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samedi 27 avril 2024
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Finances du Département de la Loire : « C’est difficile mais on va s’en sortir »

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Une épargne nette pour la première fois de l’histoire du Département négative et donc, un recul significatif des investissements allant avec… Les dépenses contraintes grimpant deux fois plus vite que les recettes, le Département annonce une année budgétaire 2024 se rapprochant des rives de l’austérité. Il annonce parallèlement cette année, une vaste œuvre de révision de ses politiques publiques. A l’issue de cet état des lieux, des décisions douloureuses pourraient être prises sur les dépenses « facultatives ». Celles qui ne le sont pas vraiment pour leurs bénéficiaires…

Il s’agit du premier budget projeté sous la vice-présidence aux finances de Jérémie Lacroix (à gauche), remplaçant dans ces fonctions Hervé Reynaud cet automne. ©If Média/Xavier Alix

« Les réalités budgétaires n’épargnent pas le Département de la Loire », titrait If Saint-Etienne il y a un an. Il était alors aussi question du Débat d’orientation budgétaire (Dob). Celui de 2023. « Dob » qui précède en général de deux mois le vote du budget primitif (BP) dont l’exécution (la réalité des dépenses et recettes) est, plus tard encore, l’objet des comptes administratifs. Il peut y avoir, plus ou moins, des différences entre ces étapes. Mais les grandes tendances sont annoncées dès la première. Et pour 2024, la présentation effectuée ce matin par le Département de la Loire accentue, hélas, celles de 2023 : pour faire sommaire, contraction de la hausse des recettes contre franche augmentation des dépenses « subies ».     

Résultat : l’épargne nette, capitale pour l’autofinancement de l’investissement et l’obtention des prêts, passée de 27,8 M€ en 2017 à 65,3 M€ en 2021, vient de subir une impressionnante chute en tombant à 51,1 M€ effectifs en 2022 puis, surtout, 25,1 M€ réellement dégagés en 2023. En 2024, avec une prévision de – 5,7 M€, le Département s’attend à « une épargne nette négative pour la première fois de son histoire », relève Jérémie Lacroix. Devenu aussi vice-président aux finances avec le départ d’Hervé Reynaud (le nouveau sénateur est toutefois resté conseiller départemental), le vice-président aux transports pouvait rêver de circonstances plus apaisantes pour son premier exercice budgétaire. Cependant, la réalité s’avère parfois plus positive que le pronostic. Le Dob 2023 annonçait une épargne nette d’1,9 M€. Elle s’est révélée supérieure de 23 M€. Mais aussi, parce que les dépenses inscrites ne sont pas forcément exécutées à 100 %.

Une capacité de désendettement divisée par deux !

Il n’empêche que, sans pour autant gonfler l’encours total de la dette – malgré 35 M€ de prêts sollicités contre 20 projetés en 2023, « 0 » exécuté en 2022, il resterait à 271,1 M€ –, la capacité de désendettement, excellente en 2021 et 2022, passerait de 4,7 ans à 9,2 en 2024 (on parle de danger à partir de 11-12 ans). Là aussi, il convient de relativiser. Déjà sur l’encours de la dette et en regardant loin dans le rétroviseur : il était passé de 274,94 M€ à 346,13 M€ en 2015 pour commencer à reculer nettement en 2018 puis chaque année depuis, 2021 exceptée (+ 5,71 %), tombant même de 33,45 % en 2022 et encore de 17,64 %. Ensuite parce qu’il y a un an, la capacité de désendettement 2023 était annoncée à 7,9 ans et qu’elle fut finalement, dans les faits, de 4,7 ans. Mais c’est justement le désendettement et la politique de prudence menés depuis des années, qui permettent, aux yeux du président Georges Ziegler, de faire face à cette succession de séismes financiers. « C’est difficile, de plus en plus difficile, mais on va s’en sortir », commente-t-il.

Nous subissons un étranglement financier de la part de l’Etat centralisateur. Il semble nous considérer toujours un peu plus comme une de ses agences. 

Jérémie Lacroix, vice-président aux finances et aux transports

La fin des répliques, ce n’est en toutefois cas pas pour maintenant. Côté recettes de fonctionnement, hors provision, leur hausse prévue à 810,5 M€ (+ 2,1 %) n’est pas à la hauteur de celle des dépenses (+ 4,2 %) de 783 M€ (hors frais financiers et hors provision). On subit « la double peine », estime Jérémie Lacroix. Côté recettes, « avec les dernières réformes fiscales (suppression de la taxe d’habitation, transfert de la taxe foncière, Ndlr), nous n’avons plus la main sur rien : on ne peut plus bouger les taux de ce qui reste de notre fiscalité directe (48,6 M€ contre 530,6 pour « l’indirecte »), qui plus est tributaire de la conjoncture, comme la taxe d’aménagement, celle sur les assurances. Or, on voit côté intercommunal et communal le dynamisme que la taxe foncière leur confère. La vérité, c’est que nous subissons un étranglement de la part de l’Etat centralisateur. Il semble nous considérer toujours un peu plus comme une de ses agences. »

De l’incertitude des recettes

Le nouveau vice-président aux finances a en tête, en particulier, la compensation apportée par l’Etat via la fraction de TVA. Un possible ajustement était annoncé. Et effectivement, l’ajustement est tombé : moins 4,8 M€ vis-à-vis du total attendu par le Département. Quant aux dotations, elles sont globalement stables (132,4 M€). Si elles ne baissent plus dans l’absolu, et c’est déjà ça, leur stabilité est à relativiser au regard de l’inflation. Taxe fixe sur les transactions immobilières qui dépend donc de l’état du marché, les DMTO (Droits de mutations à titre onéreux) avaient été la très bonne surprise des exercices 2021 et 2022 : 89 M€ en 2020, 115 en 2021 pour 79 prévus, 123 encore en 2022 contre 113 prévus. Retournement du marché oblige, elles sont en chute : 96 M€ réellement captés en 2023 (contre 107 prévus). Aussi, 90 M€ sont budgétés cette année. Les progressions sur la DMTO avaient poussé le Département à en capter une partie pour les mettre en provision, soit 15 M€, en prévision de jours plus sombres. Ils sont là : 10 de ces 15 M€, seront utilisés pour atteindre 820 M€ de recettes en 2024.

L’autre jour, en faisant mes mots croisés, j’ai trouvé en 3 lettres « RSA » pour « aide de l’Etat », j’ai jeté mon journal.

Georges Ziegler

Revalorisation des fonctionnaires décidée unilatéralement par l’Etat, inflation persistante touchant une myriade postes de dépenses et, enfin, revalorisations successives du RSA décidées par le gouvernement qui donnent lieu à quelques millions supplémentaires à assurer de la part de la collectivité (107 M€ prévus seulement pour les seules allocations !)… : les explications de la hausse de 4,2 % (par rapport au BP 2023) des dépenses ne manquent pas. Elles s’élèvent à 791 M€ (frais financiers et provision compris). « Quand on prend la décision, sans doute légitime, de donner plus, on ne le fait pas payer par les autres. C’est ce que fait l’Etat toujours et encore. L’autre jour, en faisant mes mots croisés, j’ai trouvé en 3 lettres « RSA » pour « aide de l’Etat », j’ai jeté mon journal, illustre Georges Ziegler. En 2011, l’Etat donnait 48 M€, nous 22 M€ pour un total de 70. De nos jours, il y a 107 à payer et l’Etat donne toujours 48 M€… »

Les investissements en chute de 16,7 %

Sur le volet social encore, « nous aurons 1 M€ de plus à dépenser sur les mineurs accompagnés. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les accueillir, les aider. Mais que l’on nous donne les moyens ! Le Département n’est pas responsable de la politique migratoire de la France ! ». La solidarité représenterait désormais 65,8 % des dépenses du Département, 520,6 M€ en 2024. De ces conditions, les investissements prévus par le Département en pâtissent. Théoriquement, ils tomberaient ainsi à 81,5 M€, soit – 16,7 % (98 M€ avaient été projetés lors du Dob 2023 il y a un an). Un retour au niveau de 2019 toutefois avec sur le podium : la voirie (23,4 M€), la solidarité territoriale (18,4 M€), l’Education (16,1 M€). Alors que Georges Ziegler estime mollassonnes les protestations de l’Assemblée des Départements de France (ADF) à ce sujet, majorité et opposition ont voté unanimement un vœu envoyé au Premier ministre Gabriel Attal « pour une autonomie financière des Départements retrouvée ».

« Rappelons notre rôle essentiel dans l’harmonie, l’équilibre des ressources publiques sur le territoire. Ce que nous donnons aux communes, irrigue une économie très locale, les artisans du coin et aide les habitants, ruraux ou urbains, à pouvoir vivre, là où légitimement, ils le souhaitent. » C’est dans ce contexte que Jérémie Lacroix, annonce à la suite du rapport Woerth, un vaste état des lieux sur les politiques publiques du Département. Révision à prévoir avec du recentrage sur les compétences obligatoires. Mais que faudra-t-il éliminer au niveau d’un facultatif qui ne l’est pas vraiment ? Du soutien à la culture ? A la station de Chalmazel avec toutes ses conséquences pour l’économie haut forézienne ? A l’aéroport de Bouthéon, à l’activité tenacement atone et qui continuera à avoir le soutien – entre autres, avec les intercommunalités – du Département cette année. Mais pour combien de temps encore ? Tout cela devrait donc être tranché en fin d’année…

Des choix cornéliens en perspective

Ce recentrage induisant des choix cornéliens, « certes très difficiles, douloureux », Pierrick Courbon, président du groupe de gauche la Loire en commun, les appelle de tous ses vœux. « La question n’est pas l’utilité de ces dépenses. Mais celui du rôle du Département. Est-ce son rôle ou celui d’autres pouvoirs publics de prendre en charge ces compétences-là ? On ne peut plus se permettre ces saupoudrages sur du partagé au regard de nos dépenses contraintes. Alors, oui, ça va être dur : assumons car niveau économies de fonctionnement, l’os est atteint. » Faisant bloc avec la majorité sur l’interpellation de Gabriel Attal, l’élu PS stéphanois rejoint Jérémie Lacroix quant au constat d’étranglement financier provoqué par l’attitude de l’Etat. Il va même plus loin : « On peut légitimement se poser cette question : l’Etat ne fait-il pas exprès pour mettre fin à l’existence même des Départements ? N’orchestre-t-il pas cette asphyxie financière en nous imposant chaque année un peu plus le coût de ses décisions ? Quand nous n’y arriverons plus, il sera commode de dire : « Les Départements n’arrivent pas à gérer, on les supprime ». »      

L’Etat ne fait-il pas exprès pour mettre fin à l’existence même des Départements ? N’orchestre-t-il pas cette asphyxie financière en nous imposant chaque année un peu plus le coût de ses décisions ?

Pierrick Courbon, conseiller d’opposition

L’union sacrée s’arrête là. Pierrick Courbon ayant répété ce qu’il disait déjà il y a un an. Angle d’attaque ? Une erreur stratégique à ses yeux. « 2022 avait vu une certaine embellie, les taux étaient bas et, au lieu d’en profiter pour emprunter à très bon marché, être audacieux, on a voulu dogmatiquement encore et encore désendetter. Résultat : on emprunte aujourd’hui 35 M€ à taux quatre fois plus haut. Nous sommes cependant étonnés de l’ampleur de la dégradation des finances du Département. 2023 a été difficile, 2024 n’est pas déjà catastrophique mais nettement pire. Ce n’est pas le scenario de la gestion en bon père de famille que l’on nous vend. » Alors fallait-il, investir à tout prix il y a 2 ans ? « Pour faire quoi ? On n’investit pas pour investir, répondait à notre question par anticipation, Georges Ziegler, avant la séance du conseil. C’est au contraire, notre politique de prudence et de désendettement qui permet encore de nous en sortir. » En attendant, peut-être, de savoir ce qui devra prendre la porte.

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