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mercredi 9 octobre 2024
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Retraites : les syndicats annoncent une mobilisation massive dans la Loire

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Ils ne sont pas forcément tous pour le Grand soir mais pronostiquent chacun un grand jour. Dans la Loire, l’intersyndicale CGT, CFDT, FO, Solidaires, FSU, UNSA, CFTC, CFE-CGC et CNT a présenté la mobilisation locale du 19 janvier contre la réforme des retraites et réitéré leurs arguments. Mais les défilés de jeudi ne sont probablement que l’entrée en matière d’un long tunnel de grèves et manifestations…

Pour ce « premier » jour de mobilisation, les 9 syndicats annoncent une mobilisation pas vue depuis plus de 10 ans. Photo d’illustration d’une manifestation intersyndicale à St-Etienne transmise par l’UD CGT42.

Ils le soulignent eux-mêmes : il faut remonter au gouvernement Fillon, en 2010, sous la présidence Sarkozy, pour retrouver un bloc syndical aussi unanimement opposé à une réforme. Et le sujet de la mobilisation était déjà les… retraites. Dans la Loire, comme presque partout ailleurs, l’intersyndicale est composée de 9 syndicats : CGT, la CFDT, FO, Solidaires, FSU, UNSA, CFTC, CFE-CGC ainsi que de la CNT. Le mode de fonctionnement particulier de ce dernier – pas de pouvoir central, ni de « dirigeants » permanents, refus de tout loin avec des partis – laisse cependant ses membres départementaux libres de s’associer ou non à un mouvement syndical. C’est donc le cas dans la Loire. Ce qui n’enlèvera rien à une mobilisation locale annoncée comme massive. « Si on se réfère à 2010, il y avait eu, à plusieurs reprises, 8 000 à 9 000 personnes dans les rues de Roanne, plus de 20 000 à Saint-Etienne. On s’attend à des chiffres au moins équivalents ce jeudi », commente la CFDT Loire.

« En 2019 (première tentative de réformes des retraites sous Emmanuel Macron avortée par le Covid, Ndlr), on était encore sur ces chiffres, ajoute la CNT qui relève « un très fort intérêt de la part de la jeunesse, étudiants et lycéens lors de nos échanges et distributions de tractage. Beaucoup seront avec nous jeudi ». La CFE-CGC signale que des initiatives de bus pour rejoindre Saint-Etienne et Roanne depuis le reste du territoire, Montbrison et le Forez notamment se multiplient comme jamais vu depuis longtemps avec un intérêt certain des salariés du privé alors que la Snuipp-FSU annonce, au niveau national, 70 % de grévistes dans les écoles primaires et que les transports publics devraient être évidemment largement concernés. Chaque syndicat témoigne, enfin, d’appels inhabituellement nombreux de la part de travailleurs de tous secteurs, public ou privé : « On nous demande beaucoup quelles sont les modalités pour faire grève. Pour un salarié du privé, ce n’est pas un conflit interne, avec son employeur, alors c’est simple : il suffit de se déclarer à ce dernier à l’avance, sans délais précis ni même une obligation de le faire par écrit. »

« Cette réforme est brutale, agressive et injuste » 

Les syndicats pronostiquent donc une mobilisation recrutant bien au-delà des « habitués », s’ajoutant aussi à des branches que l’on voit davantage dans la rue depuis quelques années, à commencer par les professionnels de santé. Deux manifestations sont prévues dans le département : à Roanne, au départ, à 10 h 30, du Centre universitaire pour rejoindre la mairie. A Saint-Etienne, avec un départ à la même heure depuis la CCI, cours Fauriel pour un cortège se rendant jusqu’à l’hôtel de Ville. Comme le fait plus que suggérer le titre du communiqué intersyndical ligérien – Retraites : première journée de mobilisation le 19 janvier -, ce n’est sans doute que le début. Cela même si les unions départementales des syndicats attendront vendredi pour annoncer la suite du mouvement localement une fois les consignes d’en haut – à l’exception de la CNT donc – reçues, elles-mêmes fonction de la réaction du gouvernement que l’on voit très mal céder quoi que ce soit dès jeudi soir…

Photo d’illustration d’une manifestation intersyndicale à St-Etienne transmise par l’UD CGT42.

Quant à la marche sur Paris de ce samedi 21 lancée par l’appel « d’organisations de jeunesse » et à laquelle s’associent notamment LFI et plus largement les membres de la Nupes, RAS : « Bien sûr qu’il y aura des manifestants de la Loire et des gens issus de nos organisation mais c’est une initiative de partis politiques, pas la nôtre », explique la CGT Loire. Pour sa secrétaire générale Loire, Mireille Carrot, « depuis 1995, se succèdent des tentatives de réformes ou de réformes dites d’équilibre inefficaces qui n’ont qu’amené à travailler plus longtemps. Où est le progrès promis ? Et où est le danger ? Le système actuel n’est pas dans le rouge. Rappelons que les chiffres du Conseil d’orientation des retraites (COR) montrent qu’il n’y a pas à craindre des déficits abyssaux. Le système n’est pas en danger. Cette réforme est donc brutale, agressive et injuste. »

« C’est le casse du siècle »

« C’est le casse du siècle, surenchérit la CFE-CGC Loire. L’espérance de vie n’augmente plus depuis 10 ans. Celle d’un homme CSP + est de 83 ans, celle d’un opérateur de 71 ans. » L’Unsa Loire veut mettre en avant ce que le syndicat analyse comme « une incohérence d’une politique d’ensemble. Il y a énormément de chômage chez les plus de 50 ans, il n’y a pas assez de médecins pour suivre la santé dégradée des travailleurs plus âgés et en reportant l’âge de départ à la retraite, on empêche des jeunes de rentrer dans le marché du travail. On réclame toujours plus d’efforts aux classes moyennes qui comptent désormais le moindre sou. Pourquoi ? Pour travailler plus longtemps, en tomber malade et mourir sans profiter de la retraite. Cessons de toujours tout tirer vers le bas. » Pour les syndicats, les plus fragiles, les plus précaires, les carrières chaotiques – qui sont le lot plus fréquemment que les hommes de nombreuses femmes – seront perdants aussi, invalidant ainsi le totem du 1 200 € minimum puisque lié à un parcours complet.    

La décision d’allonger la durée de cotisations est en fait purement idéologique. 

FO Loire

Le système n’est pas en péril, le Cor l’a démontré (lire ce fameux rapport ici), redit de son côté FO Loire. Mais derrière cette bataille de chiffres, effectivement difficile à démêler (ce que met par exemple en avant cette analyse du site Arrêt sur images), le syndicat souhaite mettre le doigt sur la vraie problématique à ses yeux : « le partage des richesses ». « Cette réforme vise en réalité à financer la 5e branche de la Sécu consacrée à l’autonomie et dépourvue de financements. La décision d’allonger la durée de cotisations est en fait purement idéologique. » Avec même l’objectif mis sous le tapis de pousser à un système de capitalisation au détriment de la répartition, estime la CGT qui met à nouveau dans la balance, le rapport de l’Oxfam, sorti il y a un an. Celui-ci assurait que les plus grandes fortunes de France avaient augmenté d’un total de 236 milliards du printemps 2020 à fin 2021, soit plus que la progression enregistrée de 2009 à 2019.

« La démonstration d’une lutte des classes »

Rayon partage des richesses, les syndicats rappellent aussi le manque de contreparties, voire les promesses non tenues en termes de création d’emplois et de dynamisation des politiques salariales du « CICE », des « 157 milliards d’aides publiques versées aux entreprises », des « 80 milliards d’exonérations fiscales », etc. Aussi, pour la CNT, la solution serait là, à portée de main : « Prendre dans les caisses patronales et celles des actionnaires ». Dans une France où « un quart des 5 % les plus pauvres sont de toute façon déjà morts à 62 ans », le partage des richesses passe aux yeux du syndicat par une initiative révolutionnaire consistant à « se réapproprier la gestion collective des outils de production. Car nous n’avons pas d’illusions. Ils iront sans doute jusqu’au 49.3 et il faudra poursuivre par des actions de combat direct, aller jusqu’au sabotage. Oui, c’est la démonstration d’une lutte des classes. »

Surtout qu’assure là, l’ensemble des représentants syndicaux, d’autant plus remontés, que leurs propositions pour assurer sur le long terme la survie du système ont été balayées d’un revers de main, « sans même être discutées » par le gouvernement. Ces propositions consistent à augmenter les recettes du système en augmentant déjà massivement les salaires – donc les cotisations – de 5 % (9 Md€) puisque les entreprises, en commençant par « les grandes qui donnent leurs ordres aux petites » peuvent, disent-ils en réalité largement payer, encore plus quand on voit « les dividendes versées aux actionnaires ». Mais aussi en comblant « les 25 % d’inégalité moyenne des salaires entre hommes et femmes » (22 % selon l’Insee en 2019, avec un tiers expliqué par les temps partiels), soit « 6 Md€ » dégagés ou encore en créant des emplois publics partout où on a besoin – par exemple, « 300 000 dans la fonction hospitalière » – ce qui pourrait encore ajouter « 5 Md€ » de recettes. Bref, à deux jours du coup d’envoi, les syndicats ont, eux, bien fait le plein d’essence.

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