Avec « Wi-filles », Face Loire connecte les adolescentes aux métiers du numérique
Trop peu de filles se tournent vers les métiers du numérique se privant ainsi, par déterminisme, un réflexe coriace presque culturel, de nombreux débouchés. Privant, aussi, le secteur d’autant de points de vue et de talents potentiels. Le constat n’est bien sûr pas que de Face Loire. Mais le club d’entreprises associatif dévoué à l’insertion socio-professionnelle veut croire que ce n’est pas une fatalité. Il vient de lancer la 5e édition de Wi-filles, sa « masterclass » destinée au 14-18 ans en sud Loire étendue cette année au Roannais.
Dans le numérique, les femmes manquent. Mais les chiffres pour l’illustrer, eux, ne manquent pas. Y compris pour montrer que ce n’est pas une fatalité. Si selon l’Insee, on comptait au niveau national 23 % de femmes dans les métiers du numérique en 2017, elles seraient en 2020 30 % – mais seulement 15 % sur des fonctions techniques – selon la même source. Pas évident de trouver des chiffres régionaux, encore moins départementaux. Quand c’est le cas, ils ne sont pas vraiment de première fraîcheur. Néanmoins, une publication de l’Insee d’avril 2021 – mais sur des données datant de 2017 – évoque 21 % de femmes seulement parmi les ingénieurs et chefs de projets au sein du secteur du numérique en Auvergne-Rhône-Alpes, région parmi les plus actives de France dans ce domaine. 21 % alors qu’elles représentent 43 % de l’ensemble des cadres et professions intellectuelles supérieures hors numérique.
De même, 45 % des employés et des opérateurs d’exploitation en informatique étaient alors des femmes. Tandis que cette proportion est de 77 % pour les employés dont la profession n’est pas liée au numérique. Côté orientation, d’après une enquête menée en 2021 par l’école informatique Epitech (13 implantations en France dont Lyon) et l’Ipsos, qui analysait les choix d’orientation des jeunes en fonction de leur genre, « les stéréotypes des parents éloignent les filles des métiers du numérique. En effet, seulement 33 % des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique, contre 61 % des garçons, alors que les parents sont les principaux prescripteurs en matière d’orientation ». Cette même étude dit que 37 % des lycéennes envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou une école d’ingénieur, contre 66 % des garçons. Pourtant, 56 % des lycéennes seraient intéressées par l’informatique et le numérique.
Un impact sur la performance des entreprises
Autre statistique nationale mais là mise en en avant par Face Loire : « Les filles ont tendance à moins s’orienter dans les formations initiales aux métiers du numérique : elles sont seulement 20 % à candidater dans ces filières de formation (versus 80 % de candidatures de garçons) ». L’association qui regroupe, sous la forme d’un club, une soixantaine d’entreprises de la Loire de toutes tailles et domaines d’activités pour promouvoir des politiques RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) estime que les entreprises mènent pourtant « des politiques volontaristes pour recruter davantage de femmes » mais qu’elles rencontrent « trop peu de candidates ». Lundi lors du lancement de la 5e promo du programme Wi-filles, Michel Nowaczyk, délégué préfectoral à la politique de la Ville mettait davantage en avant ce « déterminisme » culturel que des discriminations à l’embauche. « Ne vous interdisez rien, osez tout », lançait-il à l’adresse des sept jeunes filles habitant le sud Loire inscrite cette année au dispositif de Face.
L’Etat, via à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est en effet partenaire de l’initiative lancée en 2018 par Face Loire qui lui vaut ses subsides. La Région aussi ainsi que la Ville de Saint-Etienne mais la principale collectivité locale à la soutenir est le Département avec 15 000 € accordés annuels à l’association pour mener à bien le projet. Sa vice-présidente au numérique Séverine Reynaud était aussi là lundi, pour encourager les adolescentes, élargissant le sujet en disant que seulement « 12 % des filles se tournaient vers des formations aux métiers scientifiques à la sortie du lycée ». Si Face Loire veut lutter contre les préjugés, encourager les vocations vis-à-vis d’un secteur qui comme d’autres, est confronté à de sérieux problèmes de recrutement, y compris localement, l’association estime aussi que « le manque de diversité dans les équipes qui créent les algorithmes » d’une intelligence artificielle toujours plus prégnante dans notre économie et notre société « peut conduire à des situations de discrimination dans l’obtention d’un prêt, d’un logement ou d’un emploi, dans l’utilisation de biens ou service tel que l’ouverture d’un compte en ligne pour citer quelques exemples. »
Une première dans le Roannais
D’où la création il y a 5 ans du programme Wi-filles s’adressant aux 14-18 ans. D’abord, d’une vaste sensibilisation abordant les questions de mixité professionnelle et le secteur du numérique. En 2021-2022, 1 158 ados avaient ainsi été sensibilisés dont 720 filles au sein de collèges, de lycées de la métropole Stéphanoise ou encore via d’autres associations, des clubs de sport et les réseaux sociaux. Ensuite, une « promotion », 6 à 12 filles souhaitant aller plus loin, suit un programme constitué d’ateliers collectifs, de rencontres avec des professionnels du numérique et de visites d’entreprises. « Une opportunité pour elles de développer de nouvelles compétences, de les aider dans leur choix d’orientation et de commencer à se créer un réseau », synthétise Face Loire. Marrainées par Nadine Mathias, cheffe de projet au sein de l’implantation stéphanoise de l’entreprise Axione, les volontaires de la promotion 2023 se retrouvent ainsi hors du hors temps scolaire avec une première semaine, du lundi au vendredi de 9 h à 16 h30, lors de ces vacances de février. La seconde sera en avril.
En plus d’Axione, d’autres acteurs du secteur numérique ligérien soutiennent Wi-filles : Digital League, Brame studio, OpenScop, SFI, Zoomacom, Adist, Auuna, LightLab mais aussi Hop’Com, NumeriParc le Fablab de Roannais Agglomération et l’EPN de Roannais Agglomération. Car la nouveauté cette année, « c’est l’extension du dispositif au Roannais, avec une promotion qui se retrouvera la deuxième semaine des vacances de février et trois mercredi Au Fablab de Roanne », annonce Coralie Fulchiron, cheffe de projets emploi – éducation au sein de Face Loire. Les 8 ados roannaises permettent de compenser une promotion 2023 plus réduite qu’en 2022 dans le Sud Loire avec 7 représentantes contre 12 l’an passé. Elles ont été accueillies dans les nouveaux locaux de Face Loire, au sein du Point Milieu, rue de la presse à Saint-Etienne dans l’ex siège Loire du Progrès, qui s’ajoutent depuis peu à ceux situés à Pôle emploi.