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vendredi 26 avril 2024
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Ehpad : « Chez nous, un euro encaissé est un euro décaissé »

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Le Carrefour d’amitié et d’entraide en faveur des personnes âgées (CAEFPA) est une association à but non-lucratif, qui gère les résidences pour personnes âgées Le Chasseur à Saint-Genest-Lerpt, L’Accueil à Rive-de-Gier, Lamartine à Saint-Étienne, Les Vespérales et La Maison d’Annie à Saint-Victor-sur-Loire, et, depuis peu, L’Oasis au Chambon-Feugerolles. Le Covid et le récent scandale Orpea ont suscité une grande méfiance vis-à-vis des Ehpad. Rencontre avec Bruno Dubanchet, président du conseil d’administration de l’association.

Comment l’association CAEFPA fonctionne-t-elle ?

Nous sommes une association à but non-lucratif. Depuis le scandale Orpea, on a beaucoup d’appels pour justement vérifier qu’on ne soit pas « à but lucratif comme les autres ». Mais nous ne sommes pas là pour dire que les autres sont tous des nuls. Il y a certainement un mode d’organisation qui allait dans ce sens dans certains établissements, mais nous sommes exactement en sens inverse. Nous avons des coefficients d’encadrement très satisfaisants, en général supérieurs à ceux du privé lucratif. Cela représente 0,70 personnel disponible pour une personne âgée. Cela comprend le personnel administratif, soignant, etc. L’idéal serait pour nous d’atteindre 1. Dans l’organisation de la personne âgée en France aujourd’hui, il y a trois ressources : la contribution de la personne âgée, l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) versée par le Département, et le forfait soin versé par la Caisse primaire d’assurance maladie sur un arrêté de l’ARS. Si l’on prend les deux dernières, elles sont devenues aujourd’hui quasiment supérieures à ce que paye le résident. Les pouvoirs publics donnent donc plus que le résident. Cela donne donc toute autorité à l’État de venir voir ce qu’il se passe chez nous.

Les Ehpad sont souvent perçus comme des mouroirs, par des gens qui, bien souvent, n’ont jamais mis les pieds dans un Ehpad. Nous, nous sommes dans une logique de lieu de vie.

Bruno Dubanchet, président du conseil d’administration de l’association CAEFPA

Justement, le président du Département Georges Ziegler a annoncé le lancement d’une enquête dans les Ehpad ligériens. Qu’en pensez-vous ?

Cela ne nous gêne pas, au contraire, on ne demande que ça. Il y aura des imperfections, des recommandations, mais nous n’avons rien à cacher. Nous souhaitons cette transparence, c’est ce qui permettra d’éviter cette méfiance grandissante des personnes qui ont aujourd’hui peur de placer leurs parents en Ehpad. Bien sûr, ils ont toujours eu peur, cela a toujours entraîné un sentiment de culpabilité. Mais aujourd’hui, ce sentiment est décuplé, car ils imaginent qu’ils vont mettre leurs parents dans des établissements dans lesquels on va les maltraiter, ne pas les nourrir suffisamment, ou ne pas les changer. C’est quelque chose de très grave.

Les Vespérales
Les Vespérales, village senior à Saint-Victor-sur-Loire, géré par l’association. © Marion Dubanchet

L’image des Ehpad, au-delà du scandale Orpea, est difficile dans l’imaginaire commun ?

Oui, il y a une nécessité de changer cette image. Ils sont souvent perçus comme des mouroirs, par des gens qui, bien souvent, n’ont jamais mis les pieds dans un Ehpad. Nous, nous sommes dans une logique de lieu de vie. Il y a des animations, des parcs, les gens ne sont absolument pas enfermés, peuvent sortir. Les gens sont ici chez eux.

La crise sanitaire a-t-elle contribué à dégrader cette image ?

Cela a été un peu compliqué par rapport à l’ignorance. Mais notre personnel n’a jamais manqué de rien ici, ni de seringues, ni de blouses… et ça nous a coûté en consommation. Il y avait des obligations à respecter pendant cette période, comme de ne plus prendre les repas dans les salles communes, mais il y avait un roulement du personnel, pour aller constamment voir les résidents dans leurs chambres et que le sentiment de solitude ne soit pas trop fort. Ça a été dur pour tout le monde, le personnel, les résidents, les directeurs, les familles, y compris chez nous. Sachant qu’au début, le deuil n’était pas autorisé pour les personnes malheureusement touchées, par crainte de contamination. C’était dramatique. Globalement, nous nous sommes adaptés, nous avons fait ce qu’il fallait pour ne pas manquer de matériel, même si c’était hors budget. L’ARS nous compensait ces dépenses avec un crédit non-reconductible. L’État a suivi, on ne peut pas dire le contraire. La Fondation des hôpitaux de France nous avait également financé quatre Tovertafel*. Il y a eu un effort collectif.

Bruno Dubanchet préside bénévolement le conseil d’administration de l’association. © Marion Dubanchet

Comment restaurer la confiance avec la population ?

Par la démonstration de qui nous sommes. Il faut communiquer, expliquer, avoir une transparence totale. Les lieux sont ouverts à tous. Il faut que les gens commencent par savoir que l’on existe aussi sur ce modèle associatif. Nous sommes, moi y compris, dix-sept bénévoles au conseil d’administration de l’association. C’est pourquoi nous souhaitons davantage le mettre en avant. C’est un argument auprès d’une clientèle qui quitte les autres établissements. Chez nous, un euro encaissé est un euro décaissé, c’est le maître-mot.

Il faut communiquer, expliquer, avoir une transparence totale. Les lieux sont ouverts à tous. Il faut que les gens commencent par savoir que l’on existe aussi sur ce modèle associatif.

Vous avez perdu beaucoup de résidents à la suite de cette affaire ?

Des demandes en cours ont été annulées dans la semaine qui a suivi oui, notamment pour les établissements situés en ville. Actuellement, les personnes qui cherchent un établissement ont de la place partout, en raison des décès liés au Covid, et de l’appréhension des familles qui est venue récemment s’y ajouter. Les gens ont aussi peur qu’on isole leurs parents en cas de cluster, donc ne les placent plus. Maintenant, il y a le scandale de la maltraitance, donc ceux qui hésitaient attendent. Tout l’effort est de dire que rien ne change pour nous, que cela reste un lieu de vie, ouvert sur le quartier, et qui doit devenir la nouvelle place du marché en quelques sortes. Il n’y a pas besoin de prendre rendez-vous, les gens peuvent venir, voir leurs proches, ou simplement voir comment cela se passe. On ne cache pas les personnes âgées, au contraire. Au Chasseur, nous sommes sur un projet de parc, à La maison d’Annie il existe déjà, et à Lamartine je viens de négocier ce matin l’acquisition d’un terrain adjacent de 2 000 mètres carrés, en plein centre-ville. Ce qui est important, c’est de donner satisfaction à la personne âgée et également à la famille. Qu’elle parte le soir en étant sereine.


*Table numérique qui stimule les personnes âgées par le jeu.

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