Saint-Étienne
vendredi 26 avril 2024
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Julien Pickering, le nouveau programmateur du Fil se confie

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Julien Pickering a succédé en novembre 2022 à Mathieu Hérault au poste de programmateur du Fil, la salle de musiques actuelles de Saint-Etienne. Nous l’avons rencontré afin de parler des orientations qu’il souhaite donner aux propositions de cette structure.

Julien Pickering, programmateur du Fil © Elise Meunier

Pouvez-vous résumer votre parcours vous ayant mené jusqu’à devenir programmateur ?

J’ai déjà occupé un poste de programmateur d’une salle du côté d’Aix-en-Provence. Pour résumer mon parcours, concernant mes études j’ai d’abord suivi des études d’économie, donc n’ayant rien à voir avec ce métier. J’ai également tenté une fac de sport, puis un BTS communication visuelle en alternance que j’ai aussi arrêté. En fait, là où tout a vraiment démarré pour moi, c’est lorsque j’ai fait la rencontre d’un passionné de musique, ayant une émission de radio. Il m’emmène en studio, je l’observe puis me dis que c’est ça que je veux faire. Je réussis alors à avoir deux heures hebdomadaires sur Radio 666 à Caen, en 1998 et 1999. Cette période de radio m’amène à rencontrer des tourneurs, des artistes, etc. Avec cette radio, je pars travailler sur un événement musique et snowboard, le Mix’n’fly, qui fait la tournée des Alpes suisses et françaises. Je fais la tournée avec un camion de sons, et je joue de la musique sur le front de neige, en attendant le Dj du soir. Je fais le warm-up la journée en gros. Un collectif de collectionneurs de vinyles d’Aix-en-Provence arrive alors sur cet événement. Les membres de ce dernier s’apprêtaient à faire une date dans une salle aixoise qui cherchait alors un gérant. Cette salle propose à ce collectif de prendre la gérance et les membres du groupe me proposent alors de rejoindre l’aventure et de m’occuper de la programmation. Cette salle s’appelait le Tribute. Elle a changé de nom depuis. On est en 2001 et la seule salle de musiques actuelles d’Aix-en-Provence vient de fermer ses portes pour des raisons financières. Du coup, pendant deux saisons, nous avons réuni 3 000 abonnés dans notre salle de 300 places, avec 190 concerts au total. Une belle expérience de programmation pour moi et où l’on faisait tout. Nous n’avions aucune subvention et nous nous sommes débrouillés avec ce que nous avions.

C’est dans le cadre de votre travail de programmation dans cette salle que vous rencontrez les futurs Chinese Man ?

Oui, c’est dans cette salle que sont venus deux DJs qui plus tard s’appelleront Chinese Man. Le contact est bien passé et lorsqu’ils ont eu un premier test press vinyle, ils me l’ont posé sur mon bureau en disant « qu’est ce que t’en penses ? ». Je leur ai répondu, « c’est vachement bien ça… il faut qu’on en parle ! ». C’est comme ça que tout a débuté.

Après les deux saisons dans la salle Le Tribute, qu’avez-vous fait ?

Nous avons continué à organiser des événements sound system en nomade. Nous étions quasiment les seuls à l’époque en France à créer des sound systems dans les vraies conditions, c’est-à-dire avec une sono comme cela se fait par exemple au carnaval de Notting Hill, et avec une vraie régularité. Les têtes se sont alors tournées vers nous. Cela se traduisant par une soirée mensuelle, en 2005 et 2006, au Cabaret Sauvage à Paris puis au Trabendo par la suite, toujours à Paris. Ces soirées existent encore aujourd’hui, sous le même nom, les soirées Dub Station. Même s’il n’y en a plus une tous les mois, il reste un public friand pour ce type de soirées. D’ailleurs, ici-même au Fil, le 4 mars prochain nous avons la Sainté Dub Club qui est une déclinaison de cette soirée. Pour ma part, j’ai travaillé sur ces soirées jusqu’en 2012 car ces soirées mensuelles étaient désormais à Paris, Nantes, Toulouse, Lyon, Marseille, Tel Aviv, Barcelone, Madrid… Je manageais plusieurs artistes anglais en parallèle ainsi que Chinese Man qui cartonnait déjà mais aussi de Deluxe. Cela faisait beaucoup. Il fallait que je fasse des choix. Je me suis naturellement tourné vers mon rôle de manager pour Chinese Man et Deluxe. Je m’occupais surtout de la gestion de leurs tournées.

Je ne vais pas faire seul les programmations mais j’espère pouvoir me nourrir de propositions venant de l’équipe du Fil, des bénévoles, mais aussi du public et des acteurs culturels locaux.

Votre rôle était donc de trouver des dates de concerts pour ces groupes notamment ?

Oui, sachant qu’en France, il y a davantage de sollicitations entrantes alors que pour l’étranger il fallait démarcher. Parmi les pays que nous avons réussi à faire et qui peuvent paraître étonnants, il y a la Colombie ou le Japon.

La salle du Fil à Saint-Etienne © JT/If Saint-Etienne

Après ce rôle de manager, vous en êtes venu à candidater au poste de programmateur du Fil ?

Dès 2019, je commençais déjà à penser à faire autre chose. J’avais l’impression d’avoir fait le tour. J’avais déjà louché sur des annonces de programmateurs. La pandémie a accentué ma réflexion et m’a convaincu d’un changement. Lorsque j’ai vu le poste de programmateur au Fil, j’ai sauté sur l’occasion, car j’habite à 20 minutes de Saint-Etienne, en direction de Lyon. Je préfère l’état d’esprit stéphanois et je connaissais déjà cette salle pour y être passé avec mes groupes, c’est un lieu effervescent. De plus, le fait que Ludivine Ducrot soit à la direction fut un argument supplémentaire pour moi.

Quelles sont les missions d’un programmateur de SMAC ?

C’est un généraliste qui doit parvenir à maintenir un équilibre entre une formule artistique et un cadre financier avec le moins de limites possibles et en étant le plus ouvert.

Un programmateur a des goûts personnels mais il doit savoir les mettre de côté ?

Oui, la règle est de les mettre dans sa poche en arrivant le matin. Si je programme que des artistes que j’aime, la moyenne d’âge du public va sérieusement augmenter… Il faut arriver à estimer objectivement la valeur artistique d’un projet, et ce qu’il peut avoir en retombées public. Tout cela sans être forcément proche de cette esthétique-là.

Quelles orientations souhaitez-vous donner à la programmation du Fil ?

J’ai déjà l’intention de mettre un peu plus de couleurs dans la programmation. Saint-Etienne possède ce point commun avec Marseille d’être un carrefour migratoire, avec beaucoup de communautés qui n’attendent qu’une chose à mon avis, c’est qu’on leur fasse des propositions. Ca a été fait par le passé mais je n’ai pas l’impression que ça ait ouvert plus que ça sur les musiques dites du monde. C’est d’ailleurs dans ce sens que la première date que j’ai bouclée c’est la venue le 21 avril d’un groupe malien de blues touareg qui s’appelle Tamikrest. Quand j’ai vu la réaction positive de plusieurs membres de l’équipe du Fil, cela m’a confirmé que c’était une bonne idée. Cela correspond à l’idée que j’ai d’être le plus inclusif possible dans cette programmation que ce soit en abordant certaines musiques communautaires mais également sur les âges. J’ai également une esthétique qui me tient à cœur, c’est d’avoir des rendez-vous autour du jazz. L’idée par exemple est de monter des dates avec des acteurs comme Gaga Jazz. Enfin, un point important, je souhaite réduire le nombre de coproductions. Je ne suis pas contre le fait de faire des coproductions mais je trouve qu’il y en a beaucoup trop et ce mode de programmation est très chronophage. Il faut que le Fil reprenne la main sur sa programmation, avec une certaine cohérence.

Pourrait-on voir d’autres spectacles, hors musique, prendre place au Fil comme du stand-up ?

C’est dans les projets. On doit se voir par exemple avec Arcomik pour réfléchir pour lancer un « Fil Comedy Club ». Ils sont déjà sur l’émergence d’humoristes locaux. De plus, on pourrait aller sur des programmations d’humoristes dans la grande salle mais aussi d’autres disciplines que les musiques actuelles comme par exemple la danse à l’instar d’autres SMAC en France.

Vous avez évoqué le souhait de vouloir rencontrer les acteurs culturels locaux rapidement après votre arrivée ?

Je souhaite rencontrer un maximum d’acteurs culturels qui gravitent dans la scène stéphanoise en ce début d’année 2023. Cela afin tout d’abord de me présenter à eux, car c’est à moi d’aller à leur rencontre. La deuxième chose est de leur ouvrir la porte sur les programmations. Je ne vais pas faire seul les programmations mais j’espère pouvoir me nourrir de propositions venant de l’équipe du Fil, des bénévoles, mais aussi du public et des acteurs culturels locaux.

Je ne suis pas contre le fait de faire des coproductions mais je trouve qu’il y en a beaucoup trop et ce mode de programmation est très chronophage. Il faut que le Fil reprenne la main sur sa programmation, avec une certaine cohérence.

Le Fil peut souffrir parfois du côté institutionnel que représente son statut de SMAC – Salle des musiques actuelles – sur lequel s’ajoute un reproche le côté un peu « froid » que peut revêtir ce bâtiment… Cela engendre une image de salle un peu « fermée ». Qu’en pensez-vous ?

Oui, mais tout dépend des personnes qui l’animent. Le projet tel qu’il est développé ici est le plus inclusif possible. C’est donc peut-être une mauvaise lecture que de voir le Fil comme un lieu fermé. Après, il est vrai que l’on ne sait pas forcément comment rentrer ici, qui contacter… C’est un enjeu pour nous de nous rapprocher au maximum de tout le monde. Les SMAC sont pour moi le meilleur outil pour donner cette possibilité aux projets émergents et jeunes structures locales de passer à l’étape suivante. Le Fil possède toutes les ressources pour développer son projet et l’idée est d’ouvrir au maximum ses portes pour les faire progresser. Il existe plusieurs dispositifs d’accompagnement au Fil mais aussi de nombreux projets d’action culturelle. Notre objectif est d’ouvrir le plus possible notre salle aux artistes émergents mais aussi à tous les publics.

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