Agriculture : le Département a soigné le coup de froid en espérant éviter le coup de chaud
Alors que les cultures de la Loire souffrent déjà de la sécheresse en plein mois de mai, le conseil départemental est revenu sur les aides financières qu’il a votées en octobre pour que viticulteurs et arboriculteurs puissent faire face aux fortes pertes liées au gel d’avril 2021. La concrétisation des aides du Département concerne pour l’instant les producteurs de fruits mais aussi les apicultures pour un total de 305 000 €.
Aujourd’hui, ce n’est pas le gel qui les inquiète. Mais ce mercure qui franchit les 30° en plein mois de mai et l’absence d’eau. « S’il ne pleut pas réellement dans les trois semaines, la saison est foutue », résume pour sa chapelle Gilles Deshors, apiculteur associé avec deux autres au sein de la Miellerie des Gorges de la Loire à Saint-Victor-sur-Loire. Ce serait rageant : la récolte de miel 2022 lancée début avril et qui doit s’achever normalement fin août avait, dit-il, très bien commencé. Pour une fois. La météo estivale, bien avant l’heure, et la sécheresse structurelle inquiètent l’ensemble des agricultures de la Loire. Et parmi eux aussi, les arboricultures : « Tout souffre. Nos cerises par exemple commencent à rétrécir. Les arbres pompent leur jus », explique Michaël Mazenod, dirigeant de l’EARL familiale Les Vergers de Bayol, à Saint-Paul-en-Jarez.
Michaël Mazenod représente sa filière au sein de la Chambre d’agriculture de la Loire. C’est donc dans cette exploitation de 25 ha consacrée aux cerises mais aussi aux pommes, poires et coins et où travaillent en permanence six équivalents temps plein que le Département de la Loire a décidé, jeudi, de faire un premier bilan des aides financières exceptionnelles votées en octobre dernier à la suite de l’épisode de gel catastrophique d’avril 2021. Un dispositif qui ne sera pas aussi nécessaire en 2022, même si on est passé tout prêt de voir la situation se reproduire, et encore une fois début avril. « Cette année, cela a surtout touché les abricotiers », constate Michaël Mazenod.
Des pertes colossales en avril 2021
Il y a 13 mois en revanche, les pertes, bien que très variables selon les exploitations, avaient été colossales parmi les viticulteurs et la centaine d’arboriculteurs de la Loire dont plus de la moitié sont installés dans la vallée du Gier. Jusqu’à 95 % de pertes pour les abricots, 70 % par les cerises, 50 % pour les pommes… Aux aides de la Région et de l’Etat, s’ajoutent 600 000 € votés pour le Département en octobre : un total destiné aux viticulteurs, apiculteurs et arboriculteurs. Les contraintes européennes (cependant déterminées par une notification franco-française) amenant des plafonnements sur le régime de calamité, le Département a été forcé de s’adosser à la Région pour les arboriculteurs. Aussi chez ces derniers, seuls ceux ayant effectué la même année des investissements pouvaient prétendre à son coup de pouce.
Les apiculteurs, eux, pouvaient être adossés au régime de calamité : ils sont 39 dans la Loire à avoir ainsi bénéficié de 100 000 € du Département de la Loire. L’aide du Département vient là majorer celles apportées par le fonds national de gestion des risques agricoles. Côté producteurs de fruits à noyaux, 22 exploitants ont touché des aides totalisants aussi 100 000 € mais là reliés donc au dispositif régional que l’aide départementale majore avec un forfait à 800 € par ha de surface exploitée en cultures éligibles, plafonnée à 7 000 par bénéficiaire. Enfin, les producteurs de fruits à pépins et petits fruits rouges ont touché, eux, un total de 105 000 € pour 21 exploitations sur les mêmes bases, là aussi adossé aux aides de la Région. Paradoxalement, le nombre de sollicitions et le jeu de plafonnement des aides accordées ont amené à utiliser un total moindre que celui voté en octobre : 305 000 € contre 350 000 € validés par l’assemblée départementale.
« Cela permet clairement de passer le cap »
Heureusement, « pour plus de simplicité et d’efficience, les aides adossées à la Région n’ont pas donné lieu à un dépôt de dossiers supplémentaires parallèles », souligne Chantal Brosse, vice-présidente du Département chargée de l’agriculture. Un soulagement administratif bienvenu au sein d’une démarche technique et complexe, très encadrée qui met forcément du temps à se concrétiser. Mais ça y est, « les virements directement sur les comptes des bénéficiaires commencent à tomber, assure Georges Ziegler. L’autre partie de la somme votée en octobre concerne les viticulteurs. Leur situation, bien sûr difficile aussi, était cependant moins urgente à régler que les arboriculteurs. » Leurs aides seront présentées lors d’une prochaine commission permanente.
Les aides publiques apportées aux arboriculteurs sont-elles à la hauteur des pertes de revenus ? « Ça ne compense pas tout mais oui, c’est suffisamment significatif pour s’en sortir, nous répond Michaël Mazenod. Alors d’accord, ça fait seulement une quarantaine d’arboriculteurs aidés (en ce qui concerne les aides départementales, Ndlr) sur une centaine dans la Loire. Mais certains n’ont été que très relativement touchés en 2021 et n’ont rien demandé. D’autres en revanche étaient bloqués par cette notion d’investissement. Mais pour ceux qui vont toucher les aides cela permet clairement de passer le cap. » Celui-ci du moins. En espérant qu’au gel ne succède pas l’absence d’eau, sinon la grêle puis un nouvel épisode de gel à la sortie de l’hiver 2023…