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Saint-Etienne Métropole : le retrait 2.0 de Gaël Perdriau (1/2)

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Surprise. Le président était bien au micro à l’entame de l’assemblée communautaire ce jeudi. Attaques, défenses et attaques : « l’affaire » a évidemment donné lieu à des échanges musclés. A leur issue, 61 % des élus ont voté un vœu – ne débouchant cependant sur aucune obligation légale – exigeant la démission de Gaël Perdriau. Sans l’intéressé, parti 2 heures auparavant appliquer un retrait, cette fois-ci « total ».

Intervenant 24 minutes sur sa situation, le président Gaël Perdriau a quitté la salle dans la foulée de son annonce d’un retrait « total ». ©If Media/Xavier Alix

Jusqu’à mourir sur scène ? Pas encore même si sous la pression, ça ploie fort. Pour ce qui est de se casser, la sortie inattendue de Gaël Perdriau, sans répondre aux questions des journalistes qu’il avait emmenés dans son sillage, a eu droit certes à quelques applaudissements mais au silence surtout. A l’issue de son long discours – 24 min – destiné à se défendre face au vœu déposé par six maires (à l’origine, il y avait trois vœux, finalement fusionnés) l’exhortant à démissionner, Gaël Perdriau a posé le micro et quitté le Musée d’Art moderne, illuminé en ce 8 décembre par la chaude, très chaude, ambiance de l’assemblée de Saint-Etienne Métropole. La seconde depuis la première parution, fin août, de l’enquête feuilleton de Médiapart. Les propos du président de l’EPCI, maire de Saint-Etienne se sont achevés avec l’annonce de son « retrait total » : « Je délègue l’ensemble de mes fonctions à Hervé Reynaud*, je lui confie mon pouvoir pour qu’il puisse voter en mon nom lors de cette séance et je vous souhaite de poursuivre efficacement vos travaux. »

Annoncé de manière confuse le 22 septembre, le premier « retrait », faute de définir clairement de quoi on parlait, avait donné lieu à des interprétations divergentes. Dans les faits, il ne s’agissait que d’un retrait d’ordre représentatif : Gaël Perdriau restait aux manettes et présent dans les groupes de travail, s’engageant à s’éclipser aux cérémonies, conférences de presse et… conseils communautaires. D’où la surprise de le voir au micro ce 8 décembre. Rappelons le rebondissement publié par Mediapart autour de l’affaire complexifiant celle-ci et faisant entrer dans la danse le président de la Région Aura, Laurent Wauquiez. Par retrait total, Gaël Perdriau entendrait ne plus du tout toucher aux affaires de Métropole jusqu’à nouvel ordre. Mais pour combien de temps ? Celui de l’enquête judiciaire ? Comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises Christophe Faverjon, 7e vice-président, la définition exacte de ce retrait et de ses contours n’a pas été donnée.

« Nous devons prendre une décision forte »

Cyrille Bonnefoy lisant le vœu adopté par une large majorité exigeant la démission de Gaël Perdriau. ©If Media/Xavier Alix

Le maire d’Unieux, avec ses camarades communistes de Rive-de-Gier (Vincent Bony) et de La Ricamarie (Cyrille Bonnefoy) ainsi que Jean-Alain Barrier, maire DVG de Farnay, étaient derrière le dépôt d’un vœu appelant à une démission pure et simple. Ramona Gonzalez-Grail, maire PS de La Talaudière et Gérard Tardy, maire DVD de Lorette également. Aussi, leurs trois vœux fusionnés, il revenait à Cyrille Bonnefoy de le lire : « Le bureau du 15 septembre a eu des orientations fortes qui, depuis, n’a pas été suivi des orientations décidées. Il s’est tenu après une réunion de vice-présidents. La grande majorité des maires, à commencer par le 1er vice-président ont fait savoir à Gaël Perdriau, avec des mots très durs, qu’il venait de se créer un climat où la confiance lui avait été retirée par toutes celles et ceux qui s’étaient exprimés. Depuis, nous avons assisté avec stupeur à une tentative inédite de censure préalable d’un article de presse. »

Le maintien dans ses fonctions serait maintenant une insulte à la démocratie, nos institutions, aux Stéphanois et Stéphanoises.

Cyrille Bonnefoy, maire de La Ricamarie

Le maire de La Ricamarie poursuivait : « (…) M. Perdriau a maintenant perdu toute forme de légitimité à exercer un mandat. Le maintien dans ses fonctions serait maintenant une insulte à la démocratie, nos institutions, aux Stéphanois et Stéphanoises. S’il lui reste un soupçon de dignité il doit quitter ses mandats dans les meilleurs délais. C’est le dernier service qu’il doit rendre aux habitants de Saint-Etienne Métropole avant de répondre de ses actes devant la Justice. Pour nous, la morale politique implique une mise en retrait en cas de mise en examen et une démission en cas de condamnation. » Or, pour les auteurs du vœu, c’est le cas avec la décision de justice du 30 novembre qui condamne Gaël Perdriau à payer la somme 9 000 € à Mediapart sur le fondement de l’article 700 du code civil. « Notre Métropole ne doit pas être empêchée, ni dans soin travail interne ni dans ses dimensions partenariales. La confiance dans le président de Saint-Etienne Métropole est malheureusement profondément altérée. Les habitants sont exaspérés. Le maintien dans ses fonctions du président est impossible. Nous devons prendre une décision forte au risque de paraître complices de tels agissements au regard de l’opinion public. »

« Des motifs politiciens »

Cette « nécessaire démission » réclamée, Gaël Perdriau allait longuement y répondre en demandant à l’assemblée une « qualité d’écoute » identique à sa réponse : « Depuis plus de 3 mois, vous êtes soumis à un pilonnage médiatique qui vous conduit à vous interroger sur le président de la Métropole. Comment pourrait-il en être autrement après ce que Mediapart qualifie de « révélations » ? Aujourd’hui, ceux qui réclament ma démission exposent des arguments techniques, éthiques ou philosophiques. Sur la technique : d’une part l’impossibilité de travailler sereinement avec le risque de voir nos actions gravement retardées. Et d’autre part, le risque de voir certains de nos partenaires dont la Région nous tenir à l’écart de leurs politiques et donc de leur financement. Depuis le mois septembre, il me semble qu’aucune délibération ou action concernant vos communes n’a été retardée ou empêchée. Nos services dont je salue le grand professionnalisme savent parfaitement faire la part des choses entre débat politique et polémique. »

Depuis septembre, aucune délibération ou action concernant vos communes n’a été retardée ou empêchée.

Gaël Perdriau

Pour Gaël Perdriau, une seule chose peut entraver réellement les travaux de Sem : « La volonté délibérée de certains de faire obstruction au bon déroulement du travail au service des communes, de l’avenir de notre territoire pour des motifs politiciens plutôt que l’intérêt général ». Le président prend à témoin l’exécution « plus rapide » du plan de relance métropolitain que ceux respectifs à ses partenaires. « Métropole continue d’œuvrer efficacement aux côtés des maires. L’ensemble des instances que je préside se sont tenues normalement et ont permis de prendrez toutes les décisions indispensables. » Gaël Perdriau en venait ensuite aux « mesures de rétorsion de nos partenaires ». En ce qui concerne l’ensemble des partenaires, Région à part« nous n’avons constaté aucun ralentissement dans la qualité du travail effectué. L’ensemble des dispositifs de droit commun ou contractuel fonctionnent avec la même efficacité et ne souffrent d’aucun retard sur les crédits obtenus ».

Le cas de la Région…

Et le cas de la Région ? « Différent et malheureusement habituel depuis l’élection de Laurent Wauquiez en 2015. Je tiens à votre disposition l’ensemble des courriers envoyés à la Région pour lui demander de tenir ses engagements. L’exécutif revient sur des engagements votés en fonction de choix parfaitement arbitraires. Pourquoi la Région ne respecte-t-elle pas les critères et engagements qu’elle fixe par rapport à la Métropole stéphanoise alors que les exigences techniques sont respectées ? Faut-il en conclure qu’à la Région les choix sont faits à la tête du client ou de manière équitable ? Des engagements soumis trop souvent à des marchandages politiciens étrangers à l’intérêt de notre territoire : « Si tu ne fais pas ça Gaël, alors nous ne pourrons pas être aux côtés de la Métropole et des communes ». Or, je ne transige jamais avec l’intérêt de la Métropole et de ses communes. Transiger nuirait à l’avenir de nos habitants. »

La Région n’aurait, assure-t-il toujours pas réglé plus de 16 M€ d’engagements. « Nous les réclamons depuis des mois, voire des années. Le dernier en date, l’Arena de Saint-Chamond pour lequel il manque 5 M€ de la Région. Nous ne sommes pas les seuls : demandez aux agglomérations de Clermont-Ferrand, Lyon et Grenoble. Cela dure depuis 2016. » Conclusion : « Ma démission ne permettrait donc pas de résoudre un problème de blocage des dossiers. Simplement parce que ce problème n’existe pas. » Restent les arguments « éthiques et philosophiques autour de propos tenus qui disqualifient le chef de l’exécutif qui ferait l’objet d’une condamnation dans sa volonté de censurer la presse. » Remarque « préliminaire » : « Les propos diffusés par Mediapart ont été enregistrés de manière illégale avec des méthodes qui ouvrent des suites judiciaires. Propos tenus au courant d’une discussion libre avec mon 1er adjoint parfois sur un ton grivois, peu commun à un élu mais pour comprendre ses agissements. Il n’a jamais été question dans mon esprit de lancer une rumeur. »

Une large majorité en faveur de la démission

Le vote a été effectué à bulletin secret. ©If Media/Xavier Alix

La plaidoirie de Gaël Perdriau était, à ce moment là, loin d’être achevée. Nous y reviendrons dans un second article relatant, bien entendu aussi, les interventions de maires, de conseillers de tout bords politiques, pour la plupart, contredisant les arguments de défense du président. Signalons en revanche, à ce stade, à nos lecteurs que le vote du vœu appelant à la démission effectué à bulletin secret (lui obtenu par un vote à main levé) a donné le résultat suivant : les élus ont adopté le vœu pour la démission du président de la Métropole à la majorité. Sur 119 votants (la quasi la totalité des maires et conseillers étaient présents), 73 élus ont voté pour sa démission (66 % des suffrages exprimés) ; 37 ont voté contre et 9 se sont abstenus. Cela ne donnera lieu à aucune contrainte légale envers Gaël Perdriau.

*Le maire de Saint-Chamond et 1er vice-président avait annoncé refuser présider cette séance à la suite d’une séance d’explications entre lui et Gaël Perdriau après avoir demandé la démission de ce dernier le 1er décembre aux côtés de 24 autres élus. 

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