de certains investissements. ©If Média/Xavier Alix

Le 8 février, l’assemblée intercommunale avait à examiner le Dob, Débat d’orientation budgétaire, étape « projective » qui précède le vote du budget primitif (BP) fixé au 28 mars. Si, de son côté, le Département sera probablement contraint de les baisser de plus de 16 % pour revenir au niveau de 2019, les investissements métropolitains ne devraient, eux, pas ralentir. Ni cette année, ni même – à ce stade – lors des deux exercices restants du mandat en cours. 150 M€ de dépenses d’équipements sont donc encore projetés en 2024 sur le budget principal. Soit, certes, 2 de moins qu’en 2023 mais 40 de plus qu’en 2022. Comme il y a un an, Christian Julien, vice-président en charge du budget l’a réitéré : les finances métropolitaines restent saines, les recettes de fonctionnement considérablement amplifiées par le pacte fiscal 2021, apportent une base solide pour se permettre de poursuivre un plan pluriannuel d’investissements. A son issue, il totalisera plus de 800 M€.

Le patinoire, objet glissant « d’une réflexion »

Le double, au moins, de 2014/2020. A défaut du volume, c’est en revanche le contenu qui pourrait être révisé. Outre 2 M€ pour améliorer le fonctionnement interne, 80 M€ sont annoncés en 2024 pour le « développement du territoire » (dont la très coûteuse voirie n’est pas la moindre ligne des dépenses), 33 M€ pour le « développement durable » et enfin 35 M€ pour « l’attractivité » intégrant les dépenses affectées à l’entretien, l’extension ou la création des équipements sportifs. Ces investissements n’ont pas été beaucoup détaillés le 8 février. Moins que lors d’autres années semble-t-il… Et pour cause : « L’ensemble des projets d’investissements proposés cette année fera l’objet d’une présentation très détaillée fin mars lors du vote du budget primitif, avait déclaré en introduction de la délibération Sylvie Fayolle, à la tête de la présidence métropolitaine par intérim. Nous sommes encore en réflexion sur certains investissements, en phase d’arbitrage. Pour cette année et la fin du mandat. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant. »

Nous sommes encore en réflexion sur certains investissements, en phase d’arbitrage. Pour cette année et la fin du mandat. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant.

Sylvie Fayolle, 1ère vice-présidente de Saint-Etienne Métropole

Faut-il comprendre que le fameux et toujours discuté projet patinoire (une trentaine de millions, soit dix de plus selon des opposants au projet que lors de son adoption à une large majorité il y a des années) pourrait être gelé ? « A l’heure où je vous parle, cet équipement fait effectivement l’objet d’une réflexion, glisse à If Saint-Etienne Jean-Luc Degraix, adjoint couramiaud et, depuis janvier, vice-président, entre autres aux grands équipements à la suite des votes de cet automne. Mais rien n’est tranché. Techniquement, on peut arrêter ce projet, oui, même s’il nous en coûterait quelques millions par rapport à ce qui a été déjà engagé. En revanche, nous maintenons le rythme global des investissements cette année et pour celles qui viennent. » Pour ce qui est de 2024, il faudra pour cela emprunter jusqu’à 80 M€, soit 53 % de l’investissement prévu. C’est 19 de moins que ce qui avait été projeté il y a un an pour 2023 où les nouveaux crédits devaient financer à 65 % les dépenses d’équipement.

L’épargne nette reprend du poil de la bête

Au 1er janvier 2024, l’encours de la dette était de 348,6 M€ pour un ratio de désendettement de 6,8 années, loin encore du voyant rouge des 11-12 ans. Et mieux qu’au 1er janvier 2023 : 7,4 ans pour 338,3 M€ d’encours. Les remboursements d’intérêts de la dette progresseraient très fortement cette année en passant de 12,5 à 20 M€. En raison, en partie, a expliqué Christian Julien de l’élimination des emprunts toxiques, « troqués » contre des emprunts standards à taux plus élevés, plutôt conformes à ceux pratiqués actuellement. Mais, bonne nouvelle, l’épargne nette – capital pour justement investir – devrait repartir à la hausse, passant en 2024 selon les projections du Dob de 15,1 à 18,5 M€. Elle avait subi l’an passé un recul spectaculaire de 10,5 M€ à la fois parce que l’épargne brute avait perdu 7 M€ (contre une progression de 5,4 M€ prévus en 2024) et parce que le remboursement du capital de la dette avait augmenté de 3,5 M€ (contre « seulement » +2 M€ prévus en 2024).

Les charges courantes n’augmentent que d’1,45 % pour atteindre 104,9 M€. Cela démontre une maîtrise et de nouveaux efforts d’économies de la part des services.

Christian Julien, vice-président au budget

Cela parce que « malgré l’inflation (fluides, assurances, etc., Ndlr), les charges courantes n’augmentent que d’1,45 % pour atteindre 104,9 M€. Cela démontre une maîtrise et de nouveaux efforts d’économies de la part des services », salue Christian Julien. Mais, c’est aussi la progression des ressources fiscales qui assoient la situation financière de la Métropole. Au niveau des recettes de fonctionnement, le produit de la taxe liée à la Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) passe en effet de 4 à 5 M€, par choix de l’exécutif afin « d’honorer ses engagements » sur cette compétence pleinement transférée par l’Etat il y a quelques années. Les recettes obtenues via la Teom (enlèvement des ordures ménagères) augmentent d’1,8 M€ pour atteindre 48,2 M€. Non en agissant sur le taux mais par réévaluation, non maitrisée des valeurs locatives de + 3,9 % et une augmentation du nombre de redevables.

La fiscalité va rapporter encore davantage

Le produit fiscal directement sur les ménages (issu d’une part de taxe foncière) totaliserait, lui, 19,2 M€, en 2024, soit 1 M€ de plus qu’en 2023. Celui sur les impositions économiques, allocations compensatrices et fraction de TVA reversée, atteindrait un cumul de 174,3 M€ contre 164,9 M€ en 2023. En particulier grâce à la fraction de TVA reversée (compensation de la taxe d’habitation et du CVAE) car « elle suit l’inflation et donc doit atteindre, à elle seule, 98 M€ en 2024 ». Les dotations de l’Etat sont en léger recul, de 0,2 M€ comme les recettes diverses (subventions, produits des services…), de 0,5 M€ tandis que les produits financiers (autre bon côté de la sécurisation de la dette) passent de 2,1 à 5 M€. Résultat : les recettes envisagées en 2024 seraient en progression significative de 15,3 M€ par rapport au budget primitif (BP) 2023 pour atteindre 350,7 M€. 

Certains élus estiment que des décisions financières majeures manquent de transparence dans leur décision. ©If Média/Xavier Alix

En face, hors investissement, il y a cependant les dépenses de fonctionnement. Et elles aussi, sont en hausse. Fatalement. De presque 10 M€ par rapport au BP 2023 pour atteindre 299,7 M€. La hausse aurait pu être pire sans un reversement aux communes prévu en fort recul, de 8,3 M€ (81 M€ au BP 2023) et une subvention d’équilibre au budget transports passant de 8 à 6 M€. Mais tandis qu’une somme d’1,4 M€ de subventions supplémentaires est versé à la Cité du design aux comptes tourmentés – « il faut compenser des pertes de ressources extérieures », commente sobrement Christian Julien -, les charges de personnel, surtout, explosent, passant de 83,3 M€ au BP 2023 à 94 M€ prévus. Elles sont encore « impactées par la revalorisation du point d’indice (effet année pleine en 2024), de la hausse de 5 points d’indice au 1er janvier 2024 ». Et la poursuite « des mutualisations ».

Des investissements à massivement requestionner ?

L’explosion des charges de personnel s’explique en effet essentiellement, à 86 %, par la poursuite de la mutualisation avec la Ville centre qu’est Saint-Etienne qui, en revanche, perd pas loin de l’équivalent – « pratiquement un vase communicant, image Christian Julien, le surcoût net sur le personnel est en fait de 2 M€ » – sur la ligne reversement aux communes. C’est elle qui en porte la baisse. Elu socialiste stéphanois d’opposition, Pierrick Courbon a donné sa propre analyse. Il estime « que l’on peut se satisfaire de voir des recettes de fonctionnement progresser davantage que nos dépenses. Quand nos dépenses progressent de 10 M€ et nos recettes de 15, on ne peut que saluer la qualité de la gestion et que contrairement à d’autres collectivités, nous ne souffrons pas de l’effet ciseau ». Mais « il convient aussi de rappeler la hausse de la fiscalité de la Métropole qui explique cette bonne santé ». Hélas, ajoute-t-il, « la situation est un petit peu en trompe l’œil. Le plus grand danger que l’on sous-estime est la hausse des dépenses liées aux ressources humaines ».

La situation est un petit peu en trompe l’œil. Le plus grand danger que l’on sous-estime est la hausse des dépenses liées aux ressources humaines.

Pierrick Courbon conseiller stéphanois d’opposition

Au-delà de la mécanique de mutualisation avec la ville centre, l’élu pointe des nouveaux équipements qui s’accompagneront de nouvelles dépenses de fonctionnement en raison de nouveaux coûts fatalement liés : recrutements, entretien, énergie et fluides. Pierrick Courbon pense évidemment au projet de patinoire. Comme l’an dernier, comme à la Ville et comme au Département, Pierrick Courbon relève une montée en puissance des recours à l’emprunt, certes moindre cette année, paradoxalement, analyse-t-il, effectués au moment où les taux remontent et non quand ceux-ci étaient bas, comme en 2022 et plus encore en 2021. Aussi, « le mi-mandat est le moment de se reposer des questions sur le plan pluri annuel d’investissements ». Dans le viseur encore, elle : la patinoire. « Au moment de son adoption, c’était 22,5 M€ avec des aides extérieurs pour des travaux lancés en 2023 et une livraison en 2025. On est loin du compte. »

« Il est encore temps de revoir la copie »

Selon le conseiller, la patinoire, c’est aujourd’hui 36 M€, avec une aide extérieure évaporée, en comptant les 10 M€ d’aménagements extérieurs induits ! « Il est encore temps de revoir la copie ». Idem à ses yeux pour Cité du design 2025 et ses 60 M€ à sa présentation dont 35 à la charge de la Métropole, le reste étant attribué en grande partie au privé. « L’ouverture était prévue pour 2025. Aujourd’hui, on parle de 49 M€ à la charge de la Métropole et on n’a plus de traces du privé… C’est illusoire pour n’importe qui de penser que l’an prochain, il y aura là-bas un hôtel, un concept store, trois restaurants, des cafés et des bars à profusion. On s’est moqué de nous et on continue de le faire. (…) Il serait salutaire de requestionner ces deux projets (patinoire et Cité, Ndlr) qui cumulent 25 M€ de dérapages et de leur redonner une légitimité démocratique en faisant délibérer sur ces deux projets. Ce qui, à ma connaissance, n’a jamais été fait pour la Cité du design 2025 ! »  

Ces orientations budgétaires donnent l’impression d’une grande imprécision pour ne pas parler de flou. Comment alimenter ce débat qui sans matière devient inutile ?

Jean Duverger, conseiller stéphanois d’opposition

Elu écologiste stéphanois d’opposition, Jean Duverger reste sur la même ligne que ses critiques de l’an passé, estimant que l’exécutif métropolitain persiste à ne pas adapter la nature de ses investissements au contexte géopolitique et à l’inflation persistante. Il pointe aussi, un manque de transparence démocratique à ses yeux à propos des choix effectués : « En commission nous avons été plusieurs à nous étonner du manque de précisions de vos orientations budgétaires, surtout en ce qui concerne les futurs investissements, et pour cause… Il fallait attendre le bureau du 24 janvier, pour que les arbitrages indispensables soient faits…  Du coup, nous sommes handicapés pour analyser un document qui a perdu beaucoup de sa pertinence du fait de décisions qui nous sont inconnues. Pourquoi ne pas nous donner accès à cette instance ou au moins à ses comptes-rendus pour que nous puissions, comme la loi le prévoit, nous décider en toute connaissance de cause ? » 

Cité du Design 2025 remis sur la table

Jean Duverger en conclut que « ces orientations budgétaires donnent l’impression d’une grande imprécision pour ne pas parler de flou. Comment alimenter ce débat qui sans matière devient inutile ? Encore une fois, nous pensons que l’avis du bureau exécutif même exprimé à l’unanimité n’est pas légitime pour décider. En l’état nous voterons contre ce rapport trop imprécis et sans prise sur la réalité ». Réponses de Christian Julien : « Pour ce qui est des taux d’intérêts, un fléchissement semble se profiler avec une annonce possible de la Banque de France en juillet. Nous verrons d’ici l’automne et ne déclenchons rien avant en utilisant d’abord le fonds de roulement. Et comme vous le savez, ce qui est inscrit en emprunts aux Dob n’est pas forcément le recours à l’emprunt réellement effectué : en 2023, il a été nettement inférieur aux prévisions. Il n’y a pas d’imprécisions ou défaut de présentation sur ces Dob. C’est le budget primitif qui donne les détails attendus. Nous vous garantissons, quoi qu’il en soit, notre capacité à régénérer l’autofinancement dans nos décisions même si de nouveaux équipements sont réalisés. »

Voici à quoi pourrait ressembler la Cité du Design en 2025 selon la présentation du projet datant de juin 2022.

Vice-président à la culture, Marc Chassaubéné jugeait la synthèse de Pierrick Courbon sur Cité 2025 « pas acceptable ». « Chaque brique de ce projet vous a été détaillé. Et les étapes, ses avancées sont discutées et données en conférences des maires, à chaque assemblée. Ce projet a une forte valeur environnementale, d’attractivité, de lien social aussi. Nous ne manquons pas de preneurs, côté privé. Les discussions sur l’hôtel sont par exemple très avancées. Et il est irresponsable de semer le doute pour des questions politiciennes alors que la création de valeur immobilière sera de 12 M€. Rappelons qu’avec la Galerie nationale du design, nous connectons ce projet aux grandes institutions culturelles du pays. L’Etat pourrait y mettre 150 000 € dans son fonctionnement. Ce qui diminuerait d’autant, en négatif, un coût de fonctionnement au solde net de 0 selon les estimations, les travaux aboutis. »

Aussi, il est faux selon l’élu de la majorité stéphanoise de parler de « dérapages. Certes, l’inflation, le coût des matériaux ont fait gonfler la note de 13 % par rapport à il y a 4 ans. Mais c’est dans la moyenne nationale ». Ce à quoi, Pierrick Courbon rétorquait : « 13 % de 35 M€, ça donne 40 M€ (39,55 M€, Ndlr) » et oui ou non, « avons-nous voter une délibération en assemblée sur ce projet dans son ensemble ? » Interrogation restée lettre morte.      

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