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jeudi 10 octobre 2024
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Les « poubelles vertes » arrivent, Compost’Ond est déjà là

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A partir du 31 décembre 2023, il faudra s’y faire. La loi exigera le tri, à la source de nos biodéchets. Exit donc théoriquement, les matières organiques de nos poubelles « ordinaires ». Nouvelle problématique pour les collectivités chargées de la gestion des déchets, sur laquelle Saint-Etienne Métropole planche actuellement. Une perspective qui place Compost’Ond dans les starting-blocks. Et pour cause : cette coopérative en plein développement dans le sud Loire – à laquelle adhèrent justement des municipalités dont Saint-Etienne – récupère déjà depuis des années des milliers de tonnes de déchets verts et alimentaires issus de la restauration publique et privée pour en faire du compost et les valoriser. Les arguments et l’avance de ce modèle atypique lui permettront-ils de damer le pion aux géants du secteur ?

Et de deux. A un rythme exponentiel, la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Compost’Ond continue d’avancer, plaçant ainsi de précieux pions sur l’échiquier… En juin, l’entreprise ouvrira sa seconde station de collecte et de traitement des déchets verts et alimentaires. Ce sera dans une des communes limitrophes du nord-est de Saint-Etienne, dans l’objectif de rayonner, aussi, sur la vallée du Gier. Plus de 800 000 euros y seront investis. « Dans un premier temps, la configuration sera limitée à 2 500 m2. Mais on devrait passer à plus de 5 000 début 2023 avec cinq à six personnes affectées à ce site », annonce Lilian Roux, co-gérant de Compost’Ond aux côtés de Jérémy Touron et de son père, René, son fondateur.

Des marchés autour de la gestion des biodéchets bientôt exclus des poubelles ordinaires se jouent en ce moment. © Compost’Ond

5 000 m2, c’est le double de ce que possède déjà la Scic au Chambon-Feugerolles depuis 2018. Une station qui a reçu 1 000 t de déchets verts et 1 000 autres de déchets alimentaires en 2021 et où travaillent quatre salariés en plus des trois co-gérants. De ces 2 000 t, les différents process de Compost’Ond en ont tiré 1 200 t (40 % du poids en eau étant éliminés) de déchets paillage, de litière, de compostables et de compost à proprement parler. « Ce que nous produisons est d’une grande richesse agronomique du fait du mélange entre déchets alimentaires et déchets verts. »

Compost’Ond collecte déjà une centaine de structures

Pour en faire quoi ? « Les solutions de valorisation ne manquent pas. Mais plutôt que de la méthanisation, qu’elle passe par une vente à des professionnels, des distributeurs, des maraîchers, horticulteurs, agriculteurs ou des particuliers, comme nous le faisons déjà, la finalité que nous visons, c’est d’abord de nourrir les sols proches de chez nous, de répondre à la problématique montante de leur dégradation, ici comme ailleurs, argue Lilian Roux. Mais il est vrai que notre énergie est actuellement davantage concentrée sur la captation des gisements. » Des gisements, il n’y en avait jamais eu autant. Il y en a encore beaucoup à prendre. Et il y en aura infiniment plus d’ici 2 ans. Alors, il s’agit dès maintenant de passer à une autre échelle.

Vue sur la station du Chambon-Feugerolles où s’achemine le produit de 150 points de collecte. © Compost’Ond

Notre énergie est actuellement davantage concentrée sur la captation des gisements. 

Lilian Roux, cogestionnaire de Compost’Ond

Plus d’une centaine de structures, essentiellement de Saint-Etienne Métropole sont déjà collectées dont beaucoup quotidiennement : cantines scolaires et collectives, restaurants privés (par exemple les Mc Do de l’agglomération), Ehpad, entreprises et commerces alimentaires. Et une grande partie de ces clients sont aussi des associés ou partenaires. Parmi ces derniers, l’ASSE, Aésio, l’Adapei, la Région, Saint-Etienne Métropole, l’académie de Lyon sont les plus imposants à citer. Mais Compost’Ond compte aussi dans les rangs de ses associés « toutes les communes du sud Loire de plus de 10 000 habitants (Saint-Etienne en tête donc) mais aussi la plupart de celles de plus de 5 000 habitants ». Il faut y ajouter des paysagistes du CNAPT, des producteurs ou encore de plus en plus de particuliers.

Bientôt le problème de tous

Une dimension à laquelle le chiffre d’affaires encore modeste – 250 000 euros en 2021, + 50 % par rapport à 2020 – ne peut pas rendre justice. Là n’est pas le plus important même si le projet n’a rien d’une utopie de post soixante-huitards attardés, arguent les cogérants de Compost’Ond qui insistent sur le fait qu’elle soit au contraire économiquement viable tout en faisant gagner de l’argent à ses utilisateurs car moins chères ou au pire, aussi chères qu’en passant par « une prise en charge classique ». Que de chemin parcouru depuis les expérimentations pédagogiques lancées à la fin des années 2000 par le directeur du centre de formation CFPPA de Montravel à Villars qu’était alors René Roux, ingénieur agronome. A en croire son fils, Lilian, elles trouvent leur genèse à la villa familiale de Valfleury, qui ressemblait plus à une ferme qu’à un pavillon de périurbain installé en campagne.

Process en cours à Compost’Ond. ©Compost’Ond

Le lycée horticole de Montravel est de nos jours associé de Compost’Ond et la plateforme qui a permis le rodage de la Scic joue le rôle de station secondaire. Car en 2015, René Roux, à 56 ans, démissionne de ses fonctions pour monter la coopérative et l’œuvre que nous venons de décrire. Pile l’année où la loi TECV (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte) annonce la couleur : la généralisation à terme du tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs de déchets. Par « producteurs », on parle là aussi des ménages. Chaque citoyen devra avoir à terme, à sa disposition une solution (compostage de proximité et/ou collecte séparée) lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles. Un cadre législatif complété par la loi AGEC de 2020 qui avance d’un an l’obligation de tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs, au 31 décembre 2023. Ce qui oblige les collectivités locales en charge des déchets à trouver une solution.

38 % des ordures ménagères résiduelles

Les producteurs non ménagers de plus de 10 t/an de biodéchets sont, eux, déjà soumis à l’obligation de tri à la source de leurs biodéchets. Mais le seuil va passer à 5 t/an au 1er janvier 2023. Selon le Modecom™ 2017, les déchets putrescibles – déchets alimentaires, produits alimentaires non consommés, déchets de jardin, autres putrescibles tels que les litières animales – représentent un tiers des OMR, les ordures ménagères résiduelles (soit 83 kg/hab/an) et près de 38 % du gisement d’OMR (soit 96 kg/hab/an) possède un potentiel de valorisation organique, si on les associe aux papiers sanitaires et domestiques souillés (essuie-tout, mouchoirs…).

Contacté par IF, Olivier Longeon, en tant qu’élu écologiste d’opposition stéphanois (municipal et communautaire) suit forcément de près tout ce qui touche à la gestion des déchets.

Les déchets putrescibles représentent 83 kg/hab/an.

L’ex directeur de la Frapna devenu FNE (France nature environnement) souligne que « tout ce qui peut sortir des poubelles va dans le bon sens. Et ce qui peut devenir compost pèse énormément dans les déchets, d’ailleurs facturés par les acteurs classiques de leur prise en charge au poids, comme c’est le cas avec Suez sur le site de Borde-Matin. Les biodéchets plein d’eau gênent le fonctionnement des incinérateurs comme à Lyon. Ce qui fait qu’on les sort de plus en plus les matières organiques. » Quant au centre d’enfouissement, la solution actuelle pour Saint-Etienne Métropole et d’autres communautés de communes et agglomérations voisines, « la présence des matières organiques favorise par fermentation, les contaminations et le relâchement de méthane, assure l’élu. Alors mieux vaut récupérer ce qui est compostable et valorisable ».

Une initiative quasiment sans équivalent

L’enjeu est gigantesque. Et l’anticipation de René Roux, basée et développée sur le compostage quasiment sans équivalent assure son fils, impliqué depuis le début mais à plein temps depuis bien moins longtemps. « Il y a des projets de Scic à Bordeaux, à Valence ou encore le projet de franchises des Alchimistes au niveau national. Mais sur la récupération et le traitement des biodéchets, nous sommes l’acteur non public le plus implanté en termes de part de marché en France sur une zone donnée, assure Lilian Roux. Oui, ce projet appartient à l’Economie sociale et solidaire (ESS) avec l’idée d’un fonctionnement démocratique (un homme = une voix dans une Scic, Ndlr) autour d’une problématique d’intérêt commun qui nous motive… Vous savez, j’aurais pu rester sur Paris et y gagner confortablement ma vie comme consultant. »

Sur la récupération et le traitement des biodéchets, nous sommes l’acteur non public le plus implanté en termes de part de marché en France sur une zone donnée.

Lilian Roux
René Roux, Lilian Roux et Jérémy Touron, co-gérants de Compost’Ond sur le site maraîcher bio de LSE Loire à Saint-Jean-Bonnefonds. © Compost’Ond

Ausculter le CV de Lilian Roux, formé à Grenoble école de management et titulaire d’un master de géopolitique, a de quoi donner des complexes. Le jeune homme de 26 ans a entre autres, passé une année chez… Suez, comme analyste « territoires, innovation et systèmes de déchets » au bureau d’étude des services aux collectivités. Il a été 2 ans consultant énergie et environnement chez Sia Partners, six mois chercheur à l’IFP Energies nouvelles (ex-Institut français du pétrole) cela avant un passage de 8 mois comme collaborateur au cabinet du Haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale. Au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire, il a d’ailleurs contribué à l’écriture de la loi… AGEC. Bref, son bagage complète parfaitement celui de son père.

Saint-Etienne Métropole mènera une expérience ce printemps

Chargée de la collecte et du traitement des déchets sur son territoire en tant qu’EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale), Saint-Etienne Métropole planche évidemment déjà sur la prise en charge des biodéchets de ses particuliers. De nombreuses pistes sont actuellement étudiées pour offrir des solutions à ses administrés même si ce sera comme pour « les poubelles jaunes : si vous ne triez pas, personne ne le fera à votre place. Et cela est important pour baisser les quantités enfouies », soulignent les services de la collectivité que nous avons sollicités sur le sujet. « Si on prend l’exemple du Pays voironnais (Isère), où cela est en place depuis des années, ça peut vraiment marcher », estime, lui, Olivier Longeon.

Métropole espère atteindre les 6 000 t d’organiques récupérés par an, en 2025. Puis les 10 000 en 2030 sur plus de 95 000 t de déchets récupérés chaque année. Fin 2021, la collectivité a lancé une expérimentation de collecte de biodéchets à Saint-Etienne (La Métare) et à Firminy dans le centre-ville qui a concerné 2 000 personnes. Davantage pour identifier les contraintes d’un nouveau métier que pour trouver un prestataire. Cette phase-là, en revanche a sans doute commencé avec un appel à projet expérimental à concrétiser pour ce printemps 2022 sur lequel Compost’Ond n’a évidemment pas manqué de se positionner. Il s’agit de proposer une solution de ramassage et de traitement à des habitats collectifs de Saint-Etienne et, à nouveau, sur Firminy.

Compost’Ond espère avoir cinq stations d’ici 2025

Le vice-président chargé de Métropole, chargé du traitement des déchets François Driol, indisponible au moment de la réalisation de ce dossier, c’est le maire du Chambon-Feugerolles David Fara, vice-président à Métropole chargé de l’agriculture et de la transition agricole qui nous parle de la coopérative. En bien : « Ma Ville travaille beaucoup avec elle. Elle a prouvé sa crédibilité, sa compétence et son modèle économique est viable. Ils sont d’ailleurs suivis par les banques. Enfin, son modèle de petites stations réduit les nuisances, donc l’acceptation sociale. » Nous ignorons si d’autres acteurs se sont positionnés sur le projet d’expérience. Reste que les services de Métropole soulignent qu’à date, il n’y a que Compost’Ond disposant sur le territoire d’une solution de traitement correspondant à ce qui est exigé.

Pour le ramassage, c’est une autre affaire. D’ailleurs, Suez expérimente actuellement une collecte de biodéchets dans Lyon pour le compte de la Métropole présidée par l’écologiste Bruno Bernard. Compost’Ond défend cependant son modèle de multiplier les petites stations au rayonnement de 20 ou 30 km récupérant chacune en moyenne 3 500 t. La coopérative espère en avoir couvert trois autres d’ici 2025, 2026 au plus tard. De quoi couvrir le Sud Loire, une partie du Forez compris ainsi que l’est de la Haute-Loire. Mais aussi de créer un maillage se chevauchant permettant un cheminement logique et optimisé des collectes et donc de limiter l’émission supplémentaire de CO2 que craignent tant Olivier Longeon et les écologistes.

Voici le maillage de stations espéré d’ici 2025 par Compost’Ond. Capture issue d’un document transmis par la coopérative.

Quelle est la position des grands acteurs ?

« Notre modèle produirait un impact environnemental beaucoup moins élevé que les grands centres économiquement rationnalisés des grandes entreprises rayonnant sur 500 km avec tous leurs longs allers-retours », argue Lilian Roux qui ajoute dans la balance une solution maison low cost pour les zones rurales plus isolées : des palettes, sortes de composteurs collectifs déposés dans les déchetteries collectives pour des apports volontaires. « Ok, notre modèle est iconoclaste, mais on a la compétence et la preuve de concept : nous sommes prêts ! », conclut Lilian Roux. Il est possible que le futur marché lancé par Métropole, soit cependant décortiqué en plusieurs lots, par exemple séparant traitement et ramassage. Sans oublier que la priorité sur ces derniers sera donnée au collectif en tentant d’inciter un peu plus l’habitat individuel à composter soi-même sur sa propriété.

Ok, notre modèle est iconoclaste, mais on a la compétence et la preuve de concept : nous sommes prêts !

Lilian Roux

Mais pendant qu’une coopérative comme Compost’Ond avance, les grands acteurs du traitement des déchets observent-ils sans broncher ? D’autant qu’ils ont peut-être des plumes à perdre dans l’affaire avec des tonnes de déchets organiques acheminés en moins dans leurs fameux centres qui font payer au poids. Nous avons contacté un de ces « majors » comme les appelle Lilian Roux. Il s’agit de Suez, naturellement sollicité en raison de son omniprésence sur le territoire de Saint-Etienne Métropole entre la gestion et propriété du site de Borde Matin et le centre de tri pour le recyclage de Firminy. Résultat par échanges de mails : oui, le groupe regarde avec attention ce marché. Non, il ne dira pas s’il a répondu à l’appel à projet expérimental de Saint-Etienne Métropole : « L’appel d’offre étant en cours, nous ne souhaitons pas faire de commentaire sur le sujet. »

« Si cela rapporte, les gros iront sur le marché »

En revanche, Suez développe volontiers sa participation à l’expérience, en cours celle-ci, du côté de la Métropole de Lyon évoquée plus haut. Elle a déployé des bornes à compost dans l’ensemble du 7e arrondissement de Lyon. « Les habitants sont invités à venir déposer le reste de leurs assiettes et préparations culinaires dans des bacs en bas des immeubles, diminuant ainsi le poids de leur poubelle grise. En un mois, ce sont 55 tonnes qui ont été collectées dans les 150 bornes mises à disposition et qui seront valorisées en compost. » Suez assure que « la valorisation des déchets, notamment organiques, est au cœur du modèle d’économie circulaire que nous défendons »

La valorisation des déchets, notamment organiques, est au cœur du modèle d’économie circulaire que nous défendons.

Suez

Le groupe ajoute que « basculer d’un modèle d’économie linéaire, aujourd’hui totalement dépassé et symbolisé par le triptyque  » produire, consommer, jeter  » à un modèle d’économie circulaire, reposant sur le recyclage et la valorisation, n’est plus une option. » Dans une discussion avec un élu de Saint-Etienne Métropole qui préfère taire son nom, celui-ci avertit : « La gestion des biodéchets semble encore manquer de rentabilité pour les gros du marché et leurs grands centres. Mais si cela rapporte, ils s’empareront du marché et ce sera difficile alors de leur résister. »

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