Régis Juanico : « Bougeons ! n’est pas qu’une alerte, c’est aussi une boîte à outils »
« En termes de santé publique, la sédentarité, c’est le tabac du XXIe siècle ». La citation de Paquito Bernard, professeur du Département des sciences de l’activité physique de l’université du Québec à Montréal, synthétise l’ampleur de la problématique mise sur la table par Régis Juanico. Didactique et tout aussi synthétique, son ouvrage de 141 pages, Bougeons ! Manifeste pour des modes de vie plus actifs, écrit en collaboration avec Hakim Khellaf, l’ex député stéphanois toujours très investi* dans la promotion du sport santé, n’en reste pas au constat. Entretien.
D’où vous vient cet investissement public et personnel dans la promotion du sport santé ?
« Le sport, c’est le fil rouge de ma vie. Fils d’un prof d’EPS, je viens d’une famille sportive et, même élu, j’ai réussi à le maintenir dans mes habitudes de vie en pratiquant régulièrement l’athlétisme – je suis d’ailleurs adhérent au Coquelicot 42 – plusieurs fois par semaine. Alors, oui, très vite mes travaux parlementaires ont été liés à cette thématique abordée sous divers angles. Qu’il s’agisse d’organisation du sport amateur ou pro, de sport à l’école et donc de sport santé, de prévention, de l’activité physique au sens large avec plus rapport parlementaires, écrits, coécrits. Dès 2009 pour le premier jusqu’au dernier, en 2021 consacré à la question de la sédentarité et de l’inactivité physique. Les rapports ont cette utilité de donner des éléments précis de constat et des pistes d’action pour les politiques publiques mais aussi, par leur médiatisation, de sensibiliser le grand public. »
Bougeons !, c’est la synthèse tout sur ce que vous avez pu récolter toutes ces années afin d’alerter les gens ?
« Oui, en partie. Car cet ouvrage n’est pas que la manifestation d’une alerte sanitaire, quand bien même Bougeons ! étaie des éléments scientifiques démonstratifs alarmant sur une sédentarité de plus en plus accentuée. Mais je ne suis ni le premier, ni le dernier à tirer la sonnette d’alarme. D’autant que la diététique compte autant pour la santé, enjeu tout aussi majeur que je n’aborde pas. Il reste des gens à prévenir sur cette addiction à la chaise dopée par le dérèglement du Covid et une autre addiction plus que montante, celle aux écrans. Si on doit citer un exemple symptomatique, alors citons cette perte de capacité physique mesurée scientifiquement auprès des collégiens français : – 30 % par rapport à ceux des années 1970 avec 5 % de perte en moyenne chaque année. Notre capital santé est fonction de notre capital physique. Tout prouve que l’on vit mieux et plus longtemps en effectuant une activité physique, en cherchant à utiliser des muscles, des corps faits pour ça, à bouger plus, de manière générale. C’est valable à tous les âges. Mais il faut avoir bien conscience qu’au rythme où ça va, une proportion de collégiens d’aujourd’hui auront du diabète, des maladies cardiovasculaires, un infarctus à 30 ans, voire moins ! Nous en sommes à 18 % d’obésité chez les 2-7 ans contre 17 % de la population générale. Il faut ajouter les troubles mentaux liés au manque d’activité physique : dépressions, anxiété, problèmes de sommeil… La bonne nouvelle, c’est que l’on sait que l’on peut inverser la tendance. »
Notre capital santé est fonction de notre capital physique.
Régis Juanico
C’est-à-dire ?
« Même une reprise d’activité physique minime – encore une fois, cela passe par le sport mais aussi l’activité, des réflexes quotidiens : monter les escaliers, marcher ou pédaler plutôt que la voiture etc. – a ses résultats. On peut inverser la courbe et à tous les âges. Des tests chez les 6e ont montré qu’en ajoutant à leur programme d’EPS deux séances hebdomadaires de fractionnées de 15 min, ils avaient récupéré des capacités physiques de manière spectaculaire au bout de seulement six semaines. Et il semble que les pouvoirs publics aient enfin pris la mesure de la situation et lancé des initiatives. Si les 2 h d’activités en plus au collège me laissent très sceptique, l’expérimentation lancée dans les Hauts de France du programme « Retrouves ton Cap » me semble une très bonne chose. Il s’agit d’une prise en charge et d’accompagnement, en particulier par l’activité physique adaptée, de l’obésité précoce. Il y a eu ce discours tout de même marquant d’Emmanuel Macron à Orthez le 4 septembre dernier avec sa volonté de généraliser partout en France « au moins une heure d’activité physique quotidienne à l’école et d’un test de capacités physiques en 6e », comme on le suggérait dans notre rapport en 2021. Insuffisant ? Trop lent ? Sans doute mais la direction est prise et enfin dans le bon sens. »
Ce n’est pas vraiment la version d’un syndicat spécifique aux professeurs d’EPS qu’est le SNEP-FSU qui estime que le cap n’est pas pris avec donc une mesure des 2 heures qui cache plus que de l’insuffisance, du néfaste, sans même parler du devenir du sport dans les lycées professionnels…
« Certes, aux annonces, doivent suivre les moyens. Mais je trouve que malgré tout, un discours nouveau émerge : on ne prêche plus dans le désert, c’est enfin considéré. Des propositions de nos rapports sont actuellement reprises. Après vis-à-vis du sport, il est vrai que l’Education nationale a toujours eu tendance à freiner : priorité aux Français, aux Mathématiques et à sa vision des apprentissages fondamentaux qui exclue l’activité physique malgré son importance capitale. Alors oui, je comprends les syndicats. Dans ce contexte, si on ne trouve pas d’espace pour aller au-delà sur le volume d’heures, il faut au moins que celles-ci soient bien utilisées. 3 h dans le 1er degré, c’est très, très théorique : dans les faits, c’est en moyenne 1 h 50 effective de pratique parce qu’il faut se changer, rejoindre des équipements trop lointains, etc. »
En dehors de l’école et pour tous, votre « boite à outils » parle beaucoup de la prescription d’activité physique adaptée (APA)…
« Oui, son cadre législatif est encore là mais cette possibilité reste encore trop marginale malgré sa pertinence. Il faut des médecins prescripteurs. Des pathologies sont traitables par la prescription de cours physique adaptés pouvant s’appuyer sur de l’existant encore, avec le réseau des maisons sport santé. Le problème de l’APA reste encore d’ordre financier puisque cela est remboursé de manière extrêmement partielle par la Sécurité sociale. Ce n’est donc pas encore quelque chose de courant. Pourtant, bien des mutuelles la prennent en charge parce qu’elles ont compris l’intérêt pour leurs bénéficiaires mais aussi leurs finances. Cette dépense est un investissement pour finalement payer moins ensuite en soins (l’excès de sédentarité coûterait ne serait-ce que directement 500 M€ par an à l’Assurance Maladie, Ndlr). Mais là, on retombe encore sur ce recours trop limité à la prévention dans nos politiques de santé française avec 250 Md€ par an consacrés à un curatif appelé à grossir contre 15 Md€ accordés à une prévention qui pourrait l’en empêcher. »
* L’ex député stéphanois Génération.s, Régis Juanico est toujours conseiller départemental de la Loire d’opposition et continue à s’impliquer dans la vie publique, en particulier dans la promotion du sport-Santé. Après avoir rejoint les conseils d’administration du collectif « Pour une France en Forme » et du cercle de réflexion « Sport et Citoyenneté », celui de « l’Institut des rencontres de la forme (Irfo) » puis avoir été désigné comme un des ambassadeurs de l’action scientifique inter Maison des Sciences de l’Hommes (MSH) « sports et société », il a été nommé début février vice-président en charge des relations avec les élus et les collectivités de l’Apels.