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dimanche 28 avril 2024
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Saint-Etienne Métropole candidate aussi à la zizanie (1/2)

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La relative sérénité consensuelle censée accorder les débats intercommunaux vient de céder un peu plus de terrain aux tensions croisées autour de sa gouvernance. Jeudi dernier, la dernière assemblée 2023 de Saint-Etienne Métropole avait, entre autres, à voter pour élire deux nouveaux vice-présidents en remplacement de démissionnaires : la Stéphanoise Delphine Jusselme et l’ex-maire couramiaud Hervé Reynaud. Devenu sénateur, ce dernier a malgré tout appelé à ne pas voter pour son… ex adjoint à l’urbanisme Jean-Luc Degraix. De quoi susciter la colère froide de l’intéressé, finalement élu, dans un fauteuil surprise. Doublée d’une autre avec l’élection du maire PS de La Talaudière, Ramona Gonzalez-Grail sur laquelle nous reviendrons dans un second temps.

La gouvernance de Métropole continue à alimenter les tensions à Saint-Etienne Métropole.

« Pas de pressions ». Au regard du contexte, la remarque bienveillante de Sylvie Fayolle, à la tête de la Métropole par intérim, devenue, jeudi en séance publique, 1ère vice-présidente par glissement, ne pouvait décemment pas s’adresser aux élus présents. Elle était en effet destinée à des agents en train d’afficher, sur un tableau numérique, les candidats déclarés à la première des deux vice-présidences vacantes. Car pour le reste… « La candidature de Jean-Luc Degraix me navre. C’est une candidature de division qui émane des mêmes qui cherchent à déstabiliser la gouvernance actuelle. » Qui d’autres, aux yeux d’Hervé Reynaud que le « camp » Perdriau pour former celui des « déstabilisateurs » et donc y associer d’autres élus de « droite », non Stéphanois ? Bien que désormais sénateur, l’ex-maire de Saint-Chamond et ex 1er vice-président de Saint-Etienne Métropole, s’est en effet invité dans la « campagne » électorale invisible qui s’est jouée ces dernières en semaines en coulisses à coup de mails, de discussions, de courriers et téléphones sollicitant les élus métropolitains, maires ou non.

Il s’est ainsi fendu d’un courriel envers ses anciens collègues ayant choisi de « faire part de son point de vue », cela « avec beaucoup de gravité et de solennité à propos du contexte ». Au-delà de ce qui est une évidence pour Hervé Reynaud – la seconde ville, de loin, la plus peuplée de la Métropole doit pour lui avoir un 2e vice-président (en plus de lui, jusqu’à sa démission, son adjointe Andonella Fléchet l’est depuis 2020) –, « les règlements de compte n’ont pas leur place lorsqu’il s’agit de la pérennité et de l’efficacité de notre mission. Cette candidature fragilise l’organisation actuelle dans laquelle Jean-Luc Degraix est en soutien de Gilles Artigues pour les politiques de l’habitat. Aujourd’hui, je sollicite votre clairvoyance en faveur du choix de Régis Cadegros, qui a toujours été loyal et impliqué dans la vie communale et métropolitaine depuis 2014 à mes côtés et aujourd’hui aux côtés d’Axel Dugua. » Dernier cité, le nouveau maire de Saint-Chamond qu’il avait publiquement désigné comme successeur à défaut de le nommer (une élection interne à la majorité a élu son adjoint aux sports au détriment de Jean-Luc Degraix) n’avait pas été fléché comme élu communautaire aux Municipales de 2020.

« Encore une fois, une séance particulière »

Aussi, dès le 9 octobre dans la foulée de l’annonce du résultat du vote interne de la majorité couramiaude, le choix de présenter à la vice-présidence métropolitaine Régis Cadegros, 1er adjoint aux finances de Saint-Chamond et élu communautaire était précisé. Là encore, au détriment de l’adjoint à l’urbanisme Jean-Luc Degraix, battu 18 voix de la majorité à 15 en faveur d’Axel Dugua, deux jours auparavant. Le conseiller délégué métropolitain de Gilles Artigues à l’habitat, espérait pourtant, si ce n’est un lot de consolation, au moins un geste « fort » en faveur de la concorde en lui accordant cette candidature. Alors, par ricochets, « encore une fois, nous vivons une séance très particulière, a-t-il fait remarquer jeudi dernier à l’assemblée au moment de se présenter officiellement et vive voix en reprenant son courriel de campagne. Notre équipe municipale est profondément chamboulée après une longue campagne interne en raison du départ d’Hervé Reynaud. Je n’ai jamais voulu pratiquer la politique du pire, en me faisant élire (après et malgré le résultat du vote interne à la majorité, Ndlr) avec les voix de l’opposition. En conseil municipal (le 23 octobre, Ndlr), j’ai voté Axel Dugua, à qui je souhaite bon courage. »

Je n’ai jamais négocié quoi que ce soit avec qui que ce soit. Jamais. Je trouve ça honteux, ce mail est scandaleux. 

Jean-Luc Degraix, 18e vice-président de la Métropole

En bon orateur, Jean-Luc Degraix marquait un arrêt. Cela afin de répéter le propos en se tournant directement vers l’intéressé, présent via un « statut d’observateur » et qui a lui-mêm envoyé un courriel d’appui à la candidature de Régis Cadegros : « Tu peux compter sur moi pour le travail engagé ensemble. Cela à condition que le projet 2020 soit maintenu et que toutes les sensibilités de la majorité soient respectées. Et là, j’ai un doute. La candidature de Régis Cadegros n’a pas fait l’objet d’un vote interne. Dans ce contexte, est tombé le mail d’Hervé Reynaud… Je suis abasourdi : cela après 15 ans de travail ensemble (Jean-Luc Degraix était déjà sur la liste de Gérard Ducarre aux élections municipales 2008 et non du « côté » Mandon/Rochebloine, Ndlr) ? Ces mots blessent et font mal. Hervé Reynaud a un certain crédit dans cette assemblée, sa parole à un poids. Mais je n’ai jamais négocié quoi que ce soit avec qui que ce soit. Jamais. Je trouve ça honteux, ce mail est scandaleux. » Seule chose qui compte assure-t-il, sa motivation et son expérience : « Le fait de « travailler depuis 10 ans au sein de Saint-Etienne Métropole, d’abord avec Jean-Claude Charvin puis maintenant avec Gilles Artigues, en tant que passionné par les questions d’habitat. »

66 % des votes pour Jean-Luc Degraix

Face à lui donc, le candidat officiel de Saint-Chamond, Régis Cadegros, qui avait calmement argué d’un état d’esprit fait de « confiance », « d’harmonie » et « d’entente » aussi bien avec Sylvie Fayolle qu’avec Denis Barriol (maire de Genilac et vice-président) pour qui il est délégué aux ressources humaines. Il vise ainsi la « continuité » afin de « terminer le mandat dans la sérénité et l’apaisement ». Toujours pas d’apaisement apparemment du côté d’Éric Berlivet. Malgré un discours assez policé envers Gaël Perdriau, le maire de Roche-la-Molière n’a manifestement toujours pas digéré son « absence » de l’exécutif actuel vis-à-vis du précédent mandat qu’il avait débuté en tant que vice-président (vp) en charge des déchets. Lui rappelait la tradition de cette assemblée qui avait jusque-là toujours donné un Rouchon à chaque exécutif. « Saint-Chamond a déjà des élus en responsabilité. Je suis évidemment candidat avec les délégations qu’avait Hervé. Même si c’est le président, l’officiel (Gaël Perdriau, lire ci-dessous Ndlr) qui décidera… On m’a enlevé ma délégation, on sait comment ça s’est passé. Il est de tradition que les vice-présidences soient d’abord accordées à des maires. Vous savez que je serai sur le terrain, sans faire de la politique politicienne. »

Pas de périmètres – délégations ou territoriales – visés par l’opposant stéphanois écologiste Jean Duverger et sa candidature, assure-t-il, mais la seule volonté d’en finir avec la « logique en silos ». Celle qui empêche, à ses yeux, une prise en compte systématique et transversale du fait environnemental dans les politiques publiques de la Métropole au regard de l’urgence climatique : « la légitime pensée écologiste globale ». Sur 116 votes exprimés, son discours de candidature, le seul détaché de toute allusion aux conflits internes prégnants qui ne cessent de s’emmêler depuis 15 mois maintenant n’a convaincu que 10 élus. Éric Berlivet, lui, en a obtenu 17. Régis Cadegros de son côté ayant eu 31 votes en sa faveur, Jean-Luc Degraix a raté d’un bulletin une élection au premier tour avec ses 58 votes, 50 % des suffrages exprimés. Le second tour, dépouillé d’Eric Berlivet, qui a préféré se retirer l’a amené à être élu 18ᵉ vice-président de SEM avec 75 voix, largement devant Régis Cadegros (qui a même perdu des plumes par rapport au 1er tour : 27 voix) et Jean Duverger (14 voix). 64,7 % des suffrages. Presque aussi fort que le désaveu, il y a pile un an, subi par Gaël Perdriau, lorsque 66 % des élus métropolitains avaient voté le vœu exigeant sa démission…

Quelles délégations pour les nouveaux vice-présidents ?

Ce n’est pas neuf. Cela fait un an que ça dure. La mise « en retrait total » auto prescrite par Gaël Perdriau ne répond à aucun cadre légal. La situation est inédite. Et indépendamment de chaque volonté, la délégation de ses pouvoirs jusqu’à nouvel ordre, rendue effectivement possible par la législation, se heurte à des limites. Dans un certain nombre de cas, la signature du réel président reste indispensable. Par exemple, pour accorder officiellement une délégation, une fonction spécifique à un vice-président sur une des politiques publiques menées par l’intercommunalité. Or, l’appel à candidature aux vice-présidences vacantes n’a pas été assortie des délégations correspondantes jusque-là : « administration générale, des marchés publics, des grands projets d’aménagement et des grands équipements » pour Hervé Reynaud ; « politiques d’insertion par l’économie et l’emploi » pour Delphine Jusselme. Ce que faisait remarquer en début de séance Julien Vassal, maire de L’Horme considérant qu’il ne pouvait pas décider d’un vote sans savoir ce que les futurs élus ou non feront.

Exercice de paradoxes

« Certes, mais comme en 2020 », rétorquait Sylvie Fayolle qui annonçait que cette répartition serait effectuée dès que possible en bureau des vice-présidents. Elle insistait sur sa capacité à agir et s’exprimer, librement, sous-entendant que le choix convenu sur cette nouvelle répartition – elle précisait d’ailleurs qu’elle allait sans doute récupérer une partie des charges jusque-là dévolues à Hervé Reynaud – ne serait ainsi pas soumis à la volonté de Gaël Perdriau. « Je n’ai pas l’intention de faire de la figuration. » Le conseiller stéphanois d’opposition Pierrick Courbon a du coup proposé le vote d’une motion (inscription non accordée) permettant de dissiper le brouillard. Le même autour du recrutement des collaborateurs de la présidente par intérim. Mutualisé comme pour la communication, le nouveau directeur de cabinet de Gaël Perdriau peut difficilement être aussi celui de Sylvie Fayolle au regard du contexte… Le moyen de recruter d’un « adjoint » mais sous sa seule autorité est en cours d’élaboration. Métropole n’en est plus à un paradoxe près.

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