Une batterie démontable et « de qualité » : l’invention de Dylent va faire du bruit
Cette start-up accueillie par Saint-Etienne Métropole au BHT y travaille discrètement depuis bientôt 3 ans. Mais l’idée de mettre au point une batterie démontable, légère tenant dans un gros sac ou une valise sans altérer la qualité de l’instrument, Régis Rivas y songe depuis tout jeune. Le prototype abouti, l’entreprise est désormais prête à se lancer dans sa production et sa commercialisation.
La frustration du batteur, Régis Rivas la connaît. Passionné de musique depuis tout petit, ce Francilien d’origine qui a fait le conservatoire Emile-Vilain de Chennevières en région parisienne en est un. Parallèlement à sa profession, il a joué et joue au sein de plusieurs formations jazz ou rock. Et des répétitions ratées, sinon dépourvues de « vrai » matériel, il en a connu plus d’une quand ce ne sont pas des opportunités de concert mises de côté. Et pour cause : « Tous les batteurs amateurs ou même pros pour énormément d’entre eux, connaissent ça : impossible de trainer les mètres cubes et le poids – de 50 à 100 kg selon les modèles – dans les transports en commun. Quand j’avais 12 ans, pour ne pas me pointer qu’avec une caisse claire et une cymbale, je n’avais qu’une possibilité : que mes parents puissent et acceptent de m’emmener puis de venir me chercher en voiture avec ma batterie dedans… Et même là, c’est évidemment très long et pénible de charger, décharger, monter puis démonter recharger, redécharger, etc. »
Régis Rivas n’est pas devenu musicien professionnel. Mais il a toujours gardé l’envie de trouver une solution. Une vraie. Car les alternatives existantes n’ont jamais été satisfaisantes et ne le sont toujours pas, estime-t-il. « Les batteries pour enfant sont bien plus légères mais faites… pour des enfants qui débutent ! Et tout ce qui peut éventuellement se substituer à une réelle batterie, ne remplace pas de loin, la qualité du son, ne serait-ce que celui d’un modèle moyen gamme. Récemment, une grande marque a sorti une batterie en kits avec 3 fûts (au lieu de 4 ou 5 pour quelque chose de complet) mais ce n’est pas très stable, pas très robuste et la sonorité n’est pas du tout à la hauteur d’une vraie bonne batterie. Ces compromis n’ont pas d’intérêts réels quand on joue sérieusement ou alors, c’est pour une petite prestation ponctuelle mais pas plus, pas pour travailler et jouer sérieusement. »
Seulement 10 kg à mettre dans un sac
Proposer une batterie démontable et remontable en quelques minutes qui tient dans un gros sac ou valise – un volume de 0,2 m3 contre 3 à 4 m3 – pesant une dizaine de kg tout en garantissant une sonorité de qualité, c’est l’objet de la start-up : Dylent, créée avec un ami d’enfance Christophe Huet. Jusqu’à fin 2018, Régis Rivas après avoir été ingénieur informaticien, DSI (directeur des systèmes d’information) était directeur stratégie et développement pour une filiale du groupe Limagrain à Valence. « J’ai pris ce poste début 2018 après avoir travaillé pour d’autres filiales de Limagrain et passé beaucoup de temps à l’étranger : 12 ans à Singapour, un an en Australie, 8 aux Etats-Unis… Sur mon dernier poste, en Californie, j’ai eu la possibilité, un projet purement personnel, d’initier l’idée de Dylent avec des équipes de l’université de Californie à Davis, entre San Francisco et Sacramento. J’ai constaté que c’était largement faisable ayant obtenu un produit acceptable même s’il y avait encore beaucoup de travail. »
La cinquantaine approchante et après toutes ces années dans l’informatique, l’envie de devenir se lancer pleinement sur le projet en tant qu’entrepreneur a pris le dessus. Le hic : Régis Rivas ne trouve pas d’appuis suffisants dans l’écosystème de Lyon où il habite alors, pour se lancer. « Les dispositifs de soutien et de lancement publics ou privé privilégiaient la mobilité, l’environnement, l’assistance informatique, etc. Mais un projet plus culturel comme ça, même si on me disait que c’était une bonne idée, personne n’en voulait. » Le batteur informaticien se tourne alors vers Saint-Etienne Métropole ayant entendu parler de « Mind » son dispositif d’accompagnement stratégique, commercial et administratif et considérant que l’orientation, entre autres, art/design de la collectivité faisait sens avec son projet.
Vendue au prix du milieu de gamme
Bingo : la collectivité lui accorde le dispositif et, depuis 2020, un atelier de travail de 160 m2 à loyer réduit au BHT, Bâtiment des hautes technologies. Un soutien qui en a déclenché d’autres : Réseau Entreprendre Loire dont Dylent a été lauréat 2020, la BPI, la Région… Depuis le début de leur aventure, Regis Rivas et Christophe Huet, ex-chef décorateur à Canal+ qui amène des compétences sur la fabrication, en menuiserie, ont investi un total d’environ 160 000 € dans leur aventure, en attendant 50 000 autres euros à venir mais actés. Après 2 ans de perfectionnement, d’essais acharnés, et de tests auprès d’amis musiciens, Dylent dit être parvenue à obtenir une batterie de 4 fûts correspondant à un équipement milieu de gamme (coûtant entre 1 000 et 2 000 € ; le premier modèle de Dylent devrait, lui, être vendu de 1 500 à 2 000 €) avec une sonorité largement satisfaisante qui n’impose aucun compromis à un musicien averti.
Concilier un système de montage et démontage simple et efficace, sécurisé ainsi que la légèreté et la qualité du son via des de fûts de taille normale, le tout destiné à tenir dans un rangement compact sans pour autant sacrifier l’esthétique, n’a pas été une sinécure. De quoi rendre le duo méfiant vis-à-vis de la concurrence au point qu’il ne veut pas encore diffuser des images d’ensemble de son produit fini. Ses fûts design sont faits dans un mix de bois de hêtre – « j’aime particulièrement la sonorité que l’on obtient avec cette matière » – et de Paulownia aussi résistant que léger, avec des éléments métalliques légers permettant de lier les pièces saucissonnées quand démontées. Un modèle avec lequel on peut jouer du pop rock en attendant le développement de deux autres gammes plus spécifiques au jazz, au rock ou au heavy metal.
Fabrication en série et recrutement en vue
« La pénurie de bois en 2022 a ralenti notre progression. Mais nous sommes fin prêts sur ce premier modèle testé en studio depuis la fin d’année par des connaissances de notre réseau, des pros, avec de très bons retours. » Pour les confirmer, dix exemplaires sont ou seront utilisés incognito par d’autres pros mais aussi une école de musique et sans doute enfin, au sein d’une structure culturelle, une salle de Saint-Etienne. La vente devrait être lancée en septembre 2023. A quelques dizaines d’exemplaires dans un premier exercice, encore, à blanc avant de se lancer véritablement sur le suivant. C’est-à-dire 2024/25, exercice sur lequel Dylent espère passer à plusieurs centaines d’exemplaires écoulés. L’entreprise passera alors du statut de start-up à TPE industrielle.
Nous allons forcément recruter une équipe avec des assembleurs, des usineurs. On estime à ce stade que nous allons avoir besoin de 7 personnes à partir de 2024/25.
Régis Rivas
Car « nous ne sous-traiterons pas la fabrication. Au sein du BHT, nos locaux sont taillés pour produire jusqu’à 250 batteries par an. A nous deux, avec Christophe, on peut en fabriquer une soixantaine par an. Mais on ne pourra pas, bien sûr, se concentrer sur la seule fabrication. Nous allons donc forcément recruter une équipe avec des assembleurs, des usineurs. On estime à ce stade que nous allons avoir besoin de sept personnes à partir de 2024/25. Si tout va bien et que l’on se développe, oui, il faudra trouver des locaux plus grands. Mais nous resterons sur le territoire de Saint-Etienne Métropole qui nous a ouvert la porte et permis de se lancer. C’est promis. » Et entendu