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La nouvelle bobine de Tréfilerie

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Il y aura un avant et un après. Si depuis sa naissance il y a plus de 50 ans, le campus, « berceau » de l’université Jean-Monnet cumule ajouts, extensions et rénovations, la phase de travaux enclenchée cet été dépasse tout ce qui a été fait jusque-là. Il faut dire que 36,7 M€ sont investis jusqu’en 2024 sur les campus Tréfilerie par les collectivités, l’Etat et l’université elle-même. Mardi, s’est déroulée une cérémonie avec une présentation complète du projet.

Vue depuis la rue du 11-Novembre du site une fois achevé avec son nouveau bâtiment et sa nouvelle entrée ouest. ©Gautier+Conquet architectes.

Elle est loin l’ancienne caserne et son régiment d’infanterie. Celle qui a inspiré, mardi, à Samy Kefi-Jérôme, conseiller régional stéphanois, par ailleurs adjoint municipal, cette envolée quelque peu lyrique : « En rasant cette caserne pour créer le campus Tréfilerie, Michel Durafour (maire de Saint-Etienne de 1964 à 1977) avait compris ce qui ferait désormais la puissance d’une Nation. A la guerre des tranchées a succédé la guerre des intelligences. » 

Un demi-siècle plus tard, parmi les contributeurs à cette restructuration entamée cet été – du jamais vu à l’échelle de l’université dans un laps de temps aussi réduit, souligne son président Florent Pigeon – , la Région est largement en tête. Elle prend en charge 17 des 36,7 M€ investis jusqu’en 2024. Suivent Saint-Étienne Métropole (6,9 M€), l’Etat (6,58 M€ via France Relance), l’université elle-même (5,06 M€) et le Crous de Lyon (comprendre de Lyon-Saint-Etienne, pour 1,1 M€). Plus pragmatiquement, Samy Kefi-Jérôme soulignait que dans les investissements régionaux consacrés au campus, c’est bien Saint-Etienne qui ramasse la mise la plus importante sur la base du ratio euro accordé/étudiant.

A Jean-Monnet, on ne fait plus dans la première pierre depuis longtemps : les représentants des cinq contributeurs ont signé un livre d’or. ©Xavier Alix/If Media.

Une étape décisive d’un long cheminement

C’est en effet le CPER (Contrat plan Etat/Région) qui cadre cet investissement conséquent, dernier acte de taille des 80 M€ consacrés au développement immobilier de Jean-Monnet ces dernières années. Le réaménagement du site Michelet (ex-Beaulier), du campus de Roanne, la création du CSI à Manufacture ont, par exemple, alimenté cette phase de mutation, entamée sous la fin de la présidence (2007-2015) de Khaled Bouabdallah. Avant cela, ce dernier avait d’ailleurs inauguré la Maison de l’université, un siège enfin digne de ce nom à Tréfilerie. Parmi d’autres, dont l’extension de la bibliothèque universitaire (BU) n’est pas la moindre…

Mais à l’image de Saint-Etienne, pas évident de régler son compte d’un coup, d’un seul, à un développement urbanistique aux allures anarchiques initialement fait dans l’urgence, morceaux par morceaux. Ici, « au gré des opportunités successivement accordées par les ministères », rappelle Florent Pigeon. D’où l’aspect ultra hétérogène – pour ne pas dire, ça n’engage que nous, moches – des bâtiments de Tréfilerie, comme souligné par l’un de ses géographes porté sur le social et l’urbanisme, Georges Gay. L’enseignant chercheur conclut un petit film d’introduction faisant témoigner personnel, enseignants et étudiants. Une occasion de rappeler un situation relativement rare pour un campus dans un cœur de ville plutôt qu’une périphérie, censé être propice au contact entre science et société.

20 000 m² sont et seront réhabilités

On se souvient avoir reçu des délégations internationales avec honte.

Gabriele Fioni, recteur délégué à l’enseignement supérieur
La zone démolie au Nord du campus. ©Xavier Alix/If Media.

« Hors les murs », le campus Tréfilerie, c’est aussi trois autres sites à proximité : Chevreul, Papin, Michelet. Il accueillait en 2020 près de 8 000 étudiants (sur les plus de 20 000 de Jean-Monnet), 265 enseignants chercheurs et 310 personnels administratifs. Il abrite 5 facultés et instituts, 11 laboratoires, 5 écoles doctorales, la gouvernance et les services communs de l’UJM. Une ville dans la ville de 48 000 m2. Mais c’est bien l’essentiel, Tréfilerie en soi qui est actuellement restructuré. Car il n’est plus, si tant est qu’il le fut un jour, digne des exigences de son enseignement, de sa recherche, de ses étudiants, des canons internationaux. « La rénovation du campus s’intensifie depuis 10 ans. On se souvient y avoir reçu des délégations internationales avec honte », concède volontiers Gabriele Fioni, recteur délégué à l’enseignement supérieur d’Auvergne-Rhône-Alpes. Au point, parait-il, de s’étonner du décalage entre qualité de la recherche locale et son écrin.

Pour envoyer la honte côtoyer le militaire dans la benne à souvenirs, sept bâtiments soit 20 000 m² sont réhabilités thermiquement et fonctionnellement. Un parc de campus de 15 000 m2 créés. Il y a d’abord eu des démolitions au programme. Au nord, le long de la rue Edouard-Vaillant ont déjà été éliminés plusieurs bâtiments depuis cet été. Ceux qui abritaient l’IAE ou encore le Droit. Il en sera de même au printemps 2023 du restaurant universitaire actuel. Déjà lui aussi bien rogné cet été, ce « paquebot obsolète peu attrayant qui a cependant rempli sa mission, note Christian Chazal, directeur du Crous de Lyon. Le nouveau de 355 places ne sera pas plus grand mais plus fonctionnel et davantage connecté à la vie étudiante. »

Un petit plan pour – essayer – de s’y retrouver dans cette prose.

Ce projet n’est pas une extension

Il s’agit de rationaliser le vide, d’améliorer les conditions de vie.

Florent Pigeon, président de l’université Jean-Monnet

Même si le maire Gaël Perdriau a rappelé mardi l’objectif de Saint-Etienne Métropole de doubler à terme le nombre de ses étudiants, tous établissements confondus, ce n’est pas une extension que promet la restructuration de Tréfilerie. « Oui, nous serons en mesure d’accueillir plus d’étudiants. Mais il s’agit avant tout de rationaliser le vide, d’améliorer les conditions de vie, d’enseignement, de recherche d’études. L’enjeu est davantage une meilleure organisation des m2. » A l’image des bâtiments E et F, réhabilités cet été et où ont respectivement déménagé le Droit et l’IAE. Exit dans le premier, l’amphithéâtre de taille moyenne, jauge inadaptée aux besoins actuels qui ne sera pas remplacé, nous explique Jean-Monnet au profit de bureaux, bibliothèque et salles confortables, aux murs décorés d’œuvres d’artistes.

Le parc de campus depuis la bibliothèque universitaire. ©Gautier+Conquet architectes.

A la place d’un autre vide, celui laissé par les destructions au nord du site, un bâtiment neuf de 3 175 m² sortira de terre. Il sera visible depuis la Grand’Rue et jouxtera la nouvelle entrée côté ouest (exit l’actuelle arche déjà dégradée). A la fois destiné à la vie de campus et les enseignements, il sera construit en deux phases d’ici fin janvier 2024. C’est là qu’ouvrira le nouveau restaurant universitaire dès le petit déjeuner. Ou encore une petite scène culturelle s’ajoutant à la salle de spectacles de la Maison de l’université. Ce lieu de vie sera aussi consacré à des espaces de « coworking » (y compris extérieurs) tant réclamés par les étudiants ainsi que les bureaux de leurs associations. L’espace est promis à des animations allant jusqu’en soirée.

L’ensemble des réhabilitations achevé dans moins d’un an

Le bâtiment central de Tréfilerie, le cœur historique créé en 1969, n’est pas oublié. Il disposera également de nouveaux espaces : salle de conseil du campus, salle de thèses avec un espace traiteur pour les moments de convivialité, espace de vie étudiante. L’amphithéâtre le plus ancien du campus, l’amphi K, sera amélioré pour proposer un meilleur confort thermique, acoustique et visuel. En revanche, son aspect gris, bétonné mais jugé « historique » ne sera pas recouvert de ces parements en bois. Ceux qui viendront mettre à mal l’hétérogénéité du campus sur l’ensemble des bâtiments plus récents ou à créer.

Un travail important a été réalisé par l’Université Jean Monnet et l’architecte du projet – le cabinet  Gautier Conquet – insiste-t-elle « pour le confort et le rendu esthétique des bâtiments réhabilités » : application de peintures minérales douces sur les murs ; introduction de couleurs ; changement des sols et pour la première fois à l’université, pose d’un sol naturel en fibre végétale (sisal) ; apport de lumières avec un éclairage moins consommateur d’énergie, ajout de stores extérieurs pour un meilleur confort l’été… L’ensemble des réhabilitations de l’existant conservé s’étalera jusqu’en septembre 2023.

Des espaces verts très enrichis

Le parc du campus déjà en chantier. ©Xavier Alix/If Media.

Florent Pigeon insiste sur l’éco-conception du neuf et de l’ancien rénové mais aussi des extérieurs. Car l’aspect environnemental du projet, dans les deux sens du terme, porte également sur une vaste réalisation paysagère. Un volet dont les travaux sont visibles depuis juin. Le parc du campus présentera une continuité piétonnière, une partie de la rue Tréfilerie ayant été supprimé, participant ainsi à l’œuvre de dés-imperméabilisation des sols du campus. Il sera achevé début 2024 avec une continuité zone piétonnière qui a donné lieu.

Le parc de campus depuis le parvis du bâtiment J. ©Gautier+Conquet architectes.

Il comptera alors 7 000 m² de pelouse, 4 500 m² de massifs plantés, 80 arbres nouveaux arbres dont des érables, chênes, sophoras, noisetiers pour s’ajouter aux 92 arbres conservés. Certains lecteurs se souviendront peut-être du terrain vague boueux qui servait ici de parking alors aussi gratuit que propice aux froissements de tôles. Beaucoup d’eau et pas que celle du Furan passant juste en dessous, a depuis coulé sous les ponts…    

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